/food/khadafi.jpg » hspace= »6″ alt= » » title= » » border= »0″ style= »float: right; » />Ce jeune soldat de 27 ans qui en 1969 renversa le roi Idris 1er ne payait pas de mine pour les jeunes étudiants anti-impérialistes que nous étions au sein de la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire. Il n’avait ni le bagout ni l’assurance d’un révolutionnaire. A une question que lui posa le présentateur sur le plateau de TFI, Mu’ammar Al-KHADAFI fit cette réponse étrangement laconique : « NASSER est le leader de tous les Arabes ; moi, je ne suis qu’un soldat » !
Mais le petit soldat est un visionnaire entêté qui rêvant d’un empire du désert fer de lance du nationalisme arabe, poursuivit en vain plusieurs tentatives d’union avec ses voisins. D’abord l’Egypte, la Syrie, puis la Tunisie. Echec et mat. Itou pour l’Union du Maghreb Arabe.
Malgré ces échecs, l’homme eut une idée de génie : se tourner vers les Etats de l’Afrique Subsaharienne qui avaient sinon d’inextricables problèmes de stabilité intérieure, du moins sont tous confrontés aux affres du sous-développement. L’homme tira les ficelles au Tchad et au Soudan pendant des années, au grand dam des Américains que sa faconde irritait au plus haut point. Pour le détruire, on lui colla l’étiquette infamante de terroriste. On le rendit responsable de deux crashs d’avions, celui de PANAM et celui d’UTA. Rien n’y fit. Grâce à ses pétrodollars, l’homme tissa tranquillement une toile d’araignée qui progressivement enrôlera comme des mouches tous les Etats africains, avec comme issue payante le développement d’une stratégie que ses nombreux échecs dans le Maghreb l’ont aidé à développer : prendre les pays un à un ; d’abord à travers une coopération largement bénéficiaire à ces pays. Nous connaissons les nombreux investissements libyens dans le Bénin révolutionnaire sous Mathieu KEREKOU, au Congo dit démocratique, en Centrafrique, en Guinée. Même des pays au-dessus de tout soupçon comme le Burkina Faso, le Niger, le Nigeria, la Côte d’Ivoire ont eu à bénéficier des largesses du Guide de la Révolution libyenne. A ce niveau le succès fut franc. Il réédita sans le savoir la politique du Maroc dans les années précoloniales et qui consista à s’appuyer sur le « Soudan » pour s’imposer aux puissances rivales du Maghreb. Sous sa bannière, la vielle et inefficace OUA devient l’Union Africaine ; mais avant (depuis 1998), remarquons cette réussite diplomatique sans précédent que fut la création du CEN-SAD qui regroupa la plupart des Etats de l’Afrique Subsaharienne. Cette appellation fourre-tout lui permit d’engranger des pays qui n’ont rien de sahélien ou même de soudanais comme la Sierra Leone, le libéria, les deux Guinées, les Comores, Sao Tomé et principe !
Les pays de l’ancienne Union du Maghreb Arabe qui sont eux des pays véritablement sahariens n’ont plus aucun argument pour faire la fine bouche. Le visionnaire a réussi dans son rêve de bâtisseur d’un grand empire dont il caresse secrètement d’être le leader lors donc qu’il commença déjà à réclamer, cette fois-ci sans faire sourire ni Africains ni Occidentaux, le Gouvernement des Etats-Unis d’Afrique !
J’en tire personnellement un enseignement. Les grands hommes qui finissent par imposer leur vision dans l’Histoire sont d’abord des hommes d’abnégation, austères, prêts à se sacrifier à tous les points de vue et qui malgré les quolibets de leurs congénères, arrivent à faire triompher leurs idées et ainsi à faire changer la face du monde. Aussi loin que puissent remonter mes souvenirs, je vois le Mongol GENGIS KHAN et dans les Temps modernes Lénine, Mao, De Gaulle. L’Afrique dite noire a aussi un grand besoin de visionnaires et de bâtisseurs. Bien ! Le CEN-SAD a connu l’un de ses moments de gloire chez nous et notre Président de la République en est actuellement le Président en exercice ; mais nous ne devons jamais oublier cette constance de l’Histoire que les Arabes se sont toujours servi des Noirs que nous sommes comme marchepieds pour leur grandeur. L’apogée des empires arabe et ottoman s’était faite aux dépens de nos grands empires comme ceux du Ghana, du Mali et à la période de la Renaissance européenne, du vaste empire songhaï. D’accord pour les Emirats Arabes Unis, la Banque Islamique du Développement, le Fonds kowétien du même nom. Ne soyons quand même pas ingrats car ils nous inondent vraiment de beaucoup de milliards. Mais ce serait un tonneau des danaïdes si nous dilapidons ce pactole dans des projets qui n’apportent aucune valeur ajoutée, mais dorment d’un sommeil de cimentière dans des immeubles de luxe très coûteux, mais inhabitables pour 90% des Béninois !
Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC