Sénégal : Moderniser et humaniser pour réconcilier les usagers au service public

Plus de 9 000 Sénégalais ont pris la plume ou partagé sur internet leurs témoignages sur les services publics qu’ils fréquentent. Le constat est net : ce que beaucoup vivent au quotidien dans les hôpitaux, les commissariats, les bureaux d’état civil ou les mairies ne correspond pas à ce qu’ils attendent d’un État juste et efficace. Longues files d’attente, accueil glacial, procédures opaques, agents absents ou peu investis… les griefs sont nombreux. Mais derrière ces critiques, transparaît une volonté collective de changement. Cette consultation nationale a levé le voile sur une aspiration partagée : celle d’un service public qui respecte, qui écoute et qui agit.

Ce diagnostic participatif a nourri les réflexions de Ousmane Sonko, Premier ministre, qui a défendu avec force la réforme du service public, au cours de la Présentation de l’Agenda national de Transformation ce matin. Pour lui, améliorer l’État, ce n’est pas simplement faire mieux fonctionner les rouages administratifs. C’est redonner du sens au lien entre les citoyens et leurs institutions, dans un pays où la défiance s’est enracinée au fil des années.

Refondre en profondeur, pas simplement réparer

Les mesures proposées vont bien au-delà de la surface. Il ne s’agit pas seulement d’améliorer l’accueil dans les bureaux ou de punir quelques agents fautifs. Le projet est plus ambitieux : repenser les fondations du service public pour en faire un instrument de justice sociale, d’efficacité collective et de responsabilité.

L’un des angles d’attaque majeurs reste la numérisation. La création d’une interface unique pour accéder aux services administratifs vise à réduire les démarches fastidieuses et les files interminables. Le recours à des identifiants numériques permettra d’automatiser l’authentification des citoyens, tout en protégeant mieux leurs données. Dans le même esprit, des guichets uniques pourraient bientôt centraliser l’ensemble des demandes administratives dans un lieu unique, physique ou virtuel.

Mais cette modernisation n’a de sens que si elle s’accompagne d’un changement culturel. Samba Diop, expert en gouvernance publique, alerte sur l’obsolescence du cadre juridique actuel qui encadre la fonction publique, toujours basé sur une loi remontant à 1961. Il plaide pour une refonte du système de gestion des ressources humaines, fondée sur la compétence, la transparence et la responsabilisation. « Il est temps de dépasser les logiques d’ancienneté et de clientélisme », déclare-t-il. En clair, valoriser les agents performants et sanctionner clairement les manquements.

Une administration qui protège, pas qui décourage

L’État ne veut pas seulement gagner en efficacité, il cherche aussi à rétablir la confiance. Cela passe par une lutte frontale contre la corruption, qui gangrène certains services, selon les témoignages des citoyens. Pour cela, les autorités misent sur une stratégie d’incitation à l’intégrité : campagnes de sensibilisation, promotion de l’éthique dans les recrutements et les évaluations, valorisation des comportements vertueux. Plutôt que d’agir uniquement par la peur de la sanction, le gouvernement veut renforcer le sens du devoir civique chez les agents.

Une autre dimension de cette transformation concerne l’accessibilité et l’inclusion. Les bâtiments publics sont encore difficilement accessibles aux personnes à mobilité réduite. Cela traduit un oubli persistant : celui de concevoir l’administration comme un lieu pour tous. C’est aussi pourquoi une stratégie de “verdissement” de l’administration a été lancée. Il s’agit d’intégrer dans l’organisation même des services des critères de durabilité, en matière d’énergie, de transport ou d’achats publics.

À travers cet ensemble de mesures, Ousmane Sonko affirme une conviction simple : un État respecté est d’abord un État qui respecte. Les réformes engagées cherchent à faire du service public un lieu de confiance, d’écoute et de résultats. Elles appellent aussi chaque citoyen à devenir acteur de cette mutation. Car si l’administration change, c’est aussi parce que les Sénégalais l’exigent, et que désormais, ils le font entendre haut et fort.

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