L’économie touristique japonaise subit un coup brutal. Environ 500.000 billets d’avion à destination du Japon ont été annulés par des voyageurs chinois en l’espace de deux jours, selon Li Hanming, analyste indépendant du secteur aérien. Les réservations actives sont passées de 1,5 million samedi à tout juste 1 million lundi, une chute d’une ampleur rarement observée dans le transport aérien régional.
Cette vague d’annulations fait suite à l’appel lancé par Pékin à ses ressortissants de renoncer à leurs déplacements vers l’archipel nippon. Les principales compagnies aériennes chinoises – Air China, China Southern et China Eastern – ont immédiatement réagi en proposant des remboursements intégraux et des modifications gratuites d’itinéraire jusqu’au 31 décembre.
Pékin utilise le tourisme comme arme diplomatique face à Tokyo
La décision chinoise intervient après les déclarations de la Première ministre japonaise Sanae Takaichi, qui avait affirmé le 7 novembre qu’une attaque armée contre Taïwan pourrait justifier l’engagement de forces japonaises pour défendre l’île. Ces propos ont déclenché une réaction en chaîne de la diplomatie chinoise, qui y voit une provocation inacceptable sur la question de la souveraineté taiwanaise.
Les relations sino-japonaises connaissent des épisodes de tension récurrents depuis des décennies. Le différend territorial autour des îles Senkaku (Diaoyu pour la Chine) demeure un point de friction permanent depuis les années 1970. Au début des années 2010, un conflit commercial majeur avait déjà opposé les deux pays après la nationalisation de ces îlots par Tokyo. La question de Taïwan, île que Pékin considère comme faisant partie de son territoire, ajoute une dimension stratégique explosive à ces rivalités historiques.
Mardi, un haut diplomate japonais responsable de la zone Asie-Pacifique a exprimé sa désapprobation face à l’appel chinois au boycott touristique. Cette prise de position officielle souligne l’inquiétude de Tokyo face à une mesure qui frappe directement son économie. La Chine représente en effet la première source de visiteurs étrangers pour le Japon.
7,5 millions de touristes chinois menacent l’économie japonaise
Les chiffres officiels japonais révèlent l’ampleur de la dépendance de l’archipel vis-à-vis du tourisme chinois : sur les neuf premiers mois de 2025, quelque 7,5 millions de visiteurs en provenance de Chine ont été enregistrés. Cette clientèle, attirée par un yen affaibli, constitue près d’un quart de l’ensemble des touristes étrangers et génère des milliards d’euros de recettes pour les secteurs de la distribution, de l’hôtellerie et des transports.
L’impact s’est immédiatement fait sentir sur les marchés financiers, où les entreprises liées au tourisme ont enregistré des pertes significatives à la Bourse de Tokyo. Les analystes craignent que cette crise ne se transforme en conflit commercial prolongé, comparable à celui qui avait secoué les deux économies une décennie plus tôt.
Face à une population de 1,4 milliard d’habitants, la Chine dispose d’un levier économique considérable pour faire pression sur ses voisins. L’ampleur des annulations de billets en si peu de temps démontre l’efficacité de cet outil diplomatique, que Pékin n’hésite pas à mobiliser lorsque ses intérêts stratégiques sont en jeu. Pour Tokyo, le défi consiste désormais à maintenir sa position sur Taïwan sans sacrifier un secteur touristique devenu vital pour sa croissance économique.



