Opposant déclaré, fou décompensé ?
Dans l’ex-Union Soviétique et les pays du Bloc communiste en général, l’Etat est l’Etat du peuple tout entier. Tout citoyen fait donc partie de cet Etat. Le citoyen dissident qui s’oppose à l’Etat du peuple, ne peut souffrir que d’un désordre mental et traité (au sens propre et au sens figuré) comme tel.
De la même façon, la notion d’opposition s’insère mal dans les logiques culturelles prégnantes dans les nations de l’Afrique Subsaharienne ; à cause des facteurs déterminants d’essence monarchique qui caractérisent les dynamiques socio-politiques dans les royaumes africains de l’ère précoloniale. Non mais, des fois ! Peut-on imaginer un opposant au "Dada" dans l’ancien royaume du Danhomê ?
Aux lendemains des indépendances de 1960, tous les africanistes et autres spécialistes des réalités socio-anthropologiques des sociétés africaines, ne nous conseillaient ni plus moins que de nous atteler à réunir toutes les forces vives de la nation autour d’un seul objectif : la lutte contre le sous-développement. D’où la généralisation du parti unique, censé assurer la stabilité politique, la cohésion nationale et le développement économique, grâce à la mobilisation des énergies et des ressources. Le Dahomey indépendant ne fut pas du reste.
Le 28 octobre 1960, l’UDD déposa une motion de censure contre le gouvernement provisoire de Hubert Koutoukou MAGA, motion qui échoua quand les députés PND (PRD et PPD/PFA) et bien sûr RDD, s’abstinrent de la voter. Tirant les conclusions de cet échec, les ministres UDD remirent leur démission au Chef du Gouvernement qui le jour même forma une nouvelle équipe PND-RDD. En même temps, se développa une violente campagne pour le parti unique, même au sein de l’UDD ! Tout le pays en effet, après le tumulte politique qui a failli le conduire à la guerre civile, voulait le parti unique dont on pensait qu’il était la seule panacée après la fièvre régionaliste que le pays venait de vivre. C’est dans ces conditions que naquit le Parti Dahoméen de l’Unité (PDU), d’où le coriace Justin AHOMADEGBE-TOMETIN était évidemment exclu. Aussi, dans le cadre de la constitution du 22 novembre 1960, opta-t-on résolument pour un régime présidentiel fort. Les élections législatives du 11 décembre 1960 basées sur le mode de scrutin majoritaire de liste nationale, consacraient la victoire exclusive du PDU qui pouvait ainsi rafler tous les sièges de députés !
Comment dans ces conditions, pouvons-nous penser, dans un laps de temps d’à peine 30 ans, que nous avons totalement changé au point de croire que nous pouvons copier la démocratie libérale et sa règle sacro-sainte de l’alternance au pouvoir entre une mouvance et une opposition ? Notre Renouveau démocratique, né de cet événement fondateur qu’est la Conférence Nationale qui insistait sur la vertu du consensus, portait en lui les germes d’une ambiguïté dont la première et vraie victime est Andoche AMEGNISSE, ce naïf qui a cru que nous sommes dans une démocratie libérale, et où on peut fabriquer impunément des poupées vaudou à l’effigie du Chef de l’Etat. Oh non ! Comment un périodique dans un régime présidentialiste comme le nôtre, peut-il oser provoquer le "Monarque" en portant comme titre TSYB2001 ? Mais voyons ! Quel est le citoyen qui au nom de la liberté de pensée, prendra-t-il la défense du porte-parole des "Laissés pour compte" ? Lui aussi ! J’entends la plupart de mes concitoyens gloser sur l’impertinent dont certains douteraient même de la santé mentale, pour avoir fait montre de ce curieux masochisme qui n’a rien à avoir avec l’expression des idées politiques. Nous ne sommes pas encore en campagne, que diable !
Cependant, connaissant bien mon ami Andoche AMEGNISSE depuis le temps révolu où nous partagions la même admiration pour Nicéphore SOGLO, j’oserais dire que son acte, trop durement sanctionné soit dit en passant, pose un vrai problème : la forme verbale et scripturale que doit prendre une "véritable" opposition dans un pays où personne ne veut être taxé d’opposant ; comme si c’est une tare honteuse.
A ce niveau, référons-nous à ces deux figures centrales de notre vie politique. Ces deux hommes ne se ressemblent pas du tout, n’ont pas le même tempérament, ni le même parcours professionnel ; mais Albert TEVOEDJRE et Nicéphore SOGLO séduisent par la fermeté de leurs convictions éthiques. Evidemment, ils ont été loin dans leur opposition ouverte aux régimes en place, de 1991 à 1996 pour l’un, de 1996 à 2006 pour l’autre. Or, la grenouille qui veut devenir aussi grosse que le bœuf finit par éclater ; Andoche AMEGNISSE est loin d’avoir la cuirasse d’un dur à cuire comme le Renard de Djrègbè ou le charisme tranquille de Nicéphore SOGLO.
Par Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC