Un noir au soleil
Il y a déjà plus de cinquante ans que l’un des leaders des Black Panthers, Eldrige CLEAVER, a écrit sa célèbre autobiographie : Un Noir à l’ombre.
Il dénonçait dans ce livre l’injustice absurde des manifestations de la discrimination raciale dans ce pays qui se veut pourtant l’archétype de la démocratie moderne. Cette contradiction scandaleuse entre les idéaux des Pères fondateurs des Etats-Unis et les séquelles de l’esclavage et de la ségrégation raciale, a conduit le sociologue suédois Gunnar MIRDAL à écrire Un american dilemma. Eh bien ! Ce mardi 4 novembre 2008, l’Amérique a eu le courage de donner au monde la plus importante concrétisation de toutes ces professions de foi qui depuis la Révolution française de 1789, et surtout depuis la création des Nation Unies, faisaient des droits de l’homme une exigence de l’humanité. Les hommes naissent libres et égaux. Aucune discrimination fondée sur la race, le sexe ou la religion, ne doit empêcher un citoyen de monter dans l’échelle sociale, s’il fait montre des compétences nécessaires.
Le monde entier s’est passionné pour la dernière élection présidentielle américaine ; parce qu’elle est porteuse d’une grande révolution, une épopée historique que seule l’Amérique avec son sens de la démesure, est capable de mener lors donc qu’elle a permis à un "Noir", d’origine africaine de surcroît, d’accèder à la présidence de l’Etat le plus puissant du monde. Ce faisant, elle est en train de guérir l’espèce humaine d’un des symptômes les plus rémanents de sa névrose : la peur de l’autre et l’enfermement sur soi, en érigeant des barrières factices supposées protéger contre cet autre, perçu toujours comme le barbare, le prédateur des temps préhistoriques. L’une de ces barrières qui a la vie dure, est l’apparence physique. Ne soyons pas naïfs. Le racisme ne disparaîtra pas comme par magie de la société américaine ; mais le cancer raciste sera vu désormais comme une maladie honteuse qui ne ronge encore qu’une minorité de névrosés chroniques accrochés, faute d’une autre voie vers l’épanouissement personnel, à la suprématie de la race blanche.
Toute révolution (et l’élection de Barack OBAMA comme le 44ème Président des Etats-Unis en est une) est la rencontre d’un destin personnel et des conditions socio-anthropologiques favorables. En effet, les Etats-Unis sont devenus depuis bien longtemps, même si certains s’accrochent toujours au schéma binaire Blanc-Noir, une nation fortement métissée où les Blancs soi-disant "purs" sont rares. Pour vous en convaincre, regardez les yeux bridés de Joe BIDEN et même ceux de George BUSH, de Michelle OBAMA et d’autres Blancs ou Noirs. John McCAIN avec son teint hâlé, est-il un Blanc " pur" ?
Toutes les nations américaines, du nord au sud, sont fortement métissées par des croisements séculaires d’apports caucasoïdes, négroïdes et mongoloïdes. Ce n’est pas comme la vielle Europe qui aura déjà beaucoup fait lorsque dans un pays comme la France, avec ses milliers de français de souche, un métèque, fils d’un immigrant hongrois certes, mais avant tout "blanc", est devenu Président de la République. La notion de race est devenue une absurdité, surtout dans un pays aussi métissé que les Etats-Unis. Cependant, il y a toujours chez ces descendants de négriers, la peur subconsciente que les "Coloured people" instaurent à leur tour leur suprématie et fassent subir aux « Blancs » ce que ces derniers leur avaient fait subir pendant l’esclavage et pendant les périodes maudites de la ségrégation raciale. C’est pourquoi, il y aurait été très difficile à un afro-américain descendant d’esclave, comme le pasteur Jesse JACKSON tout aussi charismatique et brillant, de réaliser l’exploit de Barack OBAMA. Par ses origines africaines récentes, son éducation auprès de sa mère et de ses grands-parents blancs, il n’a pas du tout été « déformé » par le complexe du dominé qui habite d’une manière ou d’une autre tout afro-américain descendant d’esclave.
En disant qu’il s’agit pour le Tiers-monde de recommencer une autre histoire de l’humanité, Frantz FANON ne se doutait pas qu’il s’adressait surtout à l’Afrique. C’est donc plus qu’un symbole que ce soit un métis de père africain du Kenya et de mère blanche du Kansas, qui porte désormais l’étendard de la révolution post-raciale et de la vraie réconciliation historique entre les Blancs, Noirs, Hispaniques et Asiatiques des Etats-Unis !
Enfin, avec le nouveau Président, l’Amérique est en passe de reconquérir les sentiments positifs que le monde entier et surtout l’Afrique fraîchement sortie de la décolonisation, nourrissaient à son égard sous la présidence de John FITZGERALD KENNEDY ; avant que la guerre du Viêt-Nam et d’autres expéditions militaires lui donnassent l’image d’une république impériale et le symbole de l’impérialisme international. L’Afrique se félicite de contribuer au façonnement de cette nouvelle image de l’Amérique.
Par Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC
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