L’ouverture de la 30ème conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques (COP30), lundi 10 novembre 2025 à Belém, aux portes de l’Amazonie, met en lumière le paradoxe cruel auquel est confronté le continent africain. Alors que l’Afrique pèse pour moins de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, c’est elle qui en subit les conséquences les plus dévastatrices. Pour le continent, l’enjeu de cette COP n’est pas seulement climatique, il est avant tout une question de justice, d’équité et de survie économique.
L’impact du dérèglement climatique sur les économies africaines est massif et documenté. Les catastrophes climatiques (sécheresses extrêmes, inondations, érosion côtière) amputent chaque année entre 2 % et 5 % du Produit Intérieur Brut (PIB) de nombreux pays. Cette ponction financière chronique force les États africains à réorienter des fonds cruciaux, initialement destinés au financement de l’éducation, de la santé ou de la croissance économique, vers la gestion des dégâts et l’aide d’urgence.
Ce constat d’injustice a été martelé par les chefs d’État africains lors du sommet précédant la COP30. Le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a planté le décor : « La crise climatique n’est pas seulement une crise environnementale, c’est également une crise de justice et d’équité ». Un sentiment partagé par son homologue congolais, Denis Sassou Nguesso, qui a déploré le « fossé béant entre les ambitions proclamées de l’Accord de Paris et la grande insuffisance des efforts réalisés ».
La bataille des financements
L’Afrique arrive à Belém avec des demandes claires et chiffrées, loin de toute notion de charité. Les pays du Sud exigent des réparations au nom du principe de pollueur-payeur. Lors de la COP29 à Bakou, les nations s’étaient engagées à financer l’adaptation des pays du Sud à hauteur de 300 milliards de dollars par an. Une somme jugée largement insuffisante par les nations bénéficiaires qui réclamaient, aminima, 1 300 milliards de dollars par an pour financer à la fois l’atténuation et l’adaptation.
Ce manque de financement est l’une des sources majeures de mécontentement. L’Ong Greenpeace Africa a d’ailleurs rappelé la responsabilité des principaux émetteurs : « ceux qui ont causé la pollution doivent payer la réparation ». L’Ong cible notamment les entreprises fossiles qui engrangent des profits considérables sans être suffisamment taxées pour contribuer à la transition écologique.
Un autre point de friction majeur est le Fonds Pertes et Préjudices (Loss and Damage Fund), adopté lors de la COP 28 à Dubaï. Ce fonds, destiné à compenser les dégâts irréversibles des événements climatiques extrêmes, demeure pour l’instant largement théorique. L’Afrique, directement touchée par l’explosion de ces dégâts, attend que ce fonds se matérialise enfin par des contributions conséquentes des pays développés et des grandes économies émergentes.
Les forêts tropicales africaines au cœur de la solution
Le choix de Belém, aux portes de l’Amazonie, est hautement symbolique et place la protection des forêts et de la biodiversité au centre des discussions. Ce focus est un enjeu majeur pour l’Afrique, qui abrite le Bassin du Congo, le deuxième poumon vert de la planète. Le président brésilien, Lula, a lancé la Tropical Forest Forever Facility (TFFF), un nouveau mécanisme de financement visant à rémunérer de manière permanente les pays tropicaux qui protègent leurs couverts forestiers au lieu de les exploiter.
Ce nouveau fonds a immédiatement trouvé un écho favorable auprès du président Félix Tshisekedi, dont le pays est un acteur clé de la préservation du Bassin du Congo. Il a souligné que « l’avenir de l’humanité dépend en grande partie des forêts » et que « ces forêts vitales sont aujourd’hui en péril ». La Rdc et d’autres pays forestiers africains espèrent que la TFFF deviendra un symbole fort de la COP30 et une source de financement stable et substantielle, reconnaissant enfin les services écologiques vitaux rendus par leurs forêts au monde entier.
Car, comme l’ont rappelé les dirigeants africains, l’effondrement de l’Amazonie ou du Bassin du Congo entraînerait l’effondrement de l’Accord de Paris. L’intérêt de l’Afrique à la COP 30 est donc double : obtenir la justice climatique en matière de réparations financières, et s’assurer que ses propres solutions basées sur la nature, notamment ses forêts, soient justement valorisées et durablement financées par la communauté internationale.



