Sénégal : L’Assemblée nationale convoquée pour dissoudre l’OFNAC

En 2012, la création de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) avait marqué une avancée symbolique dans la quête de transparence de l’État sénégalais. Mais treize ans plus tard, cette institution est sur le point de disparaître. Selon Les Echos, le mercredi 6 août 2025, le bureau de l’Assemblée nationale est appelé à se pencher sur un projet de loi qui pourrait tout simplement enterrer l’organe qu’elle avait aidé à faire naître. Une nouvelle structure, au contour encore flou, serait en gestation dans les tiroirs du gouvernement.

Une institution affaiblie par la controverse

La trajectoire de l’OFNAC a été marquée par des tensions persistantes, mais c’est l’arrivée de Serigne Bassirou Guèye à sa tête, en 2022, qui a véritablement ravivé les divisions. Ancien procureur de la République, il reste associé à l’ombre portée de l’affaire Adji Sarr – Ousmane Sonko, enclenchée sous sa responsabilité en 2021. Pour une partie de l’opinion, notamment au sein des sympathisants de PASTEF, sa nomination a été perçue comme la reconduction d’une stratégie institutionnelle hostile. Cette perception a nourri une défiance profonde vis-à-vis de l’OFNAC, dont les enquêtes et les rapports se sont heurtés à une perte de crédibilité auprès d’une frange significative de la population.

Dans ce climat, la refonte du dispositif anti-corruption n’est pas seulement un ajustement administratif. Elle cristallise des aspirations à rompre avec un cycle d’accusations mutuelles entre pouvoir judiciaire et acteurs politiques. Le signal est fort : ce que certains considéraient comme un rempart est désormais perçu comme un verrou à faire sauter.

Vers une refondation complète de l’architecture anticorruption

La décision du Conseil des ministres, qui a validé un projet de loi pour créer une nouvelle entité nationale de lutte contre la corruption, traduit une volonté de rupture plus profonde qu’il n’y paraît. Ce texte, encore confidentiel dans sa formulation, pourrait mener à l’abrogation pure et simple de la loi de 2012, pierre angulaire de l’existence juridique de l’OFNAC. Le gouvernement parie sur une refondation complète, en espérant restaurer la confiance publique dans la transparence de l’action étatique.

Le pari est ambitieux : tout nouvel organe devra convaincre à la fois par sa rigueur, son indépendance et sa capacité à agir dans un climat politique tendu. La crédibilité d’une telle structure ne se construira pas uniquement sur des textes mais sur la qualité de ses dirigeants, la clarté de son mandat et l’efficacité de ses interventions.

Entre défi institutionnel et symbole politique

La dissolution de l’OFNAC intervient à un moment clé pour le régime du président Bassirou Diomaye Faye, élu sur des promesses de rupture avec l’opacité du passé. Le choix de reconfigurer l’arsenal institutionnel chargé de la lutte contre la corruption ne peut être perçu comme une simple mesure technique. Il s’agit d’un acte politique fort, qui engage la nouvelle majorité sur le terrain du renouvellement des institutions.

Mais cette décision pose aussi une série de questions : que deviendront les enquêtes en cours ? Quel sort pour les rapports non publiés ? Et surtout, quelles garanties d’indépendance pour la future structure annoncée ? Autant d’interrogations auxquelles les députés devront réfléchir avant de trancher.

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