En 1972, il rentre à la Radio Nationale où il fait rapidement la preuve de tout son talent pour le bonheur des auditeurs. En 1977, il rentre au Centre d'Étude des Sciences et Techniques de l'Information de l'université de Dakar (CESTI) d'où il sort avec son parchemin de journaliste avant de poursuivre à Montréal, à New York et à Paris (à l'Institut Français de Presse puis à l'Université de Paris IV, où il obtient un DEA en sociologie de l'information).
Parallèlement à ses études de journalisme, Dave WILSON a toujours écrit des œuvres littéraires. Il est d'ailleurs distingué au Concours de la meilleure nouvelle de langue Française et en profite pour entrer en 1980 à Radio France Internationale (RFI).
Nouvelliste et dramaturge prolifique, il sort en 2002 un recueil de nouvelles chez l'Harmattan à Paris (" la vie des autres "). En 2003, il décroche le très convoité " Prix Littéraire du Président de la République ", première édition qui vient d'être édité et que j'ai lu pour vous.
Mais avant de vous livrer mon compte rendu de lecture, je vous fais lire ici les premières impressions de l'auteur que j'ai eu le privilège de recueillir. Voici in extenso ce qu'il m'a dit depuis la France où il vit :
"Comme on le dit, mieux vaut tard que jamais. On ne peut vanter un produit sans dire aux gens qu'il existe bel et bien. Je déplore profondément toutes les malheureuses péripéties qui ont compliqué l'accouchement du " Menuisier de Calavi ". Ce roman est sorti chez les Editions Afridic, mais sans avoir bénéficié des fonds prévus au Conseil des Ministres pour sa fabrication et sa diffusion. Il y a là quelque chose de trouble. Faudrait-il en rester là ou œuvrer pour que ce qui est à César revienne à César ? Je pense moi, qu'il en va de la crédibilité du " Prix du Président de la République ". Il n'est jamais tard pour bien faire ou rétablir les choses dans leur normalité. Je veux seulement croire qu'il y a au Bénin, des personnes, sinon des fonctionnaires qui partagent notre amour pour l'écriture, et notre foi en la culture. J'espère que les lauréats suivants ne subiront pas les coups portés au " Menuisier de Calavi ".
Voilà qui devrait interpeller bien des consciences. Pour le moment, je ne vais pas plus loin dans mes commentaires pour ne pas gâcher l'heureux évènement que constitue la parution de ce livre.
La couverture présente sur toute sa face en filigrane, un atelier de menuiserie du Moyen-Age, puis en haut, en image plus nette, la célèbre jarre trouée du roi Ghézo qui disait ceci : " Si tous les fils du pays venaient, de leurs doigts convergents, boucher les trous de la jarre trouée symbolisant la patrie, celle-ci serait sauvée ".
Le menuisier de Calavi est un roman de 250 pages divisées en 39 petits chapitres titrés. Pour le résumer, je dirai simplement que le Béninois Aïssè Tokoumbo Benoît quitta son Pobè natal pour rejoindre la grande ville de Cotonou où il obtint un diplôme de menuiserie. Pendant quelques années, il travailla et eut des revenus qui ne l'enrichirent certainement pas, mais qui lui permirent de vivre sans trop de soucis.
Mais peu à peu, il connut une décrue de ses revenus et tomba carrément dans la misère avec sa femme Akossiwa et leurs deux enfants. Cette misère au superlatif, c'est cette situation dans laquelle l'être humain se ravale pratiquement au rang du moins que rien, de poubelle ambulante, d'écheveau de difficultés multiples et multiformes.
Bien évidemment, dans ce genre de situation, les tentations négatives tourmentent même les hommes les plus honnêtes. Voici ce qu'écrit l'auteur à ce sujet, en parlant du menuisier. J'en ai ri et pleuré à la fois : "Une nuit, il arriva chez lui essoufflé avec, à bout de bras, une chèvre à moitié morte.
-C'est quoi ça ? avait fait sa femme en fronçant les sourcils.
-Comment c'est quoi ça ! Tu vois bien que c'est une chèvre.
-Et elle sort d'où cette chèvre ?
-Pourquoi me regardes-tu de la sorte ? Je n'ai pas volé cette bête.
-Je n'ai jamais dit cela !
-Cette chèvre vient de chez Zantrou Djidonou, le propriétaire du magasin juste à côté de l'ancien marché…
-Oui, je vois… avait répondu son épouse, sans conviction.
-A la place du mouton qu'il m'avait promis à la naissance de Razak, il m'a donné cette chèvre qui a eu la mauvaise idée de s'échapper en cours de route. N'eut été l'aide de quelques jeunes, je crois que jamais, je n'aurais pu la rattraper.
Ouf ! Sa femme ne saura jamais qu'il avait eu le courage de " ramasser " cette chèvre dans la rue, parce qu'il n'en pouvait plus de rentrer bredouille tous les soirs "
C'était là ce qu'a écrit l'auteur (page15) sur cette affaire de " chèvre à moitié morte ".
Alors, que faut-il faire face à cette misère sans fin? Se suicider ? Cela n'est pas dans la culture nago (ethnie de Tokoumbo). Abandonner la lutte pour la survie et se résigner face à son sort ? Cela non plus. Donner un signal fort de sa volonté de tourner cette page contre vents et marées afin de faire renaître quelque lueur d'espoir à l'horizon ? Oui ! C'est ce que fit notre menuisier. Il décida de quitter cet " infernal " Cotonou qui ne voulait plus de lui.
Mais une chose est de prendre cette décision, une autre en est de pouvoir effectivement la mettre en application. Or, Tokoumbo n'avait même pas assez d'argent pour payer le simple transport de ses bagages et de sa famille à Calavi, encore moins, de payer les arriérés de loyers qu'il devait à son propriétaire cotonois.
Pour le loyer, le propriétaire décida de le laisser partir, mais il prit la précaution de confisquer ses outils de menuisier. Quant au chauffeur de taxi qu'il trouva, celui-ci estima qu'il fallait effectuer au moins deux voyages pour tout ramasser. Or, Tokoumbo avait à peine en poche, le prix d'un voyage. Il dut alors voyager en laissant à Cotonou sa famille et une bonne partie de ses affaires, ce qui compliquait davantage sa situation.
Fort heureusement, le chauffeur avait du cœur : il revint une seconde fois avec la famille et le reste des bagages sans rien réclamer. Ayant longuement discuté avec Tokoumbo tout au long du premier voyage, il avait compris que cet homme en difficulté méritait d'être aidé.
L'autre évènement qui donna un formidable coup de pouce à notre menuisier, ce fut la possibilité pour lui d'acheter des vivres à crédit dans la boutique Fumilayo Store. En plus, le propriétaire de cette boutique lui prêta même sans intérêt une somme de cent mille francs pour lui permettre de lancer ses activités.
Son choix fut alors de créer et de gérer avec son épouse, un jardin potager dans le vaste domaine d'autrui qu'ils habitaient désormais. Leur instinct de survie, leur détermination et leur ardeur au travail portèrent bientôt leurs fruits, car après les difficultés du début, le commerce devint très florissant. Akossiwa créa même parallèlement un restaurant qui eut aussi beaucoup de succès. Avec les économies réalisées, Tokoumbo renoua avec son travail du bois, et son carnet de commandes ne désemplissait pas. Que du bonheur !
Mais j'ai promis de ne pas tout dire de ce livre. Alors, je m'en arrête là, car en lisant cette merveilleuse œuvre, j'ai vécu des suspens auxquels vous avez droit aussi. C'est pour cela que très volontairement, je ne dis pas la fin tout à fait imprévisible de l'aventure. Elle m'a laissé bouche bée.
La seule chose qui ne m'a pas plu dans cette œuvre, c'est le fait que Tokoumbo ai abandonné ses parents pour des raisons qui n'apparaissent pas clairement dans le livre. A ce sujet, lisons ici un passage (page 141) qui exprime toute la souffrance d'une vieille femme, la mère de Tokoumbo : " L'autre jour, alors qu'un taxi longue distance venait de disparaître dans un tourbillon de poussière jaune, une vieille femme rangée sur le bas-côté de la route, une frêle petite main en visière, interrogea pour la millième fois l'horizon qu'elle voyait à peine. " Mon enfant. Pourquoi cette absence, ce si long silence ? " ".
Cette partie m'a beaucoup attristé, parce que moi aussi je suis parent. Mais l'auteur est libre. Ce sont ceux qui recherchent la liberté la plus naturelle qui vont à l'art. Encore que dans bien des cas, la réalité est mille fois plus inimaginable et cruelle que la fiction. Cela s'appelle par exemple…11 septembre 2001…
L'auteur maîtrise tellement ses sujets, ses personnages, ses espaces, qu'à un moment donné, je ne voyais plus un " Menuisier de Calavi ", mais plutôt un " Wilson de Calavi ". Mais Wilson n'a jamais été menuisier. C'est un journaliste et un artiste de haut vol qui nous fait honneur dans l'intelligentsia hexagonale.
Mais si vous êtes pressés de tout savoir tout de suite, bravo ! Rendez-vous dans nos librairies et puis…bonne lecture !
(Par Denis AVIMADJESSI)