Social Watch ou comment prêcher sans ses compagnons de départ.

Florent COUAO-ZOTTI (couao64.unblog.fr)

Il y a quelques jours, l’ONG Social Watch a publié un communiqué brûlant sur les pratiques en cours au sommet de l’administration publique béninoise. C’est le genre de texte qui fait se dresser les cheveux sur la tête, qui fait sursauter les sensibles du cœur ou fait bondir au plafond les plus grands émotifs.

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A la lire de près, cette déclaration, quelque alarmiste qu’elle puisse paraître, ne se trouve pas à l’antipode de la vérité. Au contraire, elle restitue avec une certaine âpreté une situation critique que les malvoyants et les autistes agrées de l’action publique s’acharnent à ignorer.
 Les « cellulards » – ainsi désigne-t-on désormais les chatouilleuses plumes de la cellule de communication de la présidence (une trouvaille d’affreux linguistes) – ont été les premiers à s’attaquer au texte. Comme d’habitude, ils y sont allés avec leur mauvaise foi traditionnelle, leur manque de nuance, en arguant que la réalité décrite relève de l’extraterritorialité. Rien que ça.
 Pourtant, les faits relevés, régulièrement dénoncés par les syndicats et les journalistes, sont vécus tous les jours par les usagers de l’administration publique et par le petit peuple. Au surplus, ils s’apprécient comme un recul manifeste de la démocratie et des options prises par le changement.
Mais que dit la déclaration de Social Watch ? Quelques mots arrachés au texte permettent de l’articuler en trois temps.
Le communiqué parle d’abord du « régionalisme rampant » auquel s’adonnent certains membres du gouvernement et hauts cadres de l’administration publique. Au lieu de s’atteler aux missions à eux confiées par le chef de l’Etat, ils préfèrent aller s’accrocher aux flancs de leurs collines natales ou aux manguiers de leurs ancêtres en arrosant les populations essorées par la misère, de malheureux CFA et de quelques céréales prélevés dans le grenier de l’Etat.
Le communiqué parle, en deuxième lieu, de la « pensée unique », bréviaire de la gouvernance actuelle qui accapare les médias pour sa seule visibilité, laissant aux autres la part du raton. Enfin, il déplore l’attitude « prébendière » de certaines organisations de la société civile qui vont régulièrement, au détriment de leurs missions, mordre goulûment dans le gigot tendu par le gouvernement. Les signataires du communiqué parlent de « tentation suicidaire » de ces OSC devenues, pour service rendu, des appendices spectaculaires de l’administration yayi.
Sur ce dernier point précisément, le constat est plus qu’affligeant : que sont devenues nos ONG qui organisaient, avec la régularité de la marrée, des conférences de presse pour dire qu’elles vigileraient à propos de la bonne gouvernance et de la gestion moderne des affaires de la cité ? Qu’est devenu Elan, l’association de la pétillante Madougou qui promettait l’enfer aux « mafieux et cie » ? Que dit le FONAC dont les cris, il n’y a pas si longtemps, criblaient nos oreilles de « révélations »? Dans quel sable Transparency International Bénin a-t-elle fossilisé son latin ? Que penser de l’inexistence consommée de l’association des consommateurs ?
Si la pom-pom girl de Elan a trouvé son destin dans le confort séraphique du conseil de régulation de la communication, Roger Gbêgnonvi qui a rejoint le chef de l’Etat, est devenu bien plus que transparent à Transparency Bénin. Et tandis que Romain Houehou a définitivement troqué ses jeans d’homme de terrain contre ses costumes de salonnard au même conseil de régulation, Jean-Baptiste Elias semble se contenter, au FONAC, des fouines vaines. Bref, à part Assogba d’ALCREER préoccupé par les arriérés impayés de loyer de son association, chacun a trouvé son bonheur là où il voulait le trouver. Au lieu d’être là à vouloir lutter indéfiniment contre les moulins à vent.
Social Watch qui, pendant un temps, a fait cause commune avec toutes ces ONG, est devenue seule.  Seule à dénoncer les abus d’aujourd’hui, seule à décrier la mal-gouvernance dans le changement, seule à agiter la clochette. Elle ignorait, la pauvre, que ces OSC n’étaient truffées, en réalité, que de tristes opportunistes qui ne croyaient qu’en leurs propres biscuits. Gbêgnonvi, au sujet des députés de la troisième législature, parlait d’«excréments » et d’«entrailles ». Difficile, en voyant lui-même et ses alliés agir, de dire autre chose !

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