CES PLAISANTERIES QUI RISQUENT DE NOUS TUER

 Par Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC
Par tempérament, je ne m’aventure jamais à trouver chez l’autre l’animal que nous habitons tous en nous et qui ne demande qu’une chiquenaude pour se manifester ; alors qu’il y a des choses plus graves. Notre pays est plus que jamais à un carrefour dangereux de son évolution où il se doit de sauter vers l’émergence ou tomber dans la même régression que devant.

Ce qui exige de ses élites qu’elles cessent de se comporter comme ces mauvais joueurs de tennis qui jouent toujours à ras de raquettes. Les intellectuels et autres cadres doivent au contraire élever le débat au-delà du nez au milieu de la figure.

Publicité

En effet, l’ambiance socio-politique devient progressivement polluée. C’est pour la première fois au cours d’une élection du Renouveau démocratique qu’on nous dit qu’un parti politique et non des moindres, est pris en flagrant délit de vol de 50 000 cartes d’électeur ! Or, la brave dame soi-disant instigatrice de ce système de fraude est loin d’être née de la dernière pluie et n’est guère une novice dans l’intelligence du fonctionnement des structures de la CED, ayant battu le record national de participation à ce démembrement de la CENA, soit 4 ou 5 fois ! Bizarre ! Bizarre ! Faut-il trembler pour notre pays ? C’est exactement de cette manière que se réunissent les ingrédients de la violence politique. La RB criera à la machination et les FCBE crieront haro sur les fraudeurs ; sans qu’on ne sache vraiment qui tire les ficelles dans l’ombre au niveau des deux protagonistes.

Je trouve pour ma part l’origine du ramdam dans l’une des escarmouches qui opposent ouvertement désormais Nicéphore SOGLO et Boni YAYI. Mais que diantre, peut-il les opposer ainsi ? Que reproche l’ancien Inspecteur Général des Finances et ancien Administrateur de la Banque Mondiale au Docteur Boni YAYI, ancien Directeur Général de la BOAD ? Il s’agit de la problématique, non pas de la dictature comme on le dit par erreur, mais du despotisme. Chez les Grecs, la dictature est de l’ordre du mode de commandement, de l’arkhê ; elle peut théoriquement être démocratique au même titre que LENINE parle de dictature démocratique. Le Kratos quant à lui, participe de la source de la légitimité et de la souveraineté du pouvoir politique. Aussi est-il plus juste d’incriminer un prétendu despotisme du nouveau locataire de la Marina. Si le Président Boni YAYI est un despote, c’est donc qu’il est un autocrate.

En cette matière, faisons preuve d’honnêteté intellectuelle et n’ayons pas la mémoire courte. Nous avons vu à l’œuvre le Président SOGLO pendant les cinq années de son mandat. En vérité, Boni YAYI fait figure de pâle amateur par rapport à celui dont toute la classe politique déplorait et stigmatisait alors l’arrogance et la suffisance. Et pour cause. Notre Constitution qui est fondée sur le régime de la séparation des pouvoirs, un régime présidentiel fort malgré les soi-disant contre–pouvoirs, a réussi le tour de force de faire d’un seul homme, le Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement. Il est le premier citoyen du pays et sa femme, la première dame, a à son service un cabinet payé par le contribuable.

C’est ainsi ; ce sont des survivances monarchiques que nous avons héritées de l’ancienne puissance coloniale en les aggravant lorsque nous n’avons même pas séparé la fonction du Chef du Gouvernement (il peut être non responsable devant le Parlement) d’une partie de la large fonction exécutive du Chef de l’Etat. Le tapis rouge est ainsi déployé pour la « dictature constitutionnelle » (Cf. Maurice AHANHANZO-GLELE dans Naissance d’un Etat noir). Il est plus exact de parler plutôt de despotisme présidentialiste.

Publicité

Nous avons vu dans ce pays, le Président MAGA autocrate absolu, envoyer d’abord comme ambassadeur du Bénin à Paris Emile Derlin ZINSOU, le Président de la Cour Suprême ; puis fait gravissime, envoyer au même poste Sourou MIGAN APITHY, le Vice-président élu par le suffrage populaire comme lui ! Pourtant, tous ceux qui connaissent le regretté Président Hubert Koutoukou MAGA sont d’accord sur une chose : c’est un ange de douceur et un bon vivant.

La vérité est là incontestable. Nous avons derechef semé inconsciemment ou consciemment les germes de l’autocratie et du présidentialisme négro-africain. Ce n’est pas le Docteur Boni YAYI qui est par nature un « dictateur » ou plus exactement un despote. C’est la Constitution du 11 décembre 1990 qui est en cause. Elle donne trop de pouvoirs au Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement et les soi-disant contre-pouvoirs qu’elle a cru bon de créer sont totalement inefficaces. Il faut la réviser de fond en comble ; surtout dans le mode de désignation des membres des institutions de contre-pouvoirs.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité