Réflexion

A quand le paradis Afrique ?

Quand jeudi dernier, j’ai suivi le long métrage «Africa Paradis» du grand cinéaste béninois Sylvestre Amoussou, j’ai été partagé entre deux sentiments. Le rêve d’une Afrique unie et féerique comme le projette le réalisateur. L’utopie d’une idée qui restera un mirage tant  que l’Afrique est mal gérée.

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Imaginez qu’à chaque fois que les Africains, les braves posent un pas, les Européens en ont déjà posé cinq, dix, cent, mille… L’écart entre les deux continents est grand, si grand que même quand un clown de peau blanche débarque en Afrique, il est bardé du titre «coopérant» et est accueilli à bras ouvert. Il n’est soumis à aucun problème de papier. Au contraire, il est pris comme un envoyé de Dieu et au moment de prendre congé, il est fait «Grand-Croix», «Commandeur», patati patata par les gouvernants. Par contre, l’Africain qui tente l’aventure vers l’Europe est étiqueté d’émigrant. Il lui est fait la vie dure. Il est rejeté, vomi telle une peste.
Il est vrai que le sous-sol africain est très riche en matières premières. Mais, est-ce que l’exploitation et surtout la transformation de ces ressources a jamais préoccupé nos dirigeants ? Ils préfèrent s’accrocher au pouvoir, éliminer les vrais patriotes, ceux-là qui leur disent la vérité afin de gouverner sans partage. Plus grave les maigres richesses visibles existant, ils les convoient vers l’Europe. C’est ainsi que la Banque suisse s’est immensément enrichie grâce à des devises déposées par des chefs d’Etats et ministres africains.
Prenons le cas du Bénin actuel. Le chef de l’Etat, le président Boni Yayi entend faire du pays une nation émergeante. Le slogan est vivace et trotte sur toutes les lèvres qui s’abreuvent au quotidien dans le calice du «Changement». Mais voilà un système qui n’a toujours pas réussi à innover. Les travailleurs sont mécontents. L’administration publique est paralysée par des grèves perlées. Tous les produits coûtent chers mêmes ceux de grande consommation et de première nécessité. De grands chantiers pleuvent à Cotonou et ailleurs mais, malgré cela, le mal aise est traumatisant. Des menaces planent sur la liberté d’expression telles l’épée de Damoclès. La corruption s’érige en un système nouveau et mieux planifié. Il suffit qu’un Conseil des ministres déclare le directeur d’une entreprise d’Etat coupable de détournement de denier public. Le mis en cause applaudit à grands cris. Il applaudit tout juste parce qu’il sait que cette dénonciation ne va pas le faire partir de son poste. Mais, quand par extraordinaire il est gommé du poste, un autre Conseil des ministres, quelques semaines plus tard le rappelle pour occuper un nouveau poste tout aussi juteux, des fois plus juteux que le précédent. Les exemples sont légion dans le pays et, l’on se demande si le Changement à la Yayi est conforme à la définition que les dictionnaires de la langue française donnent du mot.
Cependant, l’exemple béninois n’est pas le plus criant. La mauvaise gouvernance gangrène presque tous les pays sur le continent. A part la République sud africaine et quelques deux nations du Maghreb, la désolation est poignante. Les problèmes sont à des échelles plus étendues. Quand quelqu’un prend le pouvoir, il pense d’abord à devenir multimilliardaire. Il pense également à s’acheter des châteaux au luxe insolent dans les sublimes capitales européennes. Ensuite, il pourvoit à des actions dans les grosses firmes toujours en Europe. Ainsi, son principal souci est d’investir dans les pays européens, que dis-je, de détourner les richesses de son pays vers l’Europe. Ce faisant, il laisse son pays dans un délabrement piteux. Des cas typiques sont féconds dans la région centre africaine. On y découvre de grandes capitales sans la moindre voie en bitume. Pis, des quartiers supposés résidentiels sont jonchés de tas d’ordure. L’électricité et l’eau potable sont encore des denrées rares dans l’Afrique actuelle. La criminalité est loin d’être contrôlée par les pouvoirs publics.
Les problèmes sont si énormes que le rêve n’est pas celui d’une Afrique-Etat paradis. Car l’Union africaine à la manière des Etats-Unis d’Amérique est un vain mot. Si l’on tient à fantasmer, on peut projeter l’atteinte de cet eldorado dans un siècle ou deux. Non pas forcément pour que l’Afrique dépasse l’Europe, mais pour que l’Afrique se mette au pas à travers le réveil obligatoire de ses gouvernants. Ce faisant, on pourra s’imaginer atteindre cette postérité si chère aux peuples et vouer aux gémonies par les dirigeants. Donc, Sylvestre Amoussou aurait pu penser ce paradis Afrique autrement et non en faire cet éden qui fait la misère à l’Europe. Sur ce plan, on aura rien gagné à regarder «Africa paradis». Toutefois, le scénario est à succès. Je le souligne.

Fortuné Sossa

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