Chronique parlement

/food/assembleenationale.jpg » hspace= »6″ alt= » » title= » »  » /> Une majorité parlementaire introuvable
Les spécialistes des questions politiques (j’ai particulièrement en tête un collègue surdoué devenu récemment ministre), conseillers du Chef de l’Etat, étaient passés à côté de la plaque. Ils lui ont fait louper l’objectif principal qu’il visait en procédant à ce difficile remaniement ministériel

: la conquête de la majorité parlementaire. C’est dire que la stratégie qu’on lui a conseillé d’adopter était mauvaise, n’ayons pas peur des mots.  Il était politiquement incorrect de chercher visiblement à débaucher des députés, contactés individuellement, en dehors des partis auxquels ils appartiennent. Il eût fallu au contraire des accords politiques en bonne et due forme avec les dits partis politiques. Ne  me rétorquez surtout pas que ces partis politiques ont refusé l’offre à eux faite de se joindre à la mouvance présidentielle ; ils ne demandent que ça : participer pleinement à l’exercice du pouvoir d’Etat !

Eh oui ! Nous y voilà. Ce sont les Africains qui ont inventé le concept  de mouvance présidentielle, parce que celui de majorité présidentielle était ambigu. En effet, s’agit-il de majorité parlementaire favorable au Président de la République, ou plus précisément au Chef du gouvernement ? Dans ce cas, nous sommes censés être dans un régime parlementaire ou semi-présidentiel, type de régime adopté au Congo, au Niger et surtout chez le voisin togolais. Au Bénin, après une longue controverse  qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, nous avons opté finalement pour un régime présidentiel fort où le Président de la République, Chef de l’Etat, est totalement Chef du gouvernement, et ne bénéficie même pas de l’aide d’un Premier ministre. Il s’agit en outre d’un régime de stricte séparation des pouvoirs. Dès lors, pourquoi courir coûte que coûte après une majorité parlementaire ? Ne suffit-il pas au contraire d’avoir une mouvance présidentielle qui regroupe la majorité des forces politiques ? Cela suppose évidemment, et nos spécialistes en stratégies politiques le savent, des accords politiques concrétisés surtout par des accords de gouvernement en bonne et due forme, eux-mêmes sanctionnés par un programme d’action gouvernementale commun ! Or, notre culture politique dans l’ensemble, ne voit guère la nécessité de tels accords depuis l’avènement du Renouveau démocratique. On a toujours couru après de vaines majorités parlementaires ; comme si le fait d’avoir été élu député vous confère automatiquement et pour toujours un poids politique supérieur à celui d’autres acteurs politiques. Aux origines de la démocratie moderne, avant tout parlementaire, il s’agissait d’avoir la mainmise sur ces notables locaux très souvent réélus lors des joutes électorales. En vérité, dans un régime de séparation des pouvoirs comme le nôtre où personne ne se déclare de l’opposition, et où tous les partis politiques sont censés être de la mouvance présidentielle, on n’a guère besoin de s’éreinter à conquérir une majorité parlementaire. Il appartient au contraire au Président de l’Assemblée Nationale, deuxième personnage de l’Etat, de savoir maintenir par son art et son flair politiques la majorité parlementaire qui l’a hissé au perchoir ! Le Président de la République ne devrait en principe par se «  biler » pour les déboires du Président de l’Assemblée Nationale qui soit dit en passant, est assez grand, politiquement parlant, pour savoir se sortir seul d’affaire.

Nous avons connu dans ce pays plusieurs périodes où la majorité parlementaire constituée pour soi-disant soutenir l’action du Chef de l’Etat,  a volé en éclats. Ce fut le cas de 1993 à 1995 sous le Président Nicéphore SOGLO où le groupe parlementaire Le Renouveau a fini par disparaître. De 1996 à 2003, le régime de KEREKOU ne bénéficiait pas de franches majorités parlementaires ; surtout en 1999 où une forte majorité dominée  par l’opposition, contrôlait tous les organes de décision de l’Assemblée Nationale. Pourtant, cela n’avait pas constitué un handicap pour la réélection du Général Mathieu KEREKOU en 2001. Aussi n’était-ce pas parce qu’il avait perdu la majorité parlementaire de 1993 à 1995, que le Président SOGLO avait perdu le pouvoir en 1996, mais faute de la consolidation de sa majorité politique lors donc que 65 % des électeurs étaient encore favorables à son régime, même si leurs représentants à l’Assemblée Nationale avaient cessé de le soutenir.

Aux Etats-Unis, il arrive que la majorité au Congrès et le Président soient issus du même parti. Ce fut notamment le cas avec John F. KENNDY ; ce sera la même chose avec Barack OBAMA. Mais ce n’est pas l’éventualité la plus souhaitable pour la vitalité de la démocratie américaine. Dans un régime présidentiel, une majorité parlementaire non automatiquement acquise au Chef de l’Etat, est au contraire ce que tous les vrais démocrates doivent souhaiter.    
Par Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC

 

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