Guinée-Bissau : Embaló se maintient au pouvoir en attendant les élections

La scène politique bissau-guinéenne est entrée dans une zone de turbulences depuis février. Alors que l’opposition estime que le mandat d’Umaro Sissoco Embaló a expiré le 27 février 2025, la Cour suprême a fixé une autre échéance, le 4 septembre, considérant que le compte à rebours devait commencer le jour de la confirmation officielle de son élection en 2020. Ce décalage d’interprétation a ouvert une période de tension où le président affirme vouloir rester en fonction jusqu’à l’arrivée de son successeur, désormais attendu à l’issue du scrutin présidentiel et législatif prévu le 23 novembre prochain.

Des tensions alimentées par des lectures différentes de la Constitution

Pour ses adversaires, le maintien d’Embaló relève d’un passage en force, d’autant plus que le calendrier électoral place la compétition à la fin de l’année, bien au-delà de la date qu’ils jugent légitime pour clore le mandat actuel. Plusieurs partis d’opposition ont menacé de mobiliser la rue, voire de paralyser le pays, afin de contester cette prolongation. Le président, de son côté, assume sa décision et l’accompagne d’un choix stratégique : la nomination récente de Braima Camara comme Premier ministre, destinée à consolider son appareil exécutif à l’approche du scrutin.

Cette position contraste avec l’image qu’Embaló cultivait encore récemment lors des missions de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). À plusieurs reprises, il avait participé activement aux médiations de l’organisation régionale pour défendre la stabilité institutionnelle, en se présentant en garant de la régularité des processus démocratiques. Ce rôle de facilitateur dans les crises voisines, notamment au Mali et en Guinée, le plaçait dans le camp des dirigeants prônant la stricte observation des délais constitutionnels. Aujourd’hui, le renversement de situation nourrit des critiques sur une certaine contradiction entre ce discours passé et sa pratique actuelle.

Une crise institutionnelle aux répercussions régionales

Le maintien d’Embaló n’a pas seulement tendu la vie politique intérieure. La CEDEAO, qui s’était rendue à Bissau pour tenter une médiation, a dû interrompre sa mission, invoquant des menaces d’expulsion de la part des autorités. Cet incident a accentué les inquiétudes sur la capacité de l’organisation à agir dans un pays où ses mécanismes d’arbitrage étaient jusque-là acceptés.

La crise bissau-guinéenne illustre ainsi un paradoxe : alors que les institutions judiciaires locales ont validé la prolongation du mandat jusqu’à septembre, le calendrier électoral prolonge encore davantage cette période transitoire, repoussant le choix des urnes à novembre. Ce glissement crée une double lecture de la légitimité présidentielle, alimentant les risques de confrontation entre les partisans d’une stricte fin de mandat et ceux qui s’appuient sur la décision judiciaire.

En attendant, le pays avance à pas incertains vers des élections où Embaló compte briguer un second mandat. Le scrutin, déjà annoncé comme un moment décisif, portera aussi la marque des contradictions accumulées : un président qui s’était voulu garant des règles régionales et qui, désormais, les redéfinit dans son propre pays. Pour la Guinée-Bissau, la question est de savoir si cette équation débouchera sur une compétition électorale apaisée ou sur une escalade de tensions.

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