Depuis deux décennies, les économies du Maghreb oscillent entre espoirs de diversification et dépendance aux hydrocarbures. Le Maroc, la Tunisie, l’Algérie, la Libye et la Mauritanie ont connu des cycles contrastés : le Maroc a longtemps misé sur le tourisme, l’automobile et les énergies renouvelables, tandis que la Tunisie a cherché à relancer sa croissance malgré les crises politiques. L’Algérie, de son côté, a tiré profit de ses immenses ressources pétrolières et gazières, mais a été confrontée à une vulnérabilité chronique face aux fluctuations des prix mondiaux. Aujourd’hui, un tournant s’opère : la poussée du produit intérieur brut (PIB) algérien en 2024 reflète une dynamique nouvelle. L’économie du pays prend une direction qui pourrait redessiner les équilibres régionaux, bien au-delà des prévisions des analystes.
L’Algérie dépasse les 269 milliards USD : un bond stratégique
L’année 2024 marque un jalon majeur pour l’Algérie. Selon les données officielles, son PIB nominal atteint 269,3 milliards de dollars, soit l’équivalent de 36 103,5 milliards de dinars algériens. Cette progression de 7,2 % par rapport à 2023 témoigne d’une accélération économique qui surprend même les observateurs avertis. Contrairement à l’idée d’une croissance uniquement tirée par les hydrocarbures, les chiffres révèlent une réalité plus nuancée. Plusieurs secteurs ont joué un rôle moteur :
- L’agriculture, avec une hausse de 5,3 %, consolide la sécurité alimentaire et réduit la dépendance aux importations.
- L’industrie agroalimentaire, en progression de 5,2 %, capte une partie des chaînes de valeur locales.
- Le textile, longtemps en déclin, affiche une croissance impressionnante de 10,3 %, laissant entrevoir un potentiel d’exportation renforcé.
- Le commerce enregistre +7,4 %, signe d’une consommation intérieure plus dynamique et d’une hausse des échanges.
L’une des transformations majeures repose sur la croissance hors hydrocarbures, qui atteint 4,8 % en 2024 contre 4,3 % en 2023. L’économie algérienne commence ainsi à se détacher de son talon d’Achille : la dépendance aux recettes pétrolières.
Un repositionnement qui interroge tout le Maghreb
Le franchissement de ce seuil symbolique n’est pas qu’un chiffre : il traduit la capacité de l’Algérie à repositionner son économie dans un environnement mondial instable, marqué par la volatilité des prix de l’énergie et des tensions géopolitiques.
Pour les voisins maghrébins, cette dynamique pourrait rebattre les cartes. Alors que le Maroc capitalise sur ses zones industrielles et que la Tunisie cherche un second souffle, l’Algérie semble accélérer son rattrapage. Si la tendance se poursuit, le pays pourrait renforcer son influence économique dans la région, tout en diversifiant ses partenariats commerciaux et en améliorant son attractivité pour les investisseurs.
Cependant, cette trajectoire exige de la vigilance : la dépendance partielle aux hydrocarbures demeure, et la stabilité de cette croissance dépendra de la capacité à consolider les secteurs non pétroliers.


