Depuis plus d’un mois, les couloirs des tribunaux sénégalais résonnaient moins des décisions de justice que du silence provoqué par une paralysie inédite. Les greffiers, regroupés au sein de l’Entente SYTJUST–UNTJ, protestaient contre l’inaction persistante des autorités sur des engagements pris depuis 2018. Au cœur de leurs revendications : la reconnaissance du statut A2 pour tous, sans condition, et l’application concrète des mesures de reclassement promises.
Le climat était devenu délétère. Les nombreuses tentatives de médiation, y compris celles menées par le Médiateur de la République, n’ont pas suffi à rapprocher les positions. Au contraire, les relations entre les grévistes et le gouvernement se sont durcies, alimentées par une série de décisions perçues comme hostiles : réquisition de personnel, retenues sur salaires, absence de dialogue structuré. Pour les travailleurs de la justice, ces gestes étaient synonymes de provocation. La tension atteignait un point critique, à mesure que les citoyens voyaient s’accumuler retards d’audience, reports d’affaires et inaccessibilité à leurs droits.
Une trêve conditionnelle
Dans ce contexte de crispation, l’annonce de la suspension du mot d’ordre de grève à compter du 6 août sonne comme un tournant tactique plutôt qu’un compromis. Cette décision, fruit de discussions avec le ministre de la Fonction publique les 1er et 5 août, vise à rouvrir une porte jusque-là fermée au dialogue. Si les échanges ont permis une première pause les 4 et 5 août, les grévistes tiennent à souligner qu’il ne s’agit en rien d’un renoncement. « Une décision responsable pour donner une vraie chance au dialogue avec le gouvernement », peut-on lire dans leur communiqué publié sur le réseau X.
En réalité, cette suspension temporaire est davantage une stratégie de repositionnement qu’une marque de confiance renouvelée. Le ton reste ferme, les griefs inchangés. L’Entente rappelle que « les femmes et les hommes qui portent au quotidien le service public de la justice continuent de subir de multiples injustices ». Leur engagement demeure intact, leur vigilance renforcée. Les 6, 7 et 8 août, un nouvel appel à la grève était déjà planifié, signe que la contestation pourrait reprendre à tout moment, en l’absence de résultats concrets.
Des institutions en alerte, un avenir incertain
La grève des greffiers ne se résume pas à un affrontement catégoriel. Elle illustre les fragilités d’un système judiciaire confronté à des blocages anciens, où les réformes attendues s’empilent dans les tiroirs ministériels. Derrière les revendications statutaires se dessine un malaise plus profond sur la reconnaissance des métiers de la justice, souvent relégués à un rôle d’exécution alors qu’ils sont essentiels au fonctionnement de l’institution judiciaire.
La récente décision de l’Entente apparaît ainsi comme un signal adressé à l’État, mais aussi à l’opinion publique. Elle interroge sur la capacité des autorités à reconstruire un dialogue basé sur des actes concrets, dans un climat de méfiance accumulée. Car si la suspension offre un court répit au service public, elle ne garantit en rien une sortie de crise. Les prochains jours seront décisifs.



