/food/zotti.jpg » hspace= »6″ alt= » » title= » » border= »0″ style= »float: right; » />Au nord-est de Djougou, au bout d’une piste poussiéreuse, picorée de crevasses de toutes sortes, Bellefoungoun, village oublié du Bénin et du monde.
Comme partout dans la Donga, le village tente péniblement de s’arracher à la moiteur du temps et à son destin ingrat de cité non inscrite dans les « priorités nationales »…
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Les cases en terre de barre et en pisé s’offrent rarement les grâces de la modernité, en l’occurrence l’électricité et l’eau. Seuls, le palais du roi – un ensemble de cases ceinturées d’une petite muraille lézardée – et le complexe scolaire du site disposent de quelques élémentaires de commodité.
Le roi, ancien douanier à la retraite, les soixante-dix ans bien consommés, règne sur son petit monde d’un œil bien sympathique. Sa cour est faite de congénères, sages aux crânes dégarnis, barbes blanches et surtout reines et princesses au geste altier. Des femmes dont l’âge oscille entre la cinquantaine, la quarantaine, la trentaine, la vingtaine et même la dizaine. Un harem fort bien coloré, où tous les âges se coudoient, où les codes de conduite sont scrupuleusement respectés, où les mélanges de genre – et du genre – sont bien bannis, où enfin les dieux tutélaires de la cité sont constamment sollicités pour veiller sur les vivants et éclairer l’horizon de la communauté.
Venant du sud et ayant, par le passé, fréquenté ces lieux, même épisodiquement, je ne m’attendais pas autre chose. Au surplus, il me semblait que ces images m’étaient déjà fort habituelles. Mais ma surprise venait d’un autre détail : les plus jeunes des « femmes » du roi, celles que j’appellerai les « reinettes de Sa majesté ».
Le premier des Bellefoungois, malgré l’âge, est encore quelque peu vert. Profitant de son humour et de son esprit d’ouverture, nous avons osé des blagues à son endroit, lui demandant par exemple, si, avec toutes ces grâces qui peuplaient son harem, il avait encore la force et le chic de les honorer en bonne règle. Sa réponse fut imparable. Il nous présenta son nouveau né, un tout petit gaillard de deux semaines, le visage déjà strié de scarifications ethniques, avec de petites balafres en traits verticaux qui lui marquaient les tempes jusqu’au dessous du menton.
Au sujet des « reines enfants », le roi expliqua la situation. La présence de ces jeunes filles, selon lui, ne relève pas de sa volonté. Ce sont les familles qui, pour témoigner leur allégeance, leur reconnaissance ou même leur soutien, ont donné au roi ce qu’elles avaient de meilleur dans leurs cours. Sa Majesté ne devrait, en aucun cas, opposer son refus. Même s’il y a déjà un trop plein au palais, il est obligé d’accueillir la jeune fille à bras ouverts. Celle-ci est alors consacrée reine. Avec, comme symbole, des bracelets en cuivre autour du poignet et les cheveux coupés à ras mais de niveau inégal. La nouvelle venue, désormais « scellée », ne peut ni être flattée par un amoureux têtu, ni être approchée par un passionné enragé. Celui qui oserait telle impertinence aurait l’enfer pour lui tout seul pour des millénaires.
Le roi, ancien douanier à la retraite, les soixante-dix ans bien consommés, règne sur son petit monde d’un œil bien sympathique. Sa cour est faite de congénères, sages aux crânes dégarnis, barbes blanches et surtout reines et princesses au geste altier. Des femmes dont l’âge oscille entre la cinquantaine, la quarantaine, la trentaine, la vingtaine et même la dizaine. Un harem fort bien coloré, où tous les âges se coudoient, où les codes de conduite sont scrupuleusement respectés, où les mélanges de genre – et du genre – sont bien bannis, où enfin les dieux tutélaires de la cité sont constamment sollicités pour veiller sur les vivants et éclairer l’horizon de la communauté.
Venant du sud et ayant, par le passé, fréquenté ces lieux, même épisodiquement, je ne m’attendais pas autre chose. Au surplus, il me semblait que ces images m’étaient déjà fort habituelles. Mais ma surprise venait d’un autre détail : les plus jeunes des « femmes » du roi, celles que j’appellerai les « reinettes de Sa majesté ».
Le premier des Bellefoungois, malgré l’âge, est encore quelque peu vert. Profitant de son humour et de son esprit d’ouverture, nous avons osé des blagues à son endroit, lui demandant par exemple, si, avec toutes ces grâces qui peuplaient son harem, il avait encore la force et le chic de les honorer en bonne règle. Sa réponse fut imparable. Il nous présenta son nouveau né, un tout petit gaillard de deux semaines, le visage déjà strié de scarifications ethniques, avec de petites balafres en traits verticaux qui lui marquaient les tempes jusqu’au dessous du menton.
Au sujet des « reines enfants », le roi expliqua la situation. La présence de ces jeunes filles, selon lui, ne relève pas de sa volonté. Ce sont les familles qui, pour témoigner leur allégeance, leur reconnaissance ou même leur soutien, ont donné au roi ce qu’elles avaient de meilleur dans leurs cours. Sa Majesté ne devrait, en aucun cas, opposer son refus. Même s’il y a déjà un trop plein au palais, il est obligé d’accueillir la jeune fille à bras ouverts. Celle-ci est alors consacrée reine. Avec, comme symbole, des bracelets en cuivre autour du poignet et les cheveux coupés à ras mais de niveau inégal. La nouvelle venue, désormais « scellée », ne peut ni être flattée par un amoureux têtu, ni être approchée par un passionné enragé. Celui qui oserait telle impertinence aurait l’enfer pour lui tout seul pour des millénaires.
Mais le roi sait que ce choix relève d’une option résolument sociale. Toutes ces reinettes sont prises en charge par ses soins, entretenues jusqu’à l’âge où elles deviendraient des femmes mûres pour intégrer le calendrier nocturne du palais et la ronde des tours de cuisine. Mais, cela est une autre histoire, car a ajouté Sa Majesté, « avant que toutes ces petites filles en arrivent là, je ne serai peut-être plus de ce monde ». Ainsi vont nos traditions. Et surtout le sort de nos filles encore soumises aux scories de nos cultures qui les privent d’intégrer le monde moderne, qui les empêchent d’être les ouvrières de leurs propres destins.
Florent COUAO-ZOTTI
(écrivain)
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