Opinion: Sauvegarder les droits de l’homme en afrique par le droit d’ingerence humanitaire

/food/gnonhoue.jpg » hspace= »6″ alt= »Jean-Baptiste GNONHOUE » title= »Jean-Baptiste GNONHOUE » border= »0″ style= »float: right; » />Le vent des droits de l’homme et de la démocratie a commencé à souffler sur le continent africain avec la fin de la guerre froide, notamment au lendemain de la conférence de la Baule, pour ce qui concerne les pays francophones. Si le Bénin, berceau du renouveau démocratique en Afrique, le Sénégal, le Mali, le Ghana, l’Afrique du Sud pour ne citer que ces pays, sont, dans l’ensemble, respectueux des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il n’en n’est concunement de même dans bien d’autres Etats du continent. Les crises récurrentes ont leurs racines dans les réalités suivantes : le non respect des droits de l’homme, une conception pervertie du pouvoir,  une vision moyenâgeuse du monde et des choses.

{joso} Elles se produisent souvent pendant les périodes électorales, et se traduisent par des arrestations arbitraires, suivies de torture systématique, des viols et autres violences sexuelles, des assassinats ciblés, des exécutions extrajudiciaires et des disparitions, autant de choses qualifiées en droit international contemporain de crimes contre l’humanité, donc imprescriptibles. Ces situations sont mal gérées par l(Union Africaine et l’ONU. Nous n’en voulons pour preuve que les cas patents du Darfour, du Kénya et du zimbabwe pour ne citer qu’eux. Que convient-il de faire pour sauvegarder les droits fondamentaux des populations? La réponse est que, il n’y a que le recours, éclectique, non à géométrie variable au droit d’ingérence humanitaire.

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Emergence et Mise en Œuvre du Droit d’Ingérence sur la Scène Internationale

Le droit d’ingérence est un concept délicat au regard de la souveraineté des Etats. Dans l’histoire des relations internationales, il y a eu des interventions des puissances étrangères, comme la France et la Russie dans l’Empire Ottoman pour porter secours aux minorités persécutées. On se souvient aussi sans peine de l’intervention française au Moyen orient, apparemment pour protéger les maronites libanais et les catholiques syriens. Avec le temps, le droit international s’est développé dans deux directions :
-le paragraphe 7 de l’article 2 de la charte de l’ONU, exclut l’ingérence dans les affaires qui « relèvent essentiellement de la compétence d’un Etat »
-la même disposition prévoit aussi des possibilités d’intervention envisageables par le conseil de sécurité et lui seul, en cas de nécessité, en application du chapitre VII de la charte.
Après 1980, le principe de l’ingérence humanitaire a surgi avec impétuosité sous l’influence des ONG humanitaires, au point d’amener Bernard KOUCHNER, médecin, et Mario Bettati, professeur de droit, à organiser en Janvier 1987 à Paris, un colloque sur le thème : «Droit et morale humanitaire », au cours duquel sont jetées les bases d’une nouvelle politique d’ingérence. C’était pour François MITTERAND, l’occasion d’affirmer sans passion, mais avec franchise que «la non ingérence s’arrête à l’endroit précis où naît le risque de non assistance à personne en danger ». Par ailleurs, la diplomatie française était si active que, le 8 Décembre 1988, l’Assemblée Générale de l’ONU a adopté la résolution 43/131 demandant aux Etats de favoriser le libre accès aux victimes de situations d’urgence. Cette résolution a été renforcée deux ans plus tard par une autre 45/100,  le 14 Décembre 1990 concernant les « couloirs d’urgence humanitaire». Ces textes, tout en n’étant pas obligatoires, posèrent les fondements légaux de l’action humanitaire, et ouvrirent la voie à la résolution 688 du conseil de sécurité, adoptée le 5 Avril 1991, pour protéger sur le sol irakien, les populations Kurdes attaquées par l’armée Irakienne. Elle est considérée comme fondatrice du droit d’ingérence, conformément au principe selon lequel, un problème interne gravissime de droits de l’homme menace la paix et la sécurité internationales. Le droit d’ingérence humanitaire, c’est alors le droit d’intervenir sur le territoire d’un Etat, nonobstant les principes de souveraineté et de compétence nationale pour protéger les Populations menacées dans leur existence, en raison de l’incapacité, de l’incurie, de la prévarication des autorités dont elles dépendent.

Le Contexte Africain

-Ce droit d’ingérence est rarement mis en œuvre en Afrique. Ni l’ONU, ni l’Union Africaine ne s’en soucient, à tel point que les populations sont laissées à leur triste sort. La situation prévalant au Nord de l’Irak en 1991, était à l’origine de la résolution 688 du Conseil de Sécurité relative à l’intervention armée. Qu’est ce que l’ONU a fait d’énergique  et de concret au sujet du Soudan et du Zimbabwe par exemple ? Pas grand’ chose. S’agissant du premier pays, la situation au Darfour n’est pas encore réglée parce que les mesures Idoines n’ont pas été prises par le conseil de sécurité. L’Union Africaine a montré ses limites dans cette affaire.
 -S’agissant du Kenya, on est parvenu à une solution qualifiée à tort d’idoine, parce que  fondée sur le partage du pouvoir, comme si l’on était en présence d’un gâteau qui sent bon, comme si les droits de l’homme devaient donner lieu à des négociations terre à terre. La boîte de Pandore est ouverte, puisque cette manière de régler la crise fait déjà jurisprudence et il en sera certainement ainsi pendant longtemps si l’on n’y prend garde.
-Quant au Zimbabwe, l’ONU et l’Union Africaine n’ont pas assumé leurs responsabilités de manière appropriée. C’est navrant que le Conseil de Sécurité de l’organisation mondiale n’ait même pas daigné envoyer une mission d’enquête sur le terrain, pour constater les crimes contre l’humanité commis par des zimbabwéens, afin de prendre les mesures punitives requises. Donc pas d’enquête, pas de poursuite, pas de jugement. Ce n’est pas normal que justice ne soit pas rendue aux victimes. Ce n’est pas compréhensible que le Conseil de Sécurité ne réagisse pas en vue de protéger les populations persécutées par des irresponsables, des gens qui se croient tout permis, qui adoptent avec cynisme et impunité des comportements constituant l’antinomie de la raison et du droit. Et la Cour Pénale Internationale ? Pourquoi existe-t-elle ? Il faut détruire la primauté de la loi de la jungle, en déférant  ces faits barbares à la jeune juridiction pénale internationale. On est en droit de dénier catégoriquement à l’ONU et à l’Union Africaine le droit de passer sous silence, les arrestations, les tueries et la torture systématique qui sont encore perpétrées. Ces deux organisations sont tenues d’intervenir énergétiquement pour que le droit et la raison triomphent dans ce pays. Aucun chef d’état, fût-il un grand combattant de l’indépendance et de la liberté, ni ses partisans, ne doivent se croire investis du pouvoir de tyranniser les populations de façon aussi macabre et avec impunité en ce 21ème siècle. L’ONU et l’Union Africaine existent pour protéger essentiellement les populations des pays membres et non pour couvrir les atrocités des chefs d’état. Elles doivent intervenir dans tout pays du continent de façon appropriée au non du droit d’ingérence, pour sauvegarder l’intégrité des droits de l’homme. On ne sait pas ce qu’ont ces deux organisations, puisqu’ aucune d’elles n’a eu l’idée de condamner tout au moins la situation prévalant au Zimbabwe. On dit que des négociations sont en cours en vue de sanctions ou de mesures ciblées. Il est à espérer que certains membres du Conseil de Sécurité n’entraveront pas leur adoption, ni leur mise en œuvre effective. La majorité des chefs d’Etats Africains s’évertuent à prôner le dialogue, à négocier en vue d’un gouvernement d’union nationale pendant que les opposants continuent d’être pourchassés, et on légitime ainsi, consciemment  ou non, ce qui ne doit pas l’être. Ce qui est certain, c’est que les auteurs de ces actes seront rattrapés tôt ou tard par la justice d’une manière ou d’une autre, en raison de l’imprescriptibilité des crimes commis. Le moment est venu de rendre effectives le droit d’ingérence et la juridictionnalisation des droits de l’homme. Ce qui est aussi certain, c’est que l’histoire condamnera sans appel l’ONU et l’Union Africaine, si elles continuent à agir sans efficacité face aux violations macabres des droits de l’homme sur le continent Africain. Il faut saluer au passage les propos du Botswana, et de la Zambie lors du débat sur la situation au Zimbabwé. Ce n’est pas renier ses racines africaines que de partager les prises de position des occidentaux sur les violations graves des droits de l’homme en Afrique. De grâce, que certains dirigeants, certains frères et sœurs africains ne disent plus que les américains, les européens doivent rester à l’écart des crises des droits de l’homme en Afrique Qu’un terme soit mis alors à la rhétorique de circonstance, dénuée de sens. Que l’on ne parle plus de reconquête coloniale et que l’on s’efforce de savoir que la défense des droits de l’homme n’a pas de frontières. L’esclavage est terminé. La colonisation est terminée. Prenons nos responsabilités en toute conscience face aux violations des droits de l’homme. Si nous ne le faisons pas, les occidentaux le feront à bon droit en notre lieu et place.   
L’Union Africaine et l’ONU ont une lourde responsabilité dans le respect, la protection et la mise en œuvre des droits de l’homme sur notre continent, beau, grand et potentiellement riche. Là où ils sont bafoués, ces organisations ne doivent pas hésiter à recourir au droit d’ingérence pour les restaurer en vue du bonheur des populations pour lesquelles ils ont été conçus. La souveraineté n’est pas un rempart. Les droits de l’homme étant universels, leur protection est sans frontières.

Par Jean-Baptiste GNONHOUE
Président de la Coalition Béninoise pour la Cour Pénale Internationale (CPI){/joso}

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