L’obtention d’un visa pour les États-Unis devient plus intrusive pour les ressortissants sénégalais. À partir de ce mois d’août, les demandeurs de visas non-immigrants de type F, M ou J doivent désormais rendre publics les paramètres de confidentialité de leurs profils sur les réseaux sociaux. Derrière ce tournant administratif, un glissement s’opère : la frontière entre vie privée et évaluation sécuritaire se resserre, et les publications passées deviennent des éléments scrutés pour valider — ou non — un projet de voyage.
La mesure, généralisée à l’échelle mondiale, prend un relief particulier au Sénégal, où les discussions sur les réseaux dénoncent déjà une restriction ciblée. En juin, le pays figurait sur une liste non officielle de nations sous surveillance potentielle pour un visa ban, attisant les inquiétudes. L’introduction de cette exigence technique est ainsi perçue par certains comme le prélude silencieux à une politique plus rigide à l’encontre des jeunes candidats sénégalais, notamment étudiants et chercheurs.
Réseaux sociaux : nouveaux territoires de contrôle
Les plateformes numériques, autrefois espaces d’expression personnelle, deviennent désormais des terrains d’investigation consulaire. Que ce soit une photo d’une manifestation, un tweet politique ou une vidéo anodine, chaque contenu public peut être interprété à travers le prisme du risque sécuritaire. Pour les Sénégalais souhaitant entamer des études ou stages aux États-Unis, le moindre message publié peut servir d’élément à charge ou à faveur dans l’analyse du dossier.
Cette nouvelle obligation n’est pas sans effet secondaire. Elle installe un climat de suspicion permanente, obligeant les candidats au visa à faire le ménage dans leurs publications, voire à censurer leurs opinions. Ce qui soulève une question plus large : peut-on encore s’exprimer librement sur les questions internationales sans que cela compromette une ambition académique ? Certains internautes évoquent déjà un filtrage idéologique, faisant le lien avec des prises de position en ligne critiques à l’égard de l’État d’Israël, sujet éminemment sensible dans la diplomatie américaine actuelle.
Un virage discret mais lourd de conséquences
L’exigence de rendre visibles les profils sociaux ne relève pas seulement de la procédure technique. Elle représente un déplacement du contrôle administratif vers la sphère intime, en redéfinissant ce qu’un visa évalue : non plus seulement les justificatifs classiques — ressources financières, admission dans un établissement, retour prévu — mais aussi les traces numériques laissées au fil du temps. Cela revient à examiner non pas ce qu’une personne compte faire aux États-Unis, mais ce qu’elle a pensé, exprimé ou partagé auparavant.
Pour un grand nombre de jeunes Sénégalais, ces nouvelles conditions transforment un projet de départ en parcours d’obstacles numériques. Le débat est d’autant plus vif que les États-Unis restent une destination de choix pour des milliers d’étudiants, malgré une procédure d’obtention de visa déjà jugée lourde. Face à cela, la question n’est plus seulement « ai-je les documents requis ? » mais bien « mon historique en ligne me rend-il indésirable ? » Une inquiétude qui pourrait bien redéfinir la façon dont la jeunesse sénégalaise utilise les réseaux sociaux dans les mois à venir.



