Les relations entre Ankara et Tel-Aviv ont longtemps été marquées par la méfiance. Après l’incident du Mavi Marmara en 2010, au cours duquel des militants pro-palestiniens avaient trouvé la mort lors d’un raid israélien, la Turquie avait rompu ses liens diplomatiques avec Israël. Les échanges avaient ensuite repris par intermittence, entre périodes de rapprochement pragmatique et nouvelles tensions. Pourtant, la guerre à Gaza semble redéfinir les priorités régionales : face à la crise humanitaire et aux enjeux liés aux otages, la Turquie s’apprête à collaborer directement avec Israël dans une mission à haute sensibilité.
Une coopération inattendue pour une mission commune
Une force d’intervention internationale vient d’être constituée à Charm el-Cheikh pour retrouver et rapatrier les corps des otages israéliens disparus à Gaza. Cette initiative, menée en marge des discussions sur le cessez-le-feu, réunit Israël, les États-Unis, la Turquie, l’Égypte et le Qatar. Chacun de ces pays apportera un soutien logistique et humain à la Croix-Rouge, chargée de coordonner les opérations sur le terrain.
Selon les responsables israéliens, le Hamas a prévenu qu’il serait difficile de restituer toutes les dépouilles dans le délai de soixante-douze heures fixé par l’accord. Pour anticiper ces obstacles, Israël a accepté la mise en place d’un dispositif multinational doté de moyens considérables. Gal Hirsch, coordinateur israélien pour les otages, a précisé que cette structure vise à mobiliser tous les outils nécessaires pour ramener les corps en territoire israélien.
Le rôle de la Turquie dans cette opération est double : participer à la logistique et transmettre des renseignements exploitables aux équipes israéliennes et américaines. Pour Ankara, qui entretient des liens avec le Hamas mais reste un membre de l’OTAN, cette implication traduit une volonté d’équilibre entre solidarité régionale et reconnaissance de sa position d’intermédiaire crédible.
Ankara, entre pragmatisme et repositionnement stratégique
L’engagement turc ne signifie pas un alignement politique sur Israël, mais une convergence d’intérêts ponctuelle. En participant à cette mission, Ankara cherche à consolider son image d’acteur incontournable au Moyen-Orient, capable de dialoguer avec toutes les parties sans renoncer à ses principes de soutien à la cause palestinienne.
Cette opération humanitaire, bien que délicate, pourrait aussi offrir à la Turquie une opportunité diplomatique : renforcer ses liens avec Washington, restaurer un canal de communication stable avec Tel-Aviv et affirmer sa capacité à contribuer à la stabilisation de Gaza. La présence simultanée des États-Unis, du Qatar et de l’Égypte permet à la Turquie d’agir dans un cadre collectif, atténuant ainsi les critiques internes sur une éventuelle “coopération avec l’ennemi”.
Au-delà de la récupération des dépouilles, cette mission pourrait amorcer une phase nouvelle dans les rapports israélo-turcs : non pas une réconciliation politique complète, mais une coordination pragmatique fondée sur la gestion des crises. Dans la complexité du conflit, la Turquie joue ici la carte du réalisme, misant sur l’efficacité et la diplomatie pour regagner une influence régionale qu’elle ne veut plus laisser échapper.



