Réflexion sur la polémique autour des résultats des élections communales

/food/djankaki.jpg » hspace= »6″ alt= » » title= » » border= »0″ style= »float: right; » />La CENA est-elle coupable ?

Dès l’annonce des résultats des élections communales, municipales et locales du 20 Avril et du 1er Mai 2008, les marches de protestation, les grognes, les violences de toutes sortes s’observent à l’intérieur du pays. On pourrait alors se poser déjà la question de savoir si la décentralisation est menacée.a

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Pourtant, courant 2007 lorsque je publiais mon ouvrage « la décentralisation au Bénin : l’impasse, le cas de la commune d’Abomey-calavi », je suggérais à nos autorités centrales qu’avant d’aborder la seconde mandature des élus locaux, d’inviter nos concitoyens à  une étude qui portera sur un certain nombre de question clés ainsi résumées :
-quelles approches semblent être plus ou moins efficaces quand il s’agit  d’élargir la participation pour y inclure des analphabètes dans la
gouvernance locale ?
 – le profil du maire ou du chef d’arrondissement tel que défini pourrait – il  favoriser le développement local ?
 – la démocratie au niveau national est- elle réellement suffisante pour une  sérieuse décentralisation administrative au niveau local de tous les organes :
l’organe exécutif et l’organe délibérant ?
 – La décentralisation actuelle peut-elle établir seulement un capital social ?
 – La présence des partis politiques au niveau local est-elle généralement nuisible ou utile au processus de développement à la base ?
 – Quel doit être le rôle de la société civile ?
 – La décentralisation «démocratique» telle que pratiquée au Bénin contribue-t-elle davantage à réduire la pauvreté, l’iniquité ou à les augmenter ?
 – Les institutions de contre-pouvoir (l’Assemblée Nationale, la Cour Constitutionnelle….) connaissent-elles véritablement les enjeux de la  décentralisation ?
 – Quelle pourrait être la teneur des dispositions pérennes à introduire dans la constitution pour régler au mieux les jeux de ping-pong entre l’Assemblée Nationale et la Cour Constitutionnelle s’agissant des textes réglementaires sur le fonctionnement de nos communes qui doivent être perçues comme un levier de développement ?
Pour n’avoir pas pris au sérieux ces préoccupations d’ordre technique en vue d’entreprendre des études sur le terrain et envisager le cas échéant un forum qui doit avoir un incident législatif, certaines de nos communes vont encore végéter dans le laxisme, la navigation à vue et le gaspillage des maigres ressources locales.  
Revenant à la question des élections locales du 20 Avril et du 1er Mai 2008, j’avais mis en cause dans mon récent ouvrage, l’héritage des élections locales d’organisation nationale par la CENA.
En effet, il n’est d’aucune nécessité que les élections communales, municipales et locales aient lieu le même jour dans toutes les communes. De même il n’est d’aucune nécessité que le mode de scrutin soit le même dans toutes les communes. Mieux, les membres de la CENA sont passés de 25 à 17 pour organiser les élections les plus complexes que le Bénin ait jamais connu. Chaque état major des partis politiques a mis au moins 48 heures pour affiner les résultats des élections locales au niveau d’une commune. La répartition géographique de la population au découpage de 1978 actuellement en vigueur était basée sur une population de 3.190.902 habitants pour 77 communes, 510 Arrondissements et 3.378 villages et quartiers de villes.     Aujourd’hui en 2008 certains villages ont la taille d’une commune. C’est le cas de Godomey qui a la taille des communes de Covè – Zagnanado et Ouinhi réunis.
Paradoxalement, aussitôt après les élections, cette fois-ci couplées, la CENA sous la pression politique, s’est évertuée à un exercice difficile : la proclamation des résultats en  moins d’un mois.
    Toutes les irrégularités relevées le jour du scrutin ont bénéficié de très peu d’attention. Les agents recenseurs, les agents de bureaux de vote n’ont été formés que pendant une heure au maximum. Dans ces conditions, on comprend alors les désagréments auxquels on pourrait s’attendre. Pourtant la loi électorale impose aux agents recenseurs le niveau minimum de BEPC.
Par ailleurs, s’agissant des agents du bureau de vote, certains parmi eux n’étaient même pas en mesure de remplir correctement les feuilles de dépouillement, un élément déterminant dans la sincérité des suffrages exprimés sur chacun des candidats. Personnellement, grande fût ma stupéfaction lorsque je découvrais sur une feuille de dépouillement l’orthographe avec lequel il est écrit «Albaum Kalvie» au lieu de «Abomey-Calavi». Certains n’étaient même pas capables d’écrire «Mono». Je comprends alors aisément l’origine des tripatouillages au niveau des chiffres. Face à toute cette médiocrité, peut-on s’attendre à une bonne organisation des élections présidentielles et législative couplées de 2011 sans avoir mis l’accent sur la formation des différents acteurs ?
Par ailleurs, l’autre pomme de discorde aujourd’hui est le mode de scrutin. D’entrée, disons que les modes de scrutin sont si fort variés et n’emportent aucune unanimité lorsqu’il s’agit d’opérer un choix. Le choix d’un mode de scrutin n’est jamais innocent, neutre. Il est fonction du type de système politique ou de société que l’on veut instaurer.
Naturellement, chaque mode de scrutin comporte ses avantages et ses inconvénients et seuls les résultats politiques recherchés peuvent expliquer le choix porté sur l’un ou l’autre des modes de scrutin. Malheureusement, les résultats politiques recherchés varient aussi d’un parti politique à un autre ; d’un électeur à un autre.
Si l’actualité politique béninoise est aujourd’hui marquée par de vives polémiques, car les uns expliquent la faiblesse de leurs résultats électoraux et les autres trouvent leur chance de réussite, l’Assemblée nationale devrait s’en préoccuper par un forum avant d’opérer ce choix et envisager par la même occasion les garde-fous afin d’aider objectivement chaque député à se prononcer en connaissance de cause avant de voter les dispositions de la loi N°2008-28 du 15 – 11 – 2007 fixant les règles particulières applicables aux élections des membres des conseils communaux ou municipaux et des membres des conseils de village ou de quartier de ville en république du Bénin.

    L’article 12 dispose :
12 – 1. : Dans les circonscriptions électorales comptant plus d’un siège, les membres du Conseil communal ou municipal sont élus au suffrage universel direct au scrutin de liste à un tour.
 12 – 2. : Les sièges sont attribués aux candidats d’après l’ordre de présentation sur chaque liste. Il est attribué à la liste qui a obtenu la majorité absolue ou à défaut 40% au moins des suffrages exprimés, un nombre de sièges égal à la majorité absolue des sièges à pourvoir.
12 – 3. : Au cas où deux listes des candidats obtiendraient chacune au moins 40% des suffrages exprimés, il est attribué à la liste ayant obtenu le plus fort suffrage, la majorité absolue des sièges à pourvoir.    
12 – 4. : Une fois effectuée l’attribution visée à l’alinéa précédent, les sièges restants sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne à l’exclusion des listes ayant obtenu moins de 10% des suffrages exprimés.
12 – 5. : Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages.
En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d’être proclamés élus.
12 – 6. : Si aucune liste n’a recueilli ni la majorité absolue ni les 40% au moins des suffrages, les sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne à l’exclusion des listes ayant obtenu moins de 10% des suffrages exprimés.
12 – 7. : Dans les circonscriptions électorales comptant un siège, les membres du Conseil communal ou municipal sont élus au suffrages universel direct au scrutin uninominal majoritaire à un tour. Dans ce cas, le candidat qui a obtenu le plus de suffrages exprimés est proclamé élu.
En cas d’égalité de voix entre deux ou plusieurs candidats, le plus âgé est désigné Conseiller communal ou municipal.
Ce qui est essentiel dans les dispositions de cette loi c’est le plafond de 40% et 10% fixé par le législateur. Lorsque c’est ainsi, le but recherché par les partis politiques est de permettre à chaque formation politique de mesurer son degré d’influence sur l’échiquier politique local. Dès lors l’équilibre démocratique et national est faussé. Ceci se démontre dans la publication des résultats des élections locales du 20 Avril et 1er Mai 2008. Le comble est que le G13 dont je suis le candidat à Godomey malgré plus de 4.000 voix obtenus n’a obtenu aucun siège alors que la RB avec 18.000 voix a obtenu 15 sièges sur les 18 contre 3 sièges pour la FCBE avec 10.000 voix. A l’analyse des résultats le constat amère était que les suffrages exprimés étaient artificiellement gonflés pour permettre d’atteindre plus rapidement les 40% et d’empêcher la 3ème force politique d’émerger. Lorsqu’on fait le rapprochement des voix il est aisé de comprendre qu’il n’y a pas pourtant 15 fois 4.000 dans 18.000 ni deux fois 10.000 dans 18.000 voix. Ce mode de scrutin est très difficile à expliquer à nos populations surtout que le candidat arrivé en tête s’arroge la quasi-totalité des sièges. De plus, le contexte socio-administratif, sorte de nécessité de l’ordre politique établi, engendre dans notre société une multitude d’irrégularités et de déformations électorales. Face à cette nouvelle expérience électorale il urge de prévenir les conditions sociologiques et les intérêts politiques qui avaient suscité le mépris ou le refus du jeu démocratique en Octobre 1963 et favorisé l’instabilité politique au Bénin jusqu’en 1972. Les réflexions doivent se poursuivre pour le choix d’un mode de scrutin qui prenne réellement en compte les intérêts majeurs de nos populations qu’on exploite abusivement du fait de la détresse et la misère qui caractérisent leur vie au quotidien. Le scrutin proportionnel appliqué aujourd’hui favorise davantage le parti politique en tant qu’équipe engagée dans la compétition  au lieu des individualités marquantes aux  compétences avérée.
Lorsqu’on analyse les innovations et les caractéristiques du scrutin électoral au Bénin depuis 1945, on constate une évolution fulgurante, parfois scandaleuse. C’est ainsi qu’à la faveur du découpage électoral du 23 Avril 1959 dans la circonscription du Sud-Ouest (Mono) le PRD avait obtenu 18 sièges avec 48.970 voix contre zéro siège à l’UDD avec 48.630 voix (soit 340 voix d’écart seulement pour gagner 18 sièges).
Au total au plan national le PRD (Apithy) avait obtenu 28 sièges avec 143.205 voix, le RDD (Maga) 22 sièges avec seulement 63.728 voix et le comble l’UDD (Ahomadégbé) 20 sièges seulement et tenez-vous bien avec 163.084 voix.
Les mentalités n’ont pas véritablement changé au Bénin comme l’affirme le Professeur Finagnon M. Oké « La très grande majorité des électeurs vote comme si elle accomplissait un rite de passage dans l’univers de la modernité ».
Devant de telles réalités sociologiques, quel crédit pouvons–nous accorder à de telles élections démocratiques ? De nombreux truquages sont inévitables du fait de l’absence d’identité judiciaire obligatoire et nécessaire pour tous. Ainsi, l’on vote sur simple présentation d’une carte d’électeur, ce qui permet parfois à toutes les substitutions d’identités possibles
-Un électeur du bureau de vote N°1 de Ylomahouto (Godomey) à voté au bureau de vote N°1 de Salamey alors que l’intéressé n’a pas son nom sur cette liste ;
-Un autre inscrit au bureau de vote de Ylomahouto a voté au bureau de Sohonto, sa carte d’électeur a été confisquée jusqu’au dépouillement pour l’empêcher de voter ailleurs ;
-Le Président de bureau de vote de l’EPP de Xlacomey à Godomey BV2 surpris en flagrant délit avec plusieurs bulletins de vote cachetés d’un parti dominant a été arrêté et déféré à la prison civile de Cotonou ;
-Aussi, dame T. M. titulaire de la carte d’électeur N°00210 a-t-elle accompli son devoir civique à la place du titulaire de la carte N°00216 ;
-etc
Somme toute, la démocratie représentative au Bénin draine tant de déformations et d’irrégularités préjudiciables qu’un traitement méthodique particulier devient nécessaire pour que la forme et l’apparence ne soient pas seules prises en considérations et étudiées. Malheureusement dans notre pays nous évoluons vers la culture de la facilité ou de la paresse intellectuelle et l’on pourrait se poser la question de savoir si un ouvrage plus détaillé dans le domaine pourrait amener les autorités centrales à corriger les insuffisances de notre système électoral face aux contingences politiques de plus en plus marquées et parfois en absence de toute alternative crédible.

 

Claude Cossi Fréjus DJANKAKI.

Consultant, Spécialiste des questions de décentralisation, Diplômé IIIè Cycle en Administration, Territoriale décentralisée en 1985 à la faculté de Droit et des Sciences politiques de l’Université de Reims en France.

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