La marine polonaise vient de trancher : ce sont les sous-marins suédois qui équiperont sa flotte. Varsovie a annoncé mercredi 26 novembre la sélection de l’offre du groupe Saab pour l’acquisition de trois submersibles de type A26 Blekinge, écartant ainsi la proposition française. Le ministre de la Défense polonais Wladyslaw Kosiniak-Kamysz a justifié ce choix en affirmant que seule l’offre suédoise répondait à l’ensemble des exigences opérationnelles de la marine nationale.
Cette décision représente un échec cuisant pour Naval Group, qui présentait son modèle Scorpène, déjà vendu à plusieurs pays dont le Brésil, le Chili, l’Indonésie, la Malaisie et l’Inde. Le groupe français a réagi en déclarant prendre acte du choix souverain de la Pologne, tout en rappelant les performances avérées de son sous-marin. La compétition réunissait également des industriels allemands, italiens, espagnols, britanniques et sud-coréens.
Saab l’emporte sans avoir livré aucun A26
Le constructeur suédois remporte ce contrat dans des circonstances particulières. Aucun sous-marin A26 n’est actuellement en service. La Suède elle-même a commandé deux exemplaires en 2015, avec des livraisons initialement prévues pour 2023. Le programme a accumulé retards et surcoûts considérables : le prix est passé de 8,2 milliards de couronnes à 25 milliards en octobre 2025, soit près de 2,3 milliards d’euros pour deux unités.
Malgré ces difficultés, Saab a convaincu les autorités polonaises grâce à une offre adaptée aux spécificités de la mer Baltique. Le ministre suédois de la Défense Pål Jonson a salué sur les réseaux sociaux un jour historique pour le partenariat suédo-polonais. Le premier submersible pourrait être livré en 2030, selon le calendrier annoncé. En attendant, les équipages polonais débuteraient leur formation dès 2026 sur un ancien bâtiment suédois servant de transition.
Ce programme baptisé Orka (Orque) revêt une importance capitale pour Varsovie. La marine polonaise ne dispose actuellement que d’un seul sous-marin opérationnel, l’Orzel, construit en 1985 à l’époque soviétique. Face aux tensions croissantes en Baltique, marquées par des incidents répétés incluant des perturbations GPS et des violations de l’espace aérien, la Pologne consacre désormais 4,8% de son PIB à la défense.
L’industrie française de l’armement naval avait pourtant tenté de se positionner favorablement. Naval Group avait signé dès 2017 un protocole d’accord avec le groupe public polonais Polska Grupa Zbrojeniowa. Cette antériorité n’aura finalement pas suffi face à la mobilisation diplomatique et industrielle suédoise, soutenue notamment par le Royaume-Uni dont le constructeur Babcock participe à l’offre scandinave.
Après l’Australie, un nouveau revers stratégique
Ce n’est pas la première fois que l’industrie navale française subit un tel désaveu. En septembre 2021, l’Australie avait brutalement rompu un méga-contrat de 56 milliards de dollars australiens portant sur douze sous-marins conventionnels. Canberra avait préféré rejoindre le pacte AUKUS aux côtés de Washington et Londres pour acquérir des submersibles à propulsion nucléaire. Cette décision avait provoqué une crise diplomatique majeure, Paris dénonçant un coup dans le dos et rappelant temporairement son ambassadeur. Le différend financier s’était soldé par le versement de 555 millions d’euros de compensation à Naval Group en 2022.
L’échec polonais intervient alors que l’entreprise française dispose pourtant d’une charge de travail importante et de multiples contrats en cours. Le Scorpène bénéficie d’une réputation établie sur les marchés internationaux. Toutefois, la concurrence s’intensifie sur le segment des sous-marins conventionnels, où les constructeurs européens et asiatiques multiplient les offres agressives.
Le président-directeur général de Saab, Micael Johansson, s’est déclaré honoré de cette sélection, précisant néanmoins qu’aucun contrat définitif n’avait encore été signé. Les négociations avec l’Agence de l’armement polonaise doivent maintenant débuter. Le montant global du programme Orka dépasserait les 10 milliards de zlotys, renforçant ainsi la coopération industrielle entre Stockholm et Varsovie.
Cette victoire suédoise redessine partiellement la carte de l’industrie navale européenne. Elle confirme la capacité de la Suède à maintenir son expertise dans les sous-marins conventionnels, malgré les difficultés du programme A26. Pour la France, ce nouveau revers soulève des interrogations sur sa stratégie commerciale et diplomatique dans un secteur hautement concurrentiel où chaque contrat engage l’avenir industriel sur plusieurs décennies.




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