Un consultant européen, présenté comme un expert du pastoralisme, vient d’être lourdement condamné par la justice centrafricaine. Joseph Figueira Martin, qui a la double nationalité belge et portugaise, a été reconnu coupable d’atteinte à la sûreté de l’État et condamné à dix ans de travaux forcés par la Cour criminelle de Bangui, mardi 4 novembre. Une affaire sensible qui mêle géopolitique, sécurité nationale et ingérence étrangère dans un pays encore meurtri par des années de guerre civile. L’information a été rapportée par RFI.
Un procès sous tension
Arrêté en mai 2024 à Zémio, dans le sud-est du pays, par des paramilitaires russes du groupe Wagner, Joseph Figueira Martin travaillait alors pour une ONG américaine spécialisée dans le développement rural. Les autorités centrafricaines l’accusaient d’entretenir des contacts suivis avec des chefs rebelles et de vouloir raviver les tensions dans certaines zones instables. La partie civile a estimé que ces liens allaient bien au-delà du simple cadre professionnel et visaient à “favoriser un climat de déstabilisation”.
Elle a réclamé trois milliards de francs CFA, soit plus d’un million d’euros, au titre de réparation pour les préjudices causés à l’État. Le parquet avait demandé une peine de vingt ans, mais la Cour a finalement retenu dix ans de travaux forcés, tout en acquittant l’accusé de cinq des six chefs d’inculpation. Selon ses avocats, Joseph Figueira Martin aurait été victime d’un procès à charge, et un recours en cassation doit être introduit dès le lendemain du verdict.
Un pays où la sécurité reste un équilibre fragile
En Centrafrique, des groupes armés, continuent de s’affronter pour le contrôle de ressources minières et de zones stratégiques. Les alliances locales évoluent au gré des rapports de force, et la méfiance envers les acteurs étrangers s’est considérablement accrue ces dernières années. Dans ce climat de suspicion, chaque présence étrangère sur le terrain humanitaire ou économique est scrutée avec une extrême attention. L’affaire Figueira Martin s’ajoute à une série d’incidents où des consultants et travailleurs humanitaires ont été accusés d’activités subversives. Pour Bangui, cette condamnation vise à envoyer un message clair : toute ingérence perçue comme une menace pour la stabilité nationale sera désormais sévèrement sanctionnée.
Une décision à portée symbolique
Au-delà de la peine, cette affaire illustre la volonté des autorités centrafricaines de reprendre la main sur leur souveraineté judiciaire. Dans un pays où les influences étrangères se superposent, ce verdict marque aussi une affirmation politique. Il s’agit de montrer que même les acteurs venus de pays partenaires ne sont pas au-dessus des lois locales. Cependant, plusieurs observateurs s’interrogent sur l’équilibre entre sécurité et justice.
Certains craignent que cette condamnation ne fragilise la coopération avec les ONG internationales, déjà confrontées à des restrictions d’accès dans certaines régions. D’autres y voient un signe de fermeté salutaire face aux dérives d’une assistance étrangère parfois perçue comme intrusive. Pour Joseph Figueira Martin, le combat judiciaire ne fait que commencer. Pour la Centrafrique, c’est un nouvel épisode d’une lutte permanente entre ouverture au monde et préservation d’une souveraineté encore fragile.



