Les grands travaux d’urbanisation et les nouvelles infrastructures qui trônent dans la ville, n’empêchent pas encore Cotonou de se débarrasser de ses habitations de fortune où cohabitent souvent, misère, délinquance et autres travers de la société. Assis sur deux morceaux de brique superposés, devant sa petite case, construite avec un mélange de pagnes usés et de pans de nattes déchirées, le tout coiffé d’une feuille de tôle corrodée par endroits, Félix Nombimè, la soixantaine dépassée, délaye allègrement du gari. Son regard est fier et rassurant, comme l’affichent tous les propriétaires de Cotonou. Sa parcelle n’est pas clôturée, mais se délimite facilement, puiqu’elle est la seule du genre, encore en l’état, au quartier résidentiel, «Haie Vive de Cotonou ». Gardien de nuit depuis une quinzaine d’années, le vieux Nombimè, vit curieusement seul dans ce taudis, mais informe qu’il est père d’une dizaine d’enfants, tous adultes aujourd’hui. La cour de sa concession est couverte d’herbes sauvages, sauf l’étroite allée qui mène à sa case. Il y marche pieds nus et dit s’en foutre du sol permanemment humide des lieux. « Je suis résistant moi, vous ne voyez pas que je suis toujours en bonne santé » s’exclame-t-il en bombant sa maigre poitrine. Cette parcelle porte bien son nom, puisqu’il l’a acquise suivant la procédure régulière, raconte-t-il. Voici 30 ans déjà. Mais il ne réussira pas à y ériger une belle bâtisse comme, les nombreuses autres qui se rivalisent dans ce quartier chic de Cotonou. Il aurait pu le revendre, car plusieurs occasions lui furent offertes. Et les prix proposés seraient les plus alléchants, à le croire. Mais l’homme se dit tellement attaché à ce « trésor », qu’il préfère plutôt le garder jalousement, jusqu’à c qu’il le lègue, un jour en héritage à ses fils. « Trésor », voilà le mot qui contraste avec ce cadre de vie insalubre et indigne dans la plus grande ville du Bénin. Un cas parmi tant d’autres.
La ville de Cotonou donne l’image d’un fourre-tout quand on parcourt ces quartiers les plus peuplés.. Si on y trouve quelques appartements de haut standing, ceux qui dénigrent son image sont encore trop nombreux. Pas moins que les populations qui y habitent. A Agla, Ste Cécile, Ladji et autres quartiers populaires, la vie s’arrête et laisse place à une misère humaine indescriptible. « Moi, je me demande si nous sommes dans une cité urbaine, où dans un ghetto ?» s’interroge un Gabonais de passage à Cotonou. Le spectacle est souvent bien désolant. A Akpakpa – Dodomè, l’un des bidonvilles les plus dangereux de Cotonou, situé près de la plage; pêcheurs et dockers s’entassent dans des cases, semblables à des boîtes de sardines. Puits de fortune, nappe polluée. Des ordures servent à combler les rues en prévision des inondations. Les mêmes rues et les abords des plages sont utilisés comme des latrines déjà recensés. Insalubrité: 7000 cas de choléra, maladies des bronches, diarrhées, dysenteries, ver de Guinée. Et pire, des possibilités de soins insignifiantes. Des habitats très risqués mais combattus en vain. Les résidents, venus pour la plupart des pays voisins, s’y plaisent visiblement. Car, ici, tout est permis. On s’adonne à tout : le sexe, la drogue, le vol, les bagarres… un vrai ghetto. La raison est très simple : le loyer est très moins cher. Parfois 500 Fca le mois. «C’est comme si nous ne sommes pas des humains , nous autres» déplore cependant cette femme congolaise au nom de Jeanne Kibangui, veuve depuis 5 ans, qui vit ici avec ses deux enfants dans un baraquement. «Nous n’avons rien», se lamente- t-elle, elle qui se voit obligée de dormir dans le même lit que ses enfants. Et plus grave encore, partager une seule pièce avec une dizaine d’autres personnes. Portes et fenêtres n’existent que de nom. L’intimité des couples se réduit à un rideau tendu autour de leur lit. Les locataires doivent se battre pour l’unique réchaud à pétrole du baraquement. Des vies en danger. Irrésistible.
Christian Tchanou
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