Sénégal : D'anciens ministres alertent sur le risque de la crise malienne

Deux anciennes figures du gouvernement sénégalais tirent la sonnette d’alarme sur la menace sécuritaire qui s’intensifie au Mali. Thierno Alassane Sall et Aly Ngouille Ndiaye appellent à une réponse urgente, coordonnée et régionale face à la progression des groupes armés. Pour eux, l’inaction pourrait avoir des conséquences humanitaires et économiques lourdes pour le Sénégal, voisin direct et principal partenaire commercial de Bamako.

Agir avant la « chute de Bamako »

L’ancien ministre de l’Énergie et député Thierno Alassane Sall avertit que si le Mali venait « à tomber face aux jihadistes », la région s’exposerait à « des guerres interminables » entre factions rivales. Il estime qu’il deviendrait alors difficile d’éviter la contagion à d’autres pays voisins, dont le Sénégal. Selon lui, Dakar doit « prendre l’initiative » avant qu’une crise régionale incontrôlable ne s’installe.

L’ancien ministre souligne que les conséquences d’un effondrement malien seraient graves : un afflux massif de réfugiés, une pression accrue sur le port de Dakar et des perturbations majeures du commerce transfrontalier. Il considère que le pays « se trouve tout près de l’épicentre du cataclysme » et appelle les autorités à anticiper plutôt qu’à subir. Ces propos trouvent un écho dans les récentes mises en garde d’Aly Ngouille Ndiaye, ex-ministre de l’Intérieur, qui a interpellé publiquement les dirigeants régionaux : « Messieurs les Présidents de la CEDEAO et de la Mauritanie, n’attendez pas que Bamako tombe pour réagir. »

Pour Aly Ngouille Ndiaye, la progression des groupes armés vers le sud du Mali représente une menace directe pour l’ensemble de l’espace ouest-africain. Il estime que « le temps des diagnostics est révolu » et plaide pour une coordination militaire et diplomatique urgente entre les États frontaliers. Le responsable préconise un renforcement des services de renseignement et des opérations conjointes, ainsi qu’une accélération de la stratégie antiterroriste sous l’égide de la CEDEAO.

Un partenaire vital fragilisé et une frontière sous tension

Le 1ᵉʳ juillet dernier, le poste-frontière de Diboli, à deux kilomètres de Kidira, a été la cible d’attaques armées. Ce lieu, situé sur l’axe stratégique Dakar–Bamako, est un point de passage essentiel pour les marchandises entre les deux capitales. L’incident illustre la fragilité du corridor commercial sénégalo-malien, où les groupes armés ne visent plus seulement les forces locales, mais également les circuits économiques.

Sur le plan économique, le Mali représente le premier partenaire commercial du Sénégal, concentrant 50,5 % des exportations sénégalaises en 2022. Ce poids économique explique l’inquiétude de Dakar face à l’instabilité croissante chez son voisin. Toute déstabilisation prolongée du Mali impacterait directement le transport de marchandises, le transit douanier et les recettes portuaires. Plusieurs observateurs estiment que la survie du commerce sous-régional dépendra de la capacité des États à sécuriser leurs voies de communication et à restaurer la confiance des opérateurs.

Au-delà de l’économie, les deux anciens ministres rappellent les implications humanitaires et sécuritaires d’une éventuelle « chute de Bamako ». Une telle évolution pourrait provoquer des déplacements massifs de populations vers le Sénégal oriental et saturer les capacités locales d’accueil. Dans ce contexte, Thierno Alassane Sall et Aly Ngouille Ndiaye insistent sur la nécessité pour Dakar de se positionner comme acteur préventif et moteur d’une coopération régionale renforcée.

Les appels conjoints de ces deux anciens responsables traduisent une préoccupation partagée au sein de la classe politique sénégalaise : celle d’éviter que la crise malienne, prolongée et militarisée, ne se transforme en une instabilité durable à l’échelle ouest-africaine.

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