Pollution grandissante, ensablement continu, exploitation anarchique… sont autant de phénomènes qui menacent les plans d’eau du Bénin. Les scientifiques ne se lassent pas d’interpeller, à ce sujet, les autorités au plus haut niveau. Le Professeur Philippe A. Lalèyé de la Faculté des sciences agronomiques (Fsa) de l’Uac, a les mêmes inquiétudes et s’interroge de plus en plus sur l’avenir ainsi réservé aux ressources aquatiques locales. Le degré de pollution du Lac Nokoué a fait objet, il y a peu, d’un reportage qu’une équipe de journalistes, techniciens et cadreurs japonais est venue spécialement réaliser au Bénin. Dans le groupe, se trouvait également un spécialiste japonais de dépollution des milieux aquatiques, qui a pu mesurer les menaces qui pèsent ainsi sur ce lac. Des menaces qui sont bien grandes, selon le Professeur Philippe A. Laleyè, Maître de Conférences à l’Uac, spécialiste de la biologie des pêches et aquaculture, qui a aussi assisté les reporters lors de leur séjour au Bénin.
D’une étendue d’environs 150 Km2, le lac Nokoué doit sa forte pollution à plusieurs facteurs, au nombre desquels, les activités humaines, notamment dans les zones lacustres comme Ganvié. Rejet d’abondantes matières organiques dans le lac, pratique anarchique de la pêche avec les systèmes « Acaja » tant décriés…. Des actes qui entretiennent une forte pollution de ce plan d’eau, selon le Professeur Laleyè. Il n’occulte pas non plus le phénomène des jacinthes d’eaux qui s’amplifie d’année en année. Les conséquences, à l’évidence, sont bien nombreuses. Les espèces halieutiques fuient de plus en plus ces milieux pollués, un couac pour les populations lacustres comme celles de Ganvié qui vivent essentiellement de la pêche.
A leur passage, l’équipe des reporteurs japonais a démontré une technique de dépollution qui a émerveillé les populations de Ganvié, (le site d’expérimentation choisi) les autorités locales, des scientifiques béninois et bien d’autres curieux. Elle consiste à utiliser des organismes vivants dans le milieu pour effectuer l’opération. Il s’agit essentiellement des coquilles d’huîtres, dont l’efficacité en la matière est reconnue à travers le monde. Les résultats obtenus ont été très concluants, à en croire le Pr Laleyé, même s’il n’a fallu utiliser qu’une faible surface. Conduit par Mr Ruffin Zamahoun, un Béninois très connu au Japon, l’équipe de reportage a promis, une fois retournée dans le pays, diffuser le plus largement possible son élément sur les chaînes télévisuelles du pays, afin d’en attirer l’attention des bailleurs de fonds japonais, désireux de s’investir dans un projet plus élaboré de dépollution du lac Nokoué. Le souhait du Pr Laleyè n’est pas autre. Il n’exclue pas non plus la nécessité pour les autorités politiques béninoises d’investir davantage afin de limiter les dégâts de cette pollution, sans attendre forcément des financiers extérieurs. Plusieurs recherches et études universitaires ont été déjà consacrées à ce phénomène, comme à beaucoup d’autres, tels la cruciale question des « Acaja ». Mais elles semblent dormir encore dans les tiroirs de l’Uac, malgré les pertinentes recommandations qui y ont été élaborées. Au-delà des techniques de dépollution, insiste le Professeur Laleyè, il faut pouvoir élaborer et mettre en œuvre de véritables plans d’aménagement pour les milieux aquatiques nationaux.
Si le lac Nokoué ou encore la lagune de Porto-Novo sont confrontés à un véritable problème de pollution, ce n’est pas le cas ailleurs. La lac Ahémé, département du Mono Couffo en est quelque peu à l’abri, mais un autre problème plus grave persiste ici. C’est celui du de l’ensablement qui prend d’ampleur au fil des ans. Le Professeur Laleyè craint également que ce lac en arrive à disparaître un beau jour, si des solutions adéquates ne sont pas trouvées avec le temps pour arrêter cette mauvaise pratique à laquelle s’adonnent les populations.
A force de d’ensablement quotidien, ce lac connait de plus en plus un dépeuplement de ses espèces halieutiques, qui sont par ailleurs objet d’une surexploitation. Le danger qui guette ainsi les populations riveraines qui ne vivent majoritairement que des poissons n’est pas moins grand. D’où l’importance d’une politique de réorganisation des activités autour de ce lac, selon le Pr Laleyè, au risque de subir de lourdes conséquences à l’avenir.
Reste que les réflexions que mènent ainsi des scientifiques comme le Pr Laleyè soient mieux prises en compte au sommet de l’Etat, car comme le déplore-t-il, « les universitaires ne sont pas souvent associés aux décisions prises dans les instances politiques ayant rapport avec leur domaine de compétence ».
Très peu de politiques et projets de protection de l’environnement tiennent compte des milieux aquatiques au Bénin. Les investissements sont beaucoup plus orientés vers lespèces végétales ou animales et dans les zones urbaines où l’accent est souvent mis sur la pollution de l’air. Il n’est pas moi évident que les milieux aquatiques aussi subissent une forte pollution, comme le démontre si fort bien le Professeur Philippe Laleyè. Ce qui interpelle les autorités politiques béninoises et les partenaires au développement à déployer davantage d’efforts pour mieux assainir ces milieux dont l’exploitation induit positivement ou négativement sur le développement économique du Bénin. Lorsqu’on sait la forte consommation du poisson qu’on y note, la crise alimentaire actuelle, serait encore plus cruciale pour les Béninois, surtout ceux des milieux aquatiques qui vivent essentiellement de cette espèce aquatique.
Christian Tchanou.
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