Énergie verte : la Chine snobe-t-elle l'Algérie au détriment du Maroc ?

À l’ouverture de la COP30, la carte des investissements verts chinois révèle un déséquilibre frappant en Afrique du Nord. Le Maroc et l’Égypte se sont hissés parmi les destinations phares des capitaux venus de Pékin, tandis que l’Algérie reste totalement absente des projets manufacturiers bas carbone. Maghreb Emergent, un rapport du Net Zero Policy Lab et du GDP Center confirme cette fracture : sur plus d’une décennie, aucun projet industriel vert piloté par la Chine n’a été enregistré en Algérie, alors que le Maroc figure au deuxième rang mondial des destinations pour les investissements chinois dans ce secteur, juste derrière l’Indonésie.

L’industrie chinoise — devenue la colonne vertébrale de la production mondiale de batteries, de panneaux solaires et d’équipements d’hydrogène — oriente aujourd’hui ses capitaux vers les zones offrant stabilité, politiques industrielles incitatives et accès stratégique aux marchés internationaux. C’est précisément ce triptyque que Rabat a su mettre en avant : des zones industrielles attractives, une politique énergétique cohérente et un ancrage commercial fort avec l’Europe. Résultat : plusieurs consortiums chinois s’y sont installés pour fabriquer des matériaux de batteries et de l’hydrogène vert, consolidant le royaume comme un maillon clé de la chaîne d’approvisionnement mondiale.

En revanche, l’Algérie demeure en marge de cette recomposition. Ses ressources naturelles abondantes et son potentiel solaire exceptionnel n’ont, pour l’heure, pas suffi à séduire les investisseurs chinois. Le rapport indique qu’entre 2011 et mi-2025, aucun projet manufacturier à faible émission de carbone piloté par Pékin n’y a vu le jour. Une absence qui interroge, alors même que le pays affiche une volonté affichée de diversification énergétique.

Hydrogène vert et batteries : le terrain de jeu de la Chine en Afrique

En 2025, les technologies de stockage et de production propres sont au cœur de la révolution énergétique mondiale. Les batteries lithium-ion et l’hydrogène vert redéfinissent les équilibres industriels : elles conditionnent la mobilité électrique, la décarbonation des usines et la sécurisation des réseaux électriques. Les grandes puissances, Chine en tête, investissent massivement pour contrôler chaque maillon de ces chaînes de valeur.

L’Afrique du Nord est devenue l’un des terrains d’expansion de cette stratégie chinoise. Pékin y voit non seulement une source d’approvisionnement en ressources minérales, mais aussi une porte d’entrée vers le marché européen. Dans cette logique, le Maroc occupe une position privilégiée. Les entreprises chinoises y déploient leurs technologies, transférant savoir-faire et capitaux dans des projets intégrés qui relient extraction minière, transformation industrielle et exportation.

Cette présence contraste fortement avec la quasi-invisibilité de la Chine en Algérie. Le pays, pourtant doté d’un fort potentiel solaire et d’une industrie en quête de diversification, n’a pas encore su créer les conditions capables d’attirer les champions chinois du bas carbone. Les observateurs évoquent une combinaison de rigidités réglementaires, de lenteurs administratives et d’incertitudes stratégiques qui freinent l’émergence de partenariats durables.

Un basculement stratégique qui redéfinit le Maghreb énergétique

La recomposition actuelle ne se limite pas à une question d’investissements. Elle traduit un changement de centre de gravité industriel : la Chine, en devenant le moteur de la transition bas carbone mondiale, redessine les hiérarchies économiques régionales. Le Maroc a compris très tôt l’intérêt de se positionner dans ce mouvement, en accompagnant les géants chinois de la technologie verte. L’Algérie, elle, semble encore hésiter entre le maintien de son modèle fondé sur les hydrocarbures et une ouverture vers les nouvelles industries énergétiques.

Si la tendance se confirme, le royaume chérifien pourrait consolider sa place comme plateforme africaine de la coopération sino-industrielle, tandis que l’Algérie risque de voir s’éloigner une opportunité majeure de transition et de diversification. Une situation qui rappelle qu’en matière d’énergie verte, le centre du jeu n’est plus seulement technologique ou politique : il est désormais industriel, et la Chine en tient les commandes.

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