Le 23 novembre 2025, Danylo Yavhusishyn a soulevé la Coupe de l’Empereur à Fukuoka, devenant le premier Ukrainien à remporter un tournoi majeur de sumo au Japon. À 21 ans, ce natif de Vinnytsia incarne une trajectoire que personne n’aurait osé imaginer trois ans plus tôt, quand les bombes russes l’ont contraint à tout quitter.
Un Ukrainien dans l’univers fermé du sumo japonais
Le sumo demeure l’une des disciplines les plus hermétiques au monde. Sport national du Japon, il obéit à des codes ancestraux transmis au sein d’écuries où la hiérarchie est absolue et les étrangers, longtemps indésirables. Les quotas limitent drastiquement le recrutement de lutteurs non japonais, et ceux qui parviennent à intégrer ce cercle doivent s’adapter à un mode de vie exigeant où langue, alimentation et rituels ne laissent aucune place à l’improvisation.
Yavhusishyn a pourtant forcé les portes de cet univers. Arrivé au Japon en avril 2022, deux mois après l’invasion russe de son pays, il ne parlait pas un mot de japonais. Aujourd’hui, il s’exprime couramment dans la langue et porte le nom d’Aonishiki Arata, symbole de son intégration dans une tradition séculaire.
Son ascension vers les divisions supérieures figure parmi les cinq plus rapides depuis l’instauration du calendrier actuel de six tournois annuels en 1958. À 21 ans et huit mois, il devient le quatrième plus jeune champion de l’histoire de la division élite makuuchi, et le premier Européen sacré depuis près de huit ans.
De Vinnytsia à Fukuoka : la guerre comme point de bascule
L’histoire de ce champion s’enracine dans une passion précoce. Initié au sumo dès l’âge de sept ans en Ukraine, Yavhusishyn a également pratiqué le judo et la lutte libre. À 17 ans, il détenait trois titres nationaux ukrainiens avec un palmarès sans défaite. Une médaille de bronze aux Championnats du monde juniors 2019 à Osaka lui avait permis de tisser des liens avec Arata Yamanaka, capitaine du club de sumo de l’Université Kansai.
Cette amitié s’est révélée décisive lorsque la guerre a éclaté. Après un passage en Allemagne, le jeune homme a rejoint le Japon où la famille Yamanaka l’a accueilli à Kobe, finançant son séjour et l’aidant à surmonter la solitude de l’exil. Il les considère désormais comme sa « famille japonaise ».
Ajigawa, l’ancien lutteur Aminishiki reconverti en maître d’écurie, hésitait initialement à recruter un étranger. Les barrières culturelles et linguistiques l’inquiétaient. La détermination du jeune Ukrainien a fini par le convaincre. En décembre 2022, Yavhusishyn intégrait officiellement l’écurie Ajigawa.
Sa victoire face à Hoshoryu lors de la finale du tournoi de novembre lui ouvre désormais les portes d’une promotion au deuxième échelon de la hiérarchie. Interrogé sur sa satisfaction après un parcours aussi fulgurant, il a répondu avec l’ambition qui le caractérise : « Non, ce n’est que le début. » Son objectif affiché : devenir le premier Européen à atteindre le rang suprême de yokozuna, sommet absolu du sumo.
L’Ukraine compte désormais parmi les sept nations ayant produit un vainqueur de la Coupe de l’Empereur. Pour Yavhusishyn, qui n’a pas revu son pays natal depuis 2022, ce triomphe porte une signification particulière. Il espère un jour pouvoir « marcher dans les rues de sa ville natale » et retrouver les proches qu’il a laissés derrière lui.



