Entre quête de productivité et perte de repères personnels, le burnout constitue un fléau silencieux dans le monde professionnel béninois. Alors que la santé mentale devient un enjeu de performance, experts et psychopédagogues appellent à replacer l’humain au cœur du travail. Au-delà des objectifs de performance et des exigences de rendement, la santé mentale est un pilier essentiel de la réussite professionnelle. Fatigue chronique, anxiété, perte de sens, démotivation : le burnout, ce mal silencieux, s’installe souvent bien avant qu’il ne se déclare. Il résulte avant tout d’un déséquilibre intérieur, lorsque la course aux résultats fait oublier que l’humain n’est pas qu’un professionnel, mais un être complet, dont l’équilibre repose sur plusieurs dimensions.
Ainsi, avec le psychopédagogue Jean Akowé, le dixième rendez-vous du Réseau des médias africains pour la promotion de la santé et de l’environnement (Remapsen), tenu le mercredi 29 octobre 2025 à Cotonou, s’est articulé autour de la pression socioprofessionnelle et le burnout. Jean Akowé a livré une analyse profonde sur la nécessité de réhabiliter la dimension humaine du travail à travers les quatre piliers de l’équilibre de vie. « La réussite durable d’un homme dépend de l’harmonie entre quatre dimensions fondamentales de la vie : la croissance humaine, le développement physique, l’évolution professionnelle et l’élévation spirituelle », a-t-il indiqué.
La première dimension, humaine, repose sur le savoir-vivre, les compétences relationnelles et la capacité à interagir sainement avec les autres. C’est la base de toute intelligence émotionnelle. La deuxième, physique, implique le soin du corps à travers une alimentation équilibrée, un sommeil réparateur et une activité physique régulière. Le corps est l’instrument de la performance, et lorsqu’il s’épuise, le mental s’écroule. La troisième dimension, professionnelle, concerne l’acquisition de compétences et la recherche de sens dans son travail. Mais elle doit être équilibrée, faute de quoi l’individu finit par se définir uniquement à travers ses résultats. Enfin, la dimension spirituelle, souvent négligée dans les environnements de travail modernes, représente la capacité à transcender les difficultés, à se relier à une force supérieure, et à donner un sens profond à sa vie. C’est cette élévation spirituelle, selon le psychopédagogue, qui protège du désespoir dans les périodes de crise.
Pour préserver sa santé mentale, il est aussi essentiel de cultiver trois ressources fondamentales : l’énergie, l’espace et l’environnement. L’énergie, physique et mentale, se nourrit de pensées positives, d’une hygiène de vie saine et de la fréquentation de personnes bienveillantes. L’espace mental consiste à apprendre à faire le vide, à limiter la surcharge d’informations et à s’accorder des moments de silence ou de méditation pour apaiser l’esprit. Enfin, l’environnement doit être ordonné et inspirant afin de stimuler la concentration et le bien-être intérieur. Dans un monde hyperconnecté et exigeant, ces leviers simples constituent de véritables outils de survie psychologique.
Les pressions et les facteurs de risque
Les pressions professionnelles, sociales ou familiales sont de plus en plus fortes et se répercutent directement sur la santé mentale des travailleurs béninois. Manque de soutien, surcharge mentale, environnement toxique ou absence de reconnaissance sont autant de facteurs qui fragilisent les individus. Jean Akowé distingue les facteurs internes, comme la faible estime de soi ou les pensées limitantes, et les facteurs externes, tels que les exigences professionnelles excessives ou les conflits relationnels. Selon lui, l’équilibre ne peut être restauré qu’à travers une approche intégrée, alliant accompagnement psychologique et ancrage spirituel.
Porte de sortie
Pour le psychopédagogue, il est urgent de replacer l’humain au centre du système professionnel béninois. La quête de productivité doit s’accompagner d’un véritable management du bien-être. Les entreprises gagneraient à instaurer des espaces d’écoute, des formations à la gestion du stress et des moments de recentrage collectif. Un employé équilibré est un employé performant, rappelle-t-il, car le rendement n’est pas une question d’effort, mais d’harmonie intérieure.
S’inspirant de la Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC), Jean Akowé propose des outils concrets pour prévenir l’épuisement mental et restaurer la motivation. Il recommande d’apprendre à identifier ses pensées automatiques pour les transformer en convictions constructives, de fixer des objectifs clairs et réalistes, de pratiquer la gratitude, la respiration consciente et l’anticipation des tâches afin d’éviter la surcharge émotionnelle. Le maintien d’un lien spirituel constant, source de paix et de direction, est également central dans son approche. La psychopédagogie, qu’il décrit comme une pédagogie fondée sur la psychologie de l’apprenant, relie la connaissance de soi à la capacité d’agir et de progresser.
Alors que les risques psychosociaux se multiplient et que les exigences professionnelles s’intensifient, ce plaidoyer pour une approche holistique du bien-être au travail ouvre la voie à une réflexion plus profonde : celle d’une culture de la santé mentale dans les entreprises béninoises. Le message de Jean Akowé résonne comme un appel à la conscience. Le travail ne doit pas consumer l’homme, il doit le construire.