Micro-projets

Adrien AHANHANZO Nous étions dans le Mono- Couffo
Cela ne nous a pris que quatre (4) jours : mes Collaborateurs de la Commission Nationale Permanente de la Francophonie (CNPF) et moi-même avons décidé d'aller visiter quelques micro-projets financés par l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) dans le Mono-Couffo, plus exactement le PADL, Projet d'Appui au Développement Local, dont le siège est situé à Dogbo… Quatre (4) jours de terrain… quatre (4) jours de bonheur intense… quatre (4) jours qui m'ont définitivement confirmé et enraciné dans toutes mes Convictions, mes Analyses, mes Combats, mes Visions depuis quarante années, mon intarissable et inaltérable espérance… L'Espérance ! Cette lumière lointaine, mais insistante, dans une nuit opaque, qui vous dit que la vie tient, et qu'elle est vainqueur, dans un environnement de mort, de mensonge, de tricherie, d'escroquerie, d'absence absolue de références et de repères ! Qui s'en étonnerait de la part d'un homme condamné à mort, ayant séjourné dix (10) années en prison, en plein épanouissement de tous ses talents, de toutes ses compétences et de tous ses muscles bandés, et que voici infiniment PLUS VIVANT ET PLUS LIBRE que tous ceux qui l'ont envoyé en enfer il y a seulement… trente-trois (33) ans – l'âge du CHRIST ! – Si nous avons vaincu la fatalité, nous devons prendre conscience de la vanité de l'imbécillité et de la bêtise qui font le sel et le piment de nos quotidiens médiocres !
C'est que dans le Mono-Couffo, pendant trois (3) jours trop courts, j'ai rencontré des fous…, des " fous du développement ", qui m'ont donné de Redécoucrir une région d'une très grande richesse, des femmes et des hommes des villages qui vivent dans " la nouvelle pauvreté " dans une dignité des femmes et des hommes conscients d'être " des histoires sacrées " et donnant un contenu vivant et permanent aux valeurs éternelles du travail, de la coopération, de la solidarité dans des environnements en perpétuelle dégradation.
Mais les fous sont là, pour leur donner UNE AUTRE IMAGE du " Fils du village, du Cadre, de l'Intellectuel, du Développeur "
Les fous du développement, ce sont d'abord Sylvain et son équipe extrêmement réduite du " Projet d'Appui au Développement Local " (PADL) : le siège du projet est à Dogbo. Ce Projet initié par l'OIF, intervient dans de nombreux villages dont Tchi-Ahomadegbé, Gbédji, Ouêdêmê, Houéyogbé, etc. Ces femmes et ces hommes, formés d'abord au Lycée Agricole Mêdji de Sékou, avant de poursuivre leurs études pour acquérir des niveaux de Maîtrise et au-delà, ONT RENONCE AU FONCTIONNARIAT, ont initié et créé leurs propres ONG, et travaillent dans le PADL comme des " soldats se battant à mains nues " : sans salaire, sans budget de fonctionnement, sans moyens de déplacement ! Ils trouvent en eux les capacités, le plus souvent en taxi ou à dos de Zem, de parcourir ces longues distances qui les amènent à former des associations de femmes pour la promotion du gari,  pour l'élevage des moutons, pour l'irrigation et la production du riz, pour la construction d'écoles et pour l'hydraulique villageoise, etc…
Ce ne sont pas ceux-là qui arrêtent le travail pour fait de grève ! Où sont-ils donc, et que sont-ils devenus les CARDER, créés pour ENCADRER les paysans, les organiser en Groupements Villageois et les initier aux techniques modernes de production et de gestion ? Où sont-ils donc, que sont-ils devenus les indispensables et incontournables ENCADREURS RURAUX, nés pour Encadrer le paysan dans toutes ses activités de production et non pour faire du coton ? Le profil de l'Encadreur Rural était clairement défini, et sa feuille de route explicite afin que, in fine, la paysannerie béninoise donne naissance à des entreprises agricoles viables constituant une alternative crédible à la fonction publique… L'esprit a subsisté ici et là, à des niveaux d'individualités considérées comme des " fous " dans un système où les véhicules d'Etat ou des Projets circulent en quantité sur toutes les routes du Département, ou dans les hôtels, et l'observateur se demande constamment où ils vont et ce qu'ils font, ces gens-là !
Nous donnons deux exemples de villages visités :
Le premier, où l'Association des femmes de sept (7) villages voisins, exploite un moulin à maïs, un magasin pour stocker les produits finis avant leur vente, un atelier de fabrication de gari – tout l'équipement est fourni par l'OIF, les femmes doivent s'organiser et gérer ensemble. Elles mettent ensemble leurs efforts et partagent les fruits du travail. On a parfaitement compris que le système a besoin, pour évoluer, que la disponibilité du manioc soit plus grande et régulièrement assurée, que les déchets de production donnent lieu à une nouvelle activité, par exemple, l'élevage et l'embouche des porcs au lieu d'être jetés ou cédés à bas-prix aux éleveurs avoisinants, tous problèmes auxquels la CNPF, à défaut de l'OIF va apporter des solutions –
Le deuxième village, Tchi-Ahomadégbé, a révélé trois (3) observations :
dès que vous arrivez, c'est le puits artésien qui vous frappe ! Le Projet benino-allemand a construit à Gbédji, un forage et un château d'eau, le tout couplé d'une motopompe pour la bagatelle de 40 Millions de francs CFA… Le puits artésien de Tchi-Ahomadégbé fournit, lui, de l'eau, spontané-ment, sous une forte pression, 24 heures sur 24 et 365 jours sur 365, depuis 44 ans (1964 !). Aucune Autorité du pays, depuis le Dahomey jusqu'au Bénin, depuis le CARDER jusqu'au MMEH et au MAEP, aucun leader politique du Mono-Couffo, n'a VU tout le bonheur d'un projet à partir du puits artésien de Tchi-Ahomadégbé ! Et de ces puits artésiens, il y en a plein dans tout le Mono-Couffo ! Les populations recueillent pour laver leur linge et pour leurs besoins… l'OIF a initié un projet d'un château qui capte l'eau et la met à disposition à l'aide d'un gros tube arqué… Et c'est saisissant, le spectacle de cette eau qui sort à forte pression et de manière provocante !… L'OIF a assisté les villageois pour installer cinquante deux (52) hectares de riz irrigué… Le Gouvernement, le CARDER, la Banque Mondiale et tous ces " amis " qui nous veulent tellement de bien, n'ont pas vu qu'avec l'installation dans tout le Mono-couffo de canaux de recueillement et d'irrigation de cette eau offerte gratuitement par le Ciel, non seulement le Bénin aurait échappé à toutes les crises alimentaires du monde, mais encore il aurait pu exporter vers l'Etranger ! Ne parlons pas de la SONEB qui a là, l'occasion unique d'installer des distributeurs d'eau dans toute la région… sans avoir besoin de mettre des millions dans un forage préalable ! Le développe-ment a la base, c'est de Paris qu'il vient !
-A Tchi-Ahomadégbé, l'OIF a financé un module de quatre (4) classes, en même temps que le Ministère de l'Enseignement Secondaire a entamé, à moins de 50 mètres, la construction parallèle d'un module identique. L'Equipe du PADL a mis SIX (6) mois pour conclure le projet commencé en 2002, le chantier du Gouvernement est toujours inachevé, à moins de 10% des travaux à réaliser !
-L'OIF a installé, toujours à Tchi-Ahomadégbé, dans l'enceinte du Centre de Santé absolument vide pendant notre passage pour fait de grève du corps médical, un panneau solaire pour recueillir l'énergie solaire nécessaire aux besoins énergétiques du Centre de Santé. Le panneau solaire est tombé en panne, personne ne l'a signalé à personne, et personne n'était en mesure de nous fournir la moindre explication… On nous apprend, en passant, qu'il y a déjà eu plusieurs morts du fait de la fermeture du Centre de Santé… Je reviendrai sur le sujet plus tard !
Deux villages seulement ai-je dit, je ne peux m'empêcher de signaler le cas de Gbédji où les populations boivent l'eau sale du marigot ou des torrents, en un lieu où un projet bénino-allemand a injecté plus de 40 Millions pour installer un forage, une pompe et des bornes-fontaines : tout est fonctionnel depuis plusieurs mois, l'eau est disponible, mais il paraît… qu'on attend l'inauguration avant d'ordonner aux gens d'accéder à l'eau pure et salvatrice.
L'inauguration ! Les jeunes du village ont ouvert les vannes, et ont ordonné aux femmes de venir se servir ! mais tout le monde a peur : ces Intellectuels de l'Administration sont capables de venir installer une panne définitive, par ce que leur amour-propre aurait pris un coup… Nous avons conseillé la modération, Cotonou est loin, et tout le monde, même à Cotonou, n'a pas accès à l'antichambre du Saint des Saints…
Le PADL est un projet dont nous allons fortifier les fondements et le fonctionnement : la CNPF et le Bureau du Sherpa (Représentant Personnel du Président de la République auprès de l'Organisation Internationale de la Francophonie à Paris) en font leur affaire…
Il y avait " les fous du PADL " : mais il y avait également " le fou de Lokossa " ! Le fou de Lokossa, c'est le Docteur Vétérinaire Michel BABADJIDE, totalement inconnu au " sérail du changement ", mon expérience des hommes et des choses me dit que c'est très bien ainsi pour tout le monde, et pour " le Changement ", et pour le Dr Michel BABADJIDE !
Ce " fou " a dit au Préfet du Mono-Couffo, à la veille du 1er Août, que lui n'irait pas au " défilé de l'Indépendance ", mais qu'il sollicitait du Préfet, un espace de DEUX METRES sur DEUX METRES – donc 4m2 ! – sur le trottoir non loin du podium officiel, " pour une exposition "… On le lui accorda avec curiosité, il y installa un grillage cubique, avec à l'intérieur, une poule avec ses 48 poussins ! " L'Indépendance, c'est pouvoir pro-duire des poules avec plus de 40 poussins "… a-t-il écrit sur le panneau. Et c'est l'un des chefs d'œuvre de ce fou de Lokossa qui nous a baladés pendant plus de HUIT (8) HEURES dans " son système " dont on se doute facilement, et on le comprend, qu'il ne soit pas en odeur de sainteté dans " l'establishment du développement rural " !
Etudiant en Russie, il avait décidé qu'à la fin de son cursus universitaire, lui n'entrerait jamais dans la Fonction Publique. Parole tenue : il s'installa dans le Mono, commença par remettre en question toutes les certitudes et les méthodes de la formation reçue, et réadapta progres-sivement les choses, dans le contexte de ses environnements humain, social, anthropologique, biologique, etc… Je n'entrerai point ici dans le détail, les droits d'auteur imposent que dans notre partenariat qui a pratiquement commencé avec les deux repas que nous prîmes avec lui comme dans un pacte sacré, il dévoile chez nous, les quatre modules de la formation qu'il donne aux paysans qu'il encadre dans toute la région autour de Lokossa, et qui nous ont émerveillés par leurs réalisations, à l'image du Maître. C'est une toute autre dimension du développement lorsque vous vous trouvez en face de villageois élevant dans leurs propres entreprises-maisons, plus de trois cents (300) lapins, autant de poulets, des canards… et qui répondent à votre interpellation que même si quelqu'un venait les engager aujourd'hui pour leur donner un salaire de 100.000F CFA par mois, eux n'accepteraient pas ! Le voisin du Dr BABADJIDE, " un Monsieur à la retraite ", a été mordu par la proximité de ce vétérinaire bizarre, il s'est mis à faire un élevage de volailles, poulets, pintades, etc… Il ne vend pas ses produits, mais il n'achète plus de viande ou de poulet pour les repas de sa famille. Il nous a aimablement ouvert le portail de sa maison, quel mer-veilleux spectacle avons-nous vécu là avec ce beau caravansérail…
Le système Babadjidé, c'est l'élaboration de techniques sim-ples basées sur les lois universelles, la Physiologie et le comporte-ment animal pour produire, à partir de dix (10) poules locales, trois cents (300) poules vivants en six (6) mois !
Avec le Docteur BABADJIDE, la formation des villageois, qu'elle soit collective ou individuelle, n'est jamais gratuite : chaque villageois paye sa formation, de même qu'il paye les soins obligatoires, la provende, jusqu'au moment où il pourrait se les fabriquer lui-même : en attendant, le système s'organise pour que les villageois formés ne manquent jamais, ni des produits vétérinaires, ni de la provende…
Nul n'étant prophète chez soi, ce sont les pays étrangers qui profitent du système de formation Babadjidé : la FAO ayant découvert l'homme, ses réalisations, la philosophie et les méthodes de ses interventions, a décidé de l'utiliser comme Consultant : c'est ainsi qu'il va procéder à la formation des villageois OU à la formation des formateurs au Burkina Faso, au Congo, au Gabon, en RDC, etc… il part parfois pour trois (3) mois, parfois cinq (5) mois !…
Oui, Michel BABADJIDE est connu dans son pays, dans le Ministère qui s'occupe des questions de l'élevage ; oui, il est connu dans le CARDER du Mono… Oui parfaitement, il est UNE des réponses vivantes  à la question essentielle que Boni YAYI a posée aux quelques SIX CENTS (600) Cadres du Développement Rural un certain jour qu'il les reçut dans la Salle du Peuple de la Présidence de la République… question à laquelle ils n'ont jamais répondu, se contentant de produire un document inutile où l'on se préoccupe de création de filières et de réalisation de Programmes évalués à près de 600 Milliards de nos francs… La crise alimentaire anachronique et intempestive que nous vivons actuellement, vient aussi de ce que les hommes comme le Dr Michel BABADJIDE – ils sont des milliers dans toutes nos Administrations et dans toutes nos Régions! – ne sont jamais là où les décisions qui sauvent sont prises : c'est toujours les médiocres, la canaille, les corrompus, les ignorants, les analphabètes, qui encrassent les allées du pouvoir et empêchent tout changement de s'opérer pour le bonheur de l'homme…
C'est mon jeune frère et ami, le Professeur Kogblévi AZIADOME, qui, pour l'enregistrement d'une émission à l'ORTB, m'a fait écourter mon séjour à Dogbo, son village natal comme je le découvrirai plus tard, ce que finalement je ne regretterai pas, convaincu que décidément non, il n'y a point de hasard dans nos rencontres, dans nos vies, dans nos actions…
C'est au cours de cet enregistrement que je tombe sur un Jérôme CARLOS absolument défait au plus bas de lui-même… " Le pays Va mal, me confie-t-il… Il faut faire quelque chose ! "… Et je lui raconte avec l'enthousiasme qui m'habite toujours en dépit des turpitudes des hommes de mon pays, l'espérance qui consume " les fous " que je viens de rencontrer dans le Mono-Couffo et qui est la meilleure preuve que nul ne doit baisser la garde !… son rayonnement brusque et son insistance m'ont fait prendre ma plume pour ce partage de bonheur…
Ceux qui font la grève se trompent de combat, de cible, d'adver-saires ; ils organisent la misère du peuple, ils feraient mieux de réfléchir : c'est beau, le Bénin, c'est idyllique !… Ce ne sera jamais la Mauritanie, jamais le Zimbabwé, jamais le Kenya où il a fallu une guerre civile avec plus de mille morts et des milliers de déplacés pour une " simple " élection présidentielle qui n'a même pas abouti ! Ce ne sera même pas le Sénégal où des journalistes sont tabassés en plein stade au cours d'un reportage, et où des locaux de journaux privés sont saccagés par de gros bras venus on ne sait d'où… La liberté ? Bien sûr : toute VRAIE liberté implique des responsabilités. Et puis, il y a une hiérarchie des libertés : la liberté pour les syndicats de faire la grève doit-elle induire pour les populations innocentes, la fatalité de mourir, faute de soins, pour des citoyens du même pays ? Il y a dans l'air quelque part, du non-assistance à personnes en danger ! Et je ne dis que ça. Le cynisme qui consiste à " cesser le travail " trois (3) jours de la semaine, à faire semblant d'aller au boulot le lundi et le vendredi, et à laisser moisir dans les commissariats ou dans des prisons engorgées, des citoyens dont tous ne méritent peut-être pas une privation de liberté… faire tout cela et aller tendre la main à la fin du mois pour EXIGER un salaire complet, même celui des jours de grève ! Il y a quelque chose de totalement pourri et de puant dans nos mœurs !…
Il nous faut sortir définitivement de ce système de mensonge, d'escroquerie morale et intellectuelle, pour devenir des hommes libres, responsables et respectables… si nous en sommes encore capables… L'excellent petit livre de l'Abbé Rodrigue Gbédjinou, " Le Changement, Idéologie ou Réalité ", mériterait d'être lu, analysé, intériorisé par la plupart de nos Compatriotes de tous bords, de toutes conditions, mais singulièrement par ceux qui nourrissent l'ambition de jouer un rôle dans la société et de compter. " Cet essai politique " comme il le désigne lui-même, va chercher dans des profondeurs insoupçonnées, mais absolument évidentes, les racines de nos éventuelles résistances au vrai Changement : et les résistances au Changement, ce n'est pas seulement à l'Assemblée Nationale et dans les Administrations corrompues, fainéantes, antidévelop-pement, mais c'est aussi dans les Ministères ou dans des lieux insoupçon-nables. Une Société, un Système, un Régime où des hommes des profils technique, moral, éthique de Jérôme Dandjinou peuvent être facilement limogés de grandes et hautes fonctions requérrant le Changement… Oui, il y a problème !… Tout cela interpelle nos consciences de Patriotes !…

Par Adrien AHANHANZO Glèlè Ingénieur Agronome
22 Août 2008

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