L’annonce a surpris une partie du corps médical américain : la première dose du vaccin contre l’hépatite B, généralement administrée dans les heures suivant la naissance depuis plus de trois décennies, ne fera plus l’objet d’une recommandation systématique pour tous les nouveau-nés. Cette inflexion intervient après le vote d’un comité renouvelé, désigné par le ministre de la Santé Robert Kennedy Jr., connu pour ses positions critiques envers plusieurs politiques vaccinales. Le choix opéré marque une rupture majeure avec la stratégie qui avait permis de réduire presque à néant les infections chez les jeunes depuis le début des années 1990.
Un bref rappel permet de mesurer l’enjeu. La politique américaine de vaccination néonatale contre l’hépatite B avait été adoptée en 1991 afin de protéger efficacement les nourrissons, y compris lorsque le statut sérologique de la mère n’était pas maîtrisé ou que l’entourage immédiat présentait des risques de transmission. Cette approche avait contribué à affaiblir la circulation du virus chez les enfants, soutenant la prévention contre une infection pouvant évoluer vers des maladies chroniques du foie.
Santé publique et revirement du comité ACIP
Le vote du 5 décembre, conclu par huit voix contre trois, précise que les nouveau-nés de mères testées négatives ne seraient plus automatiquement destinataires de la première dose. Les familles décideraient désormais avec leur médecin, tandis que les bébés dont les mères sont positives ou dont le statut reste inconnu continueraient à relever d’une administration immédiate. Plusieurs organisations professionnelles ont exprimé leur inquiétude, estimant que les limites observées dans le dépistage prénatal et les risques de transmission au sein du foyer fragilisent l’objectif de protection universelle. La présidente de l’Académie américaine de pédiatrie, Susan Kressly, estime que ce changement pourrait entraîner une hausse des infections chez les nourrissons, compte tenu des failles de surveillance existant dans certaines régions du pays.
Du côté du comité consultatif sur les pratiques de vaccination, plusieurs membres nommés cette année ont défendu une orientation jugée plus “personnalisée”, qui rappellerait certaines pratiques européennes. Ils soutiennent qu’une recommandation moins uniforme pourrait être mieux adaptée à la situation de familles disposant d’un dépistage fiable et d’un suivi médical régulier. Pour accompagner cette nouvelle approche, les experts ont proposé la possibilité de réaliser un test sérologique après la première dose, afin d’ajuster ou non la suite du schéma. Cette proposition, encore peu détaillée, pourrait néanmoins soulever des questions d’accès dans les zones où les services pédiatriques sont saturés.
Hépatite B et motivations affichées par les autorités
Selon les éléments fournis par le Center for Disease Control and Prevention (CDC), la révision repose notamment sur l’évolution des indicateurs épidémiologiques. Les responsables évoquent un recul de la prévalence de l’hépatite B dans la population générale, ainsi qu’une amélioration des tests réalisés pendant la grossesse. Ils affirment que ces éléments justifient une recommandation plus souple pour les bébés dont la mère est clairement identifiée comme non porteuse du virus. Le CDC souligne également qu’il pourrait être envisagé que des familles bien informées, accompagnées d’un personnel soignant disponible, optent pour le début du schéma vaccinal quelques semaines plus tard.
Cette lecture ne semble pas convaincre pas tous les experts. Le docteur Cody Meissner, l’une des rares voix opposées au sein du comité, avait rappelé avant le vote que le changement introduit risque d’affaiblir une stratégie qui a fait ses preuves. Il considère que la cohérence d’une recommandation nationale reste essentielle pour éviter les disparités régionales ou les décisions prises dans la précipitation, en particulier dans les maternités où le dépistage est incomplet ou où l’accompagnement des parents manque de clarté. De nombreux soignants soulignent également que la transmission peut survenir par des personnes autre que la mère, ce qui rend la protection universelle particulièrement utile dans les premières heures de vie.
La décision a reçu le soutien du président Donald Trump, qui a salué sur son réseau Truth Social une “très bonne décision”. Pour les opposants, cet appui renforce l’idée que le débat dépasse la seule question sanitaire, même si aucune preuve n’indique que des considérations politiques aient directement dicté la révision. L’un des points les plus débattus reste la question du suivi : sans recommandation automatique, il est possible que certains nourrissons passent entre les mailles du filet, ce qui limiterait les résultats obtenus depuis 1991.



