«Le Changement» a deux ans !

« Tout est dit, Et nous venons trop tard, dans un monde trop vieux… »
(La Rochefoucauld.)

Non, le miracle ne s’est pas produit ! Il n’y a pas eu de miracles. Il n’y aura jamais de miracles. Ils sont très déçus, ceux qui attendaient un miracle, on est toujours déçu quand on attend des miracles là où le travail seul, conduit méthodiquement et patiemment par des hommes et des femmes adultes et responsables, produit les richesses qui comblent les besoins et les attentes des uns et des autres, notamment des couches sociales les plus déshéritées.

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Depuis le 06 Avril 2006, il n’y a pas eu de miracles, mais il y a eu comme « un frétillement » au niveau de la gouvernance, c’est-à-dire au niveau de la direction nationale des affaires du pays. Au sommet de l’Etat, nous avons un homme de bonne volonté, de bonne éducation, de bonne culture ; qui s’est entouré d’hommes et de femmes très ordinaires ; dans un gouvernement qui a dit la vision et proclamé les ambitions ; et qui gère avec son tempérament et son caractère personnels, un héritage humain, matériel et financier désastreux ; dans la fidélité à la volonté de changement exprimée par 75% du corps électoral, c’est-à-dire par 75% du peuple.
Le Changement n’est pas facile, et le Changement ne plaît pas à tout le monde, on le comprend : il se trouve tout bêtement que nous qui voulons le Changement, et qui sommes très nombreux, nous REFUSONS l’égoïsme d’une classe politique aveuglée et dépassée par des ambitions débridées et des alliances contre-nature, honteuses, dégradantes et stériles, dont l’histoire de notre pays ces cinquante dernières années a été émaillée. L’ancien Président de la République et les trois anciens Présidents de l’Assemblée Nationale, avec leur alliance contre – productive, nous rappellent l’alliance impossible que nos trois anciens leaders, Apithy, Maga et Ahomadégbé – paix à leurs âmes ! – ont contractée en 1968 à Lomé où les militaires, alors au pourvoir, les ont contraints à un exil forcé. De leur trou, ils inondaient le pays de leur littérature platement patriotique et de leur propagande aussi grossière que mensongère sur leur unité retrouvée et scellée, qui n’attendait que leur retour au pays pour donner toute sa mesure. On a encore le souvenir de cette photo qui montre les trois hommes, attablés autour d’une carte de l’Afrique, les index posés sur le Bénin de leurs fantasmes… Le coup d’état crapuleux qui écarta ZINSOU du pouvoir en Décembre 1969, leur ouvrit enfin la porte du retour au pays. On connaît la suite : il leur a suffi de franchir la frontière pour que l’unité tant proclamée volât en éclats ; les élections organisées anarchiquement en mars 1970 tourneront court, le pays a été à un demi-doigt de la guerre civile ; de la concertation générale organisée par l’Armée, les forces politiques et les syndicats, n’a pu naître que le Conseil Présidentiel, « ce monstre à trois têtes » qui gérera collectivement les affaires du pays, avec, dans une rotation qui a lieu tous les deux ans, l’un des trois comme « Président » de la chose immonde sus-nommée. La nature a horreur du vide et des monstres. Il nous importe de retenir la leçon : LE CONSEIL PRESIDENTIEL FUT LA SIGNATURE VIVANTE DE L’IMPOSSIBLE ALLIANCE QUE LES TROIS ET LEURS LIEUTENANTS ONT VENDUE A UN PEUPLE LASSE DES INTRIGUES ET DES MISERES. Le 26 octobre 1972 mettra un terme à la tragi-comédie, et les militaires, encore une fois, viendront ramasser par terre un pouvoir qui n’a jamais eu aucune prise sur aucune réalité nationale…

Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, il n’était ni inutile ni inopportun de rappeler ces faits avérés de notre histoire politique, afin que les Béninoises et les Béninois n’oublient pas que la fatalité, c’est tous les jours, à tous les instants et dans tous les mouvements et tous les actes qu’il faut la vaincre. Partout ! Mais d’abord ici et maintenant.
Donc, on n’est pas assez stupide pour oser faire le bilan de deux années de l’exercice d’un pouvoir qui a annoncé ses ambitions de changer les habitudes dans un environnement où elles entretiennent des poches de richesses et des océans de misère : la résistance et le refus des profiteurs et des jouisseurs du système des choses sont des données normales et des paramètres de l’action vigoureuse, déterminée, entêtée même, des acteurs du Changement. Qui doivent tenir bon, tout en continuant de respecter le droit et les libertés.
Oui, le Changement est sur la bonne voie. Il faut persévérer, poursuivre le chemin, avec courage et humilité, avec patience et détermination, avec un culte prononcé de la vérité et de la crainte de Dieu… Il manque à l’ouvrage des hommes de bonne qualité : mais c’est avec douze pouilleux, fragiles et presque analphabètes, que le CHRIST, il y a deux mille ans, a commencé la révolution qui changera la face du monde : « le Changement » ne changera pas les hommes, il devra faire, avec ce matériau imparfait, le plus souvent incompétent et sans esprit patriotique, les transformations qui imposeront le Bénin émergent, c’est-à-dire un pays où coulent le lait et le miel et où il fasse bon vivre pour chacun et pour tous, pas seulement pour ceux qui ont amassé des fortunes à l’extérieur et qui veulent vendre des illusions à des populations entortillées par la misère et fragilisées à l’extrême par un état de manque aigu et persistant.
Tout ce qui va sans dire vaut toujours mieux en le disant : il reste beaucoup à faire, que dis-je ? tout reste à faire, les responsables du Changement doivent maintenant initier une réflexion sérieuse, nationale et populaire sur le contenu, les paramètres, les critères et les indicateurs du Changement. Le panier de la ménagère ou le taux de croissance sont des données trop insaisissables, trop techniques ou trop peu convaincantes pour la compréhension des masses : les masses ont besoin du visible, du palpable…
Evidemment, il est faux de dire que le Gouvernement du Changement fait de la dictature, bâillonne la presse, interdit les libertés syndicales, les Béninois sont libres d’aller et venir et ils ne se privent pas ; ils sont libres d’écrire ou de dire ce qu’ils pensent, même si c’est de grossiers mensonges, et personne ne les poursuit, sauf ceux qui se sentent diffamés : moi, j’ai été victime d’un accident de circulation au retour d’une mission, alors que je me suis occupé de l’accidenté et d’informer la gendarmerie, un journaliste mal-équarri sorti de nulle part, annonce à la une de sa feuille de chou, que « Monsieur Adrien AHANHANZO GLELE tue un conducteur de zémidjan et prend la fuite », nouvelle relayée par les radios et les télévisions… Le conducteur de zémidjan et ses parents continuent de me remercier pour la promptitude de mes secours et pour tous les soins médicaux que j’ai pris immédiatement et instinctivement à ma charge, le garçon n’étant resté à Saint-Luc  que le temps de l’observation indispensable afin de détecter d’éventuels traumatismes cachés. Si j’avais intenté un procès, le pauvre journaliste qui a encore tout à apprendre de la vie et d’un métier exigeant, serait à l’heure qu’il est en prison, les témoignages l’auraient accablé, il n’aurait eu aucune parade ! Si cela n’est pas de la diffamation et de la propagation de fausses informations, cela y ressemble. Il est injuste de faire du choix des chefs-lieux de six préfectures issues des dédoublements, une priorité, même pour le Bénin émergent : dans un pays où tout est à faire ou à refaire, tout est prioritaire, absolument tout. On doit donc féliciter et se féliciter de tout ce qui a été fait, même si cela est encore insuffisant, surtout si l’on a déjà assumé le pourvoir, que l’on connaît les difficultés objectives de l’exercice où l’on n’a pas particulièrement laissé de très bons souvenirs. Les gens qui n’ont plus rien à donner, plus rien à prouver, doivent avoir la pudeur, la décence, l’humilité et la sagesse du silence, et laisser les Béninoises et les Béninois poursuivre les expériences du renouvellement de leur espérance.

Les libertés syndicales n’ont jamais été entravées, mais le Changement SE DOIT d’éduquer les travailleurs et leurs syndicats à la responsabilité : on ne peut plus faire grève, arrêter de travailler, et en même temps, EXIGER le salaire du temps de la grève : il n’y a aucune démocratie au monde où une telle absurdité a cours. Il est irresponsable et démagogique que des hommes d’Etat dignes de ce nom défendent, notamment dans des pays appauvris comme le nôtre, de telles idées, ils ne rendent service à personne !
Le Changement, ce sont les Ministres, les Directeurs de l’Administration Centrale, les Directeurs Généraux des Entreprises publiques et semi-publiques, les travailleurs des administrations… c’est eux qui transcrivent en actions les idées du Chef du Gouvernement, c’est eux qui préparent les décisions et qui les mettent en œuvre. Les couacs, les impressions d’inachevé, de précipité, d’improvisé, c’est eux… On se souvient pour le déplorer, du mauvais pilotage de la mauvaise privatisation de la SONAPRA dont je redis avec force qu’il ne faut pas la privatiser, mais même qu’il faut redonner vie, force et vigueur aux CARDER, un label envié de nos Agents de l’Agriculture. On se souvient également, et également pour le déplorer, des magouillages au niveau d’une Administration Provisoire de la SONACOP qui s’incruste et pose des actes illégitimes et illégaux puisque le Conseil Extraordinaire des Ministres depuis le 09 Novembre 2007 y a mis un terme… Y aurait-il des puissances occultes plus fortes que tout un Conseil des Ministres ?… Des gens irremplaçables, tous nos cimetières de village en sont pleins ! Mais le Changement, c’est aussi que force reste à la loi…
Depuis la Conférence Nationale en 1990, « les gens de bien », patriotes adultes et responsables avaient annoncé que nous étions partis pour cent, deux cents ans de changement et de conversion avant d’espérer revenir aux normes d’avant 1972 : c’est eux qui ont raison, et il nous faut saisir la chance d’un Président de la République de type nouveau, de culture nouvelle, pour laisser nos turpitudes au vestiaire et l’accompagner dans ses efforts, ses visions, ses ambitions, chacun devant, à la place qui est la sienne, faire ses bilans et des efforts personnels pour que le Bénin émerge comme la lune qui sort des brumes de l’horizon.
Le Changement est pour nous, une occasion UNIQUE de réaffirmer notre Vocation au Bonheur avec un grand « B » et redire notre rejet tranchant et irrévocable de tous les faux modèles : modèle de gouvernance où le père est roi, la maman est reine, les enfants sont rois, la ménagerie est reine : « ena sån sô, bo sån sô mi, bo sån sô migo a ! » a pu dire quelqu’un dans le temps ! Modèle de réussite où nous voyons les milliards des matamores, mais nous ne voyons pas les activités qui y ont conduit. La jeunesse béninoise que nous avons à gérer a un grand besoin de modèles : tous les bons et vrais modèles exigent l’effort, l’endurance dans le travail, la recherche, et une addition des acquis et des gains, dans une totale transparence. Voilà pourquoi il faut encourager, aider, soutenir le Docteur Boni YAYI, qui est l’un des nôtres, un fils du village, un fils du terroir, qui est monté grâce à son intelligence et à son ardeur au travail scolaire, universitaire et banquier, qui est un MERITOCRATE, qui fait l’effort difficile de mettre les hommes au travail sans privilégier grossièrement ses parents ou ses amis, et qui est constamment sur le terrain, au dedans comme au dehors, tout en étant constamment en concertation avec les membres de son gouvernement, dans de longs et fréquents Conseils des Ministres dont on se doute bien que cela ne doit être ni des occasions de palabres oiseuses et inutiles, ni des parties de plaisir et de jouissance gastronomique… Puisque nous sommes tous des croyants, prions le Dieu des croyants afin que sa gloire éclate définitivement dans cette Aventure audacieuse et nécessaire du Changement des mentalités, des comportements, des habitudes et des réalités qui font le quotidien de nos misérables vies, dans l’optique de ce Bénin Emergent !
Le peuple béninois n’a pas besoin de Maîtres, mais des modèles et des témoins !

Adrien AHANHANZO GLELE  
A Pâques 2008

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