De grandes révélations sur la persistance de la crise énergétique
Une importante rencontre sur la crise énergétique qui persiste toujours au Bénin a eu lieu vendredi dernier entre le ministre des mines, de l’énergie et de l’eau, Sacca Lafia et plusieurs représentants d’associations de consommateurs et d’organisations syndicales. Les efforts consentis par l’Etat, les problèmes qui demeurent, la nécessité d’appliquer la vérité des prix, sont parmi les nombreux points abordés. C’était au Centre national des chargeurs du Bénin.
Ils étaient venus de plusieurs associations de consommateurs d’électricité et d’eau, et de bien d’autres organisations de défense des consommateurs. La rencontre a été également élargie à des organisations de la société civile et des centrales syndicales. Le ministère des mines, de l’énergie et de l’eau répond ainsi à un vœu longtemps exprimé par ces partenaires sociaux face à la persistance de la crise énergétique. Beaucoup de cadres techniques et divers responsables en charge de l’ électricité et de l’eau du Bénin ont également pris part à cette rencontre qui a permis de faire le diagnostic des problèmes qui minent ces deux secteurs et de présenter les solutions envisagées pour mieux faire face à l’avenir.
« Il y a trop de plaintes qui méritent aujourd’hui d’être élucidées au niveau des secteurs eau et électricité dans le pays. Mais, il n’est jamais trop tard pour mieux faire. Nous devons nouer ici le fil de dialogue qui nous permettra de mieux nous entendre désormais ». Le ministre Sacca Lafia poursuivra, son mot introductif, en faisant remarquer que la crise énergétique que traverse le Bénin depuis plus de deux ans déjà, affecte non seulement le bien être social des citoyens, mais agit négativement aussi sur le secteur économique local. Une « réalité douloureuse » selon lui, avec laquelle il faudra composer en agissant ensemble.
Tout a commencé en Avril 2006….
C’est depuis Avril 2006, que des pays de la sous région ( Ghana, Côte d’Ivoire et le Nigéria) font face à un fort déficit de production d’énergie électrique alors qu’ils sont fournisseurs d’énergie de la Ceb ( Communauté électrique du Bénin), qui à son tour la met à la disposition du Bénin et du Togo. Rappelant ainsi l’origine de la crise énergétique au Bénin, le Directeur commercial de la Société Béninoise d’énergie électrique ( Sbee), Mr Jean Paul Ahoyo, indiquera à l’assistance que la société s’est alors retrouvée dans l’obligation d’augmenter sa production d’énergie électrique d’origine thermique. Ceci, pour assurer la continuité de la fourniture d’électricité à ses clients situés dans la zone interconnectée, par la location de groupes électrogènes d’une capacité de 50Mw. A le croire, la part de la production thermique dans la quantité totale vendue, est passée, pour ce faire, de 13% en 2005 à 29 % en 2008. Les difficultés ne se sont pas pour autant amoindries, le Bénin ne disposant pas d’une autonomie énergétique capable de relayer les difficultés d’approvisionnement de la Ceb. Par ailleurs, les livraisons de cette dernière, en cas de déficit sont fluctuantes ( 70, 50 voire 20 Mw) , ce qui induit des difficultés de la Sbee à planifier le délestage. Citant quelques cas majeurs, Mr Jean Paul Ahoyo indiquera à l’assistance que pour une demande de 120 Mw à la pointe du réseau interconnecté, la Sbee, malgré les efforts du gouvernement, ne dispose que d’une capacité propre de 50 Mw.
Des efforts consentis, mais……
L’Etat Béninois n’est pas resté les bras croisés face à cette crise énergétique qui perdure. De nombreux efforts ont été consentis depuis son début en 2006. Entre autres, l’accélération de l’interconnexion avec le Nigéria mise en service en février 2007, des contrats de location des groupes électrogènes dont les capacités varient entre 20 et 50 Mw ; mise à disposition des ressources par le gouvernement pour la réhabilitation de la centrale thermique d’Akpakpa pour environ 4, 2 milliards Fcfa ; ,la contribution mensuelle de l’Etat de 820 millions de Fcfa pour l’achat de combustible. La liste des mesures prises par le gouvernement pour soutenir la Sbee dans cette crise, est longue, selon le Directeur commercial, qui précise au passage que le Kwh revient à 122 Fcfa à la société alors qu’elle continue de le céder aux consommateurs à 80 Fcfa.
On annonce par ailleurs que de bonnes perspectives se profilent à l’horizon. L’Etat finance actuellement la construction d’une centrale à gaz dual de 80 Mw. Sauf imprévus, les 20 premiers Mw sont attendus pour fin février 2009 et les 80 Mw restants pour octobre 2009. Mieux encore, la Cedeao prévoit pour 2012 la construction d’une centrale de 400 Mw. Il n’en sera pas moins pour l’interconnexion Nord-Togo Nord-Bénin dont la mise en service d’ici quelques mois viendra réduire la production thermique dans le pays. La mise en œuvre des centrales biocarburant et d’autres sources d’énergie y contribuera également, espèrent les responsables de la Sbee. « Notre trésorerie est mise à mal avec l’approvisionnement des différentes centrale thermiques en produits pétroliers pour faire face à la crise énergétique » révèlent-ils. Comme exemple, le Directeur commercial signale que de janvier 2008 à juillet 2008, la Sbee a investi dans l’achat de combustibles 16 milliards de Fcfa dont 12 milliards sur ses ressources propres et 4 milliards à titre de subventions.
Quant aux problèmes commerciaux, objet de vifs reproches de la part de la clientèle, le Directeur commercial de la Sbee évoque quelques raisons. C’est ainsi, qu’il affirme , entre autres, que les prestations non exécutées suivant le délai imparti, sont essentiellement liées aux ruptures fréquentes du stock de matériels. A fin 2006, laisse-t-il entendre, il n’y avait aucun compteur monophasé dans les magasins de la société. De même, la diversité des matériels qui entrent en ligne de compte dans l’exécution des travaux exigent une multitude de commandes à plusieurs fabricants ou fournisseurs avec les délais y afférents. Aussi, la procédure de passation des marchés assez complexe induirait des délais d’approvisionnement assez longs.
Pratiquer la vérité des prix
Sous l’effet de la flambée des prix des combustibles, le coût de revien moyen du Kwh d’électricité distribuée par la Sbee est passé de 88, 49 Fcfa en 2002 à 103, 52 Fcfa en 2007 et à 122 Fcfa en 2008. Pendant ce temps, le tarif moyen est demeuré inchangé et est resté à 80, 68 Fcfa. La conséquence en est que chaque Kwh d’électricité vendu a généré une perte de 22, 84 Fcfa. 2008, la perte par Kwh vendu est passée à, 41, 32 Fcfa. Par ailleurs , malgré la subvention de 10, 8 milliards reçue de l’Etat , l’exercice 2007 s’est soldé par un résultat déficitaire de 4, 3 milliards contre un déficit de 12, 3 milliards en 2006. « N’eut été cette subvention, la Sbee aurait enregistré un déficit de 15,2 milliards en 2007 » affirme le Directeur commercial. Aujourd’hui, en raison de l’augmentation continue du prix du pétrole et de la baisse continue de l’énergie fournie par la Ceb qui oblige la Sbee à produire davantage, les subventions accordées par l’Etat pour soutenir l’entreprise deviennent de plus en plus insuffisantes. D’où la nécessité d’appliquer désormais la vérité des prix, selon la direction commerciale, étant entendu que la crise énergétique n’est plus conjoncturelle ; elle tend à devenir structurelle. Pour elle, il conviendrait alors de préconiser une solution durable consistant à procéder à un réajustement des tarifs à l’adoption de l’indexation tarifaire.
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