Face aux drones russes, l’Europe se divise

Les récentes incursions de drones venus de l’Est ont ravivé les tensions au sein de l’Union européenne. Ce qui devait être un projet commun de protection aérienne se transforme désormais en test de cohésion politique et stratégique pour les Vingt-Sept.

Un projet technologique sous tension

Après plusieurs intrusions de drones russes en Pologne, en Lituanie et près de la frontière slovaque, Bruxelles a proposé la création d’un vaste système européen de défense anti-drones. L’initiative, qualifiée de « mur anti-drones », vise à doter le continent d’une architecture capable de détecter, brouiller et neutraliser toute menace aérienne. Les moyens envisagés sont multiples : canons automatiques, missiles, drones intercepteurs, brouillage électronique ou encore lasers. L’intelligence artificielle devrait y jouer un rôle central pour repérer et cibler les appareils suspects.

Mais cette ambition commune a rapidement révélé les fractures entre États membres. Tandis que les pays baltes et la Pologne soutiennent une approche coordonnée par la Commission européenne, d’autres capitales, dont Berlin et Paris, entendent garder la main sur leurs programmes nationaux. Les discussions se crispent sur la question du contrôle : faut-il une direction centralisée ou une gestion déléguée aux États les plus expérimentés ?

Le commissaire européen à la Défense, Andrius Kubilius, reconnaît que les moyens actuels restent limités. Il plaide pour une coopération renforcée avec l’Ukraine, qui a développé une expertise considérable face aux offensives de drones russes depuis près de quatre ans.

Une Europe partagée entre prudence et urgence

Les divergences ne sont pas seulement politiques. Elles traduisent aussi des visions différentes du risque. Les nations orientales voient la menace comme immédiate, tandis que plusieurs gouvernements du sud et de l’ouest estiment que la protection doit couvrir tout le continent, y compris les espaces maritimes. La France et l’Allemagne, réticentes à confier la conduite du projet à la Commission, insistent sur la complexité du défi technologique. Emmanuel Macron a souligné que la guerre des drones ne pouvait se résumer à ériger un « mur » : un engin à faible coût peut provoquer des pertes importantes s’il n’est pas contré efficacement, et l’idée de détruire un drone à 10 000 euros avec un missile d’un million d’euros illustre ce déséquilibre.

Pour les partisans du projet, la fragmentation actuelle nuit à la crédibilité européenne face à des adversaires capables d’utiliser les drones comme armes d’intimidation. Chaque hésitation politique laisse le champ libre à la multiplication d’incursions et accroît la dépendance des États membres envers les systèmes de défense américains.

Une défense à construire

Entre la volonté d’unir les moyens et la peur de perdre le contrôle, l’Europe peine à définir une stratégie commune. L’enjeu dépasse la simple protection aérienne : il s’agit de savoir si l’Union est capable de bâtir une autonomie stratégique concrète, reposant sur la technologie et la coopération. Tant que les divergences politiques perdureront, le « mur anti-drones » restera un projet à la fois nécessaire et incertain — reflet d’une Europe consciente du danger, mais encore divisée sur la manière d’y répondre.

1 réflexion au sujet de « Face aux drones russes, l’Europe se divise »

  1. Si la Russie décide d’attaquer l’UE, ils utiliseront autre chose que des drones inoffensifs en plastique et en mousse

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