Somaliland : la Russie s'oppose à Israël et renforce les points de friction

Depuis plusieurs années, les relations entre la Russie et Israël sont marquées par une série de désaccords diplomatiques persistants. De la question palestinienne aux frappes israéliennes en Syrie, en passant par le dossier iranien, Moscou a régulièrement exprimé, au sein des enceintes internationales, son opposition aux positions défendues par Tel-Aviv. Cette ligne de fracture, longtemps cantonnée à des théâtres bien identifiés du Moyen-Orient, s’étend désormais à la Corne de l’Afrique. La reconnaissance par Israël de l’indépendance du Somaliland a ravivé ces tensions, donnant lieu à une prise de position ferme de la Russie devant le Conseil de sécurité de l’ONU.

Un désaccord fondé sur la souveraineté des États

Au Conseil de sécurité des Nations unies, la Russie met régulièrement en avant le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États. Cette ligne diplomatique l’a conduite à s’opposer à plusieurs positions défendues par Israël, notamment lors des débats relatifs à Gaza, à Jérusalem ou au Golan syrien. Moscou a, dans ce cadre, soutenu des initiatives appelant à des cessez-le-feu ou critiquant certaines opérations militaires israéliennes, en s’appuyant sur sa lecture du droit international.

Cette approche s’est également manifestée sur le dossier syrien. Tout en conservant des mécanismes de coordination militaire avec Israël afin d’éviter des incidents directs, la Russie a dénoncé, sur le plan diplomatique, les frappes israéliennes menées en Syrie. Ces critiques ont été formulées au nom du respect de la souveraineté de Damas, alors dirigée par Bachar el-Assad, un allié central de Moscou. À ces divergences s’ajoute le soutien russe à Iran, partenaire stratégique de la Russie au Moyen-Orient, dont le rôle régional est perçu par Israël comme une menace directe.

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C’est dans ce cadre déjà chargé que la reconnaissance du Somaliland par Israël a été portée devant le Conseil de sécurité. Pour Moscou, cette décision constitue une nouvelle entorse aux principes qu’elle défend de longue date, tout en créant un précédent jugé dangereux pour la stabilité régionale.

Une alerte russe au Conseil de sécurité

Intervenant devant les membres du Conseil, la représentante russe, Dina Guilmoutdinova, a exprimé une préoccupation marquée face à la décision israélienne. Sans s’attarder sur des considérations bilatérales, la diplomatie russe a insisté sur les implications directes de cette reconnaissance pour la Somalie, dont le Somaliland est officiellement une région faisant partie intégrante depuis la proclamation unilatérale de son autonomie en 1991.

Selon Moscou, reconnaître l’indépendance du Somaliland revient à porter atteinte à l’unité et à l’intégrité territoriale de l’État somalien. La Russie a rappelé que cette position est partagée par une large partie de la communauté internationale, y compris par l’Union africaine et plusieurs pays de la région, qui continuent de soutenir Mogadiscio dans ses efforts de stabilisation et de reconstruction institutionnelle.

Au-delà de l’aspect juridique, la Russie a attiré l’attention sur les conséquences sécuritaires immédiates. Elle a mis en garde contre une possible montée des tensions dans la Corne de l’Afrique, une zone déjà fragilisée par des crises politiques et des conflits armés persistants. La reconnaissance du Somaliland pourrait, selon Moscou, compliquer davantage les équilibres internes somaliens et affaiblir les initiatives en cours visant à renforcer l’autorité de l’État fédéral.

La lutte contre le terrorisme a également été évoquée comme un enjeu central. La Russie estime que des décisions unilatérales de cette nature risquent de détourner l’attention et les ressources des autorités somaliennes et de leurs partenaires internationaux, au moment même où la menace posée par Al-Shabaab demeure élevée. Pour Moscou, toute évolution politique susceptible de fragmenter davantage le pays pourrait offrir un terrain favorable à ce groupe armé, déjà implanté dans plusieurs régions.

Face à cette situation, la Russie a plaidé pour une approche reposant sur le dialogue entre Somaliens, sans ingérence extérieure. Elle a réaffirmé son soutien aux autorités de Mogadiscio dans leur quête de stabilité et de souveraineté, tout en appelant les acteurs internationaux à éviter toute initiative motivée par des intérêts géopolitiques immédiats.

Une décision qui ravive des lignes de fracture diplomatiques

La réaction russe à la reconnaissance du Somaliland par Israël ne constitue pas un épisode isolé. Elle s’inscrit dans une série de prises de position où Moscou se pose en défenseur d’un ordre international fondé sur le respect des frontières reconnues et le rôle central des Nations unies dans le règlement des différends. En s’opposant publiquement à Israël sur ce dossier africain, la Russie élargit le champ de ses désaccords avec Tel-Aviv, jusque-là concentrés principalement au Moyen-Orient.

Pour Israël, cette reconnaissance répondrait à des considérations stratégiques propres, même si celles-ci n’ont pas été détaillées officiellement au Conseil de sécurité. Pour la Russie, en revanche, l’enjeu dépasse le cas du Somaliland. Il touche à la crédibilité des mécanismes multilatéraux et au risque de voir se multiplier des initiatives unilatérales susceptibles de fragiliser des États déjà vulnérables.

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