Le couturier Giorgio Armani, figure emblématique de la mode italienne, a officialisé les grandes lignes de son testament. Rédigé à Milan, ce document organise la gouvernance future de son groupe et précise les règles de transmission. Trois orientations centrales s’en dégagent, mêlant continuité familiale, indépendance stratégique et possibilité d’une cession encadrée. L’enjeu clé demeure la pérennité d’un empire du luxe, bâti sur plusieurs décennies, qui devra trouver son équilibre entre tradition et ouverture vers des partenaires internationaux.
Une gouvernance familiale et l’hypothèse d’une cession encadrée
Le testament stipule que le contrôle de la société Armani sera confié à un conseil composé de membres de la famille et de proches collaborateurs. Ses sœurs, ses nièces ainsi que des dirigeants historiques sont désignés afin d’assurer une direction collégiale et d’éviter toute concentration excessive du pouvoir. Ce dispositif vise à maintenir la ligne fixée par le créateur et à assurer une transition ordonnée.
Cependant, Giorgio Armani a prévu une ouverture vers l’extérieur. Le document identifie explicitement trois groupes internationaux — LVMH, L’Oréal et EssilorLuxottica — comme acquéreurs potentiels privilégiés. Le texte prévoit qu’environ 15 % du capital soit cédé à l’un d’entre eux dans un délai de 12 à 18 mois après l’ouverture du testament. Une seconde phase pourrait suivre dans les trois à cinq ans, avec la vente de 30 % à 54,9 % supplémentaires au même partenaire ou, en dernier recours, via une introduction en bourse.
Cette double approche illustre une stratégie de protection et d’anticipation : préserver l’indépendance à court terme tout en s’assurant que, si un passage de relais devenait nécessaire, il se fasse avec des acteurs capables de préserver la valeur et l’image de la marque. L’identification de ces trois groupes traduit également la volonté de s’appuyer sur des entreprises déjà liées au secteur du luxe et de la beauté, en mesure de consolider l’avenir de la maison italienne.
L’héritage d’un créateur et une identité à préserver
Depuis les années 1970, Giorgio Armani a profondément transformé la mode par une vision moderne et épurée. Ses costumes déstructurés, adoptés par des personnalités d’Hollywood et des dirigeants politiques, ont redéfini l’élégance masculine. Le développement du prêt-à-porter féminin, des accessoires, de la parfumerie et de l’hôtellerie a élargi son influence bien au-delà de la haute couture.
Son groupe demeure l’un des rares grands noms du luxe à n’avoir jamais intégré un conglomérat. Cette indépendance, jalousement défendue pendant plus de 50 ans, reflète la volonté de garder un ancrage italien fort. Le testament insiste d’ailleurs sur le maintien du siège et du centre de décision en Italie, même en cas de cession, afin de protéger l’identité nationale de la marque.
Ces dispositions, à la fois symboliques et pratiques, soulignent la place singulière de Giorgio Armani dans l’histoire économique et culturelle de l’Italie. Elles offrent aussi un exemple pour d’autres maisons de luxe confrontées à la question de la succession et de la transmission de leur patrimoine. L’avenir du groupe Armani reposera ainsi sur un équilibre délicat : rester fidèle à l’héritage d’un créateur emblématique tout en s’adaptant aux logiques d’un marché dominé par des acteurs mondiaux comme LVMH, L’Oréal et EssilorLuxottica.



