Aveu d'échec
Ce qui ne paraissait que simple rumeur est devenu réalité : la visite du président Yayi en Côte d'Ivoire et certainement au Gabon(les dépêches l'ont aussi confirmé) n'avait pour but que de solliciter la médiation de ses pairs dans la résolution de la crise politique au Bénin.
Ainsi l'ont révélé les députés dits du G13 au cours de leur conférence de presse de vendredi dernier. Un cinglant camouflet au ministre porte parole du gouvernement qui laissait plutôt entendre presque au même moment qu'il ne s'agissait que d'une simple rencontre de routine entre chefs d'Etat de la même sous région .(Pourquoi les ministres porte parole du gouvernement depuis l'inénarrable Gaston Zossou se croient toujours obligés de tordre le cou à la vérité , une vérité qui finit toujours par éclater tôt ou tard ?). Au-delà de la question de l'opportunité d'une telle médiation, c'est l'amateurisme qui caractérise la gestion des affaires publiques depuis avril 2006 qui vient d'être mis à nu. Car, en plus de la publicité gratuite offerte à l'intérieur du pays à un groupe de députés qui ne forment même pas un parti, le président vient de leur offrir sur un plateau d'or la reconnaissance internationale de leur " combat ".
En quoi les problèmes qui se posent au sein de la classe politique béninoise sont-ils si insolubles qu'on ait besoin de recourir à des médiateurs étrangers ? De quel temps dispose Laurent Gbagbo empêtré dans l'interminable conflit ivoirien pour régler un problème de partage de pouvoir au Bénin, sauf à dire qu'il ne faut pas laisser allumer un autre foyer de tension dans la sous région ?Veut- on l'expliquer par la proximité idéologique entre lui et un des ténors du G4 ? Mais alors, en quoi Laurent Gbagbo qui n'a de la classe politique béninoise et de ses querelles qu'une connaissance approximative , peut-il influer sur le cours des choses dans notre pays et de quel droit peut-il obliger tel ou tel leader politique plus ou moins proche de lui à composer avec un pouvoir qui ne sait pas dialoguer avec son opposition ? S'agit-il de demander à Bongo que l'on sait au cœur de la Françafrique de ne pas soutenir des opposants qui pourraient compromettre la réélection annoncée en 2011, si on ne lui donne pas des gages qu'on est mieux en matière d'allégeance que ceux que l'on décrie ? Le président en s'engageant sur la voie scabreuse de la médiation extérieure se rend-il compte de l'énorme gâchis de temps, de moyens de l'Etat que demande une médiation en terme d'aller et retour dans les pays de médiation, un temps qui va inéluctablement s'ajouter au temps gaspillé dans les joutes oratoires sans fin au parlement et les débats byzantins sur le sexe des anges?
Il ressort de ce qui précède que le choix de notre président pour une médiation extérieure est un double aveu d'échec. L'échec tout court d'une politique d'ouverture en trompe l'œil qui a débouché sur un gouvernement à effectif pléthorique. Du jamais vu depuis le renouveau démocratique et même depuis l'indépendance nominale de 1960 ! Où est donc passé Albert Tévoédjrè le pourfendeur n°1 du régime Soglo qui a dénoncé avec une rare virulence " le gouvernement pléthorique de 22 membres " de Nicéphore Soglo, au sortir des législatives de 1995 ? On voit bien que le remaniement ministériel opéré dans le but de mettre fin à la crise qui secoue le landerneau politique n 'a rien réglé. Au contraire ! Le parlement est toujours bloqué et la majorité n'a semble-t-il pas changé de camp. Mais l'échec le plus retentissant concerne le mode de gestion du pouvoir de Yayi. Voici un président qui est venu au pouvoir avec le slogan du changement que le peuple a perçu comme la volonté de mettre fin à la gabegie et à la corruption généralisée incarnée par des gens connus de tous. En deux ans et demi de gestion du pouvoir, on n'a pas vu grand-chose , en dehors de la marche présidentielle contre la corruption . Tout se passe comme avant : on prend les mêmes qui ont failli et l'on recommence avec les mêmes pratiques ! Aujourd'hui, non seulement ces gens autrefois décriés sont devenus des héros , parce que mis en accusation sur des bases farfelues, mais ils sont devenus quasi incontournables. Et Yayi a réussi le tour de force de les unir tous et de liguer toute la classe politique ou presque contre sa personne. Du jamais vu depuis le régime Soglo ! L'histoire se répète encore une fois dans notre pays. Et nous en sommes encore là, à parler de rassemblement , de politique de non exclusion , comme si le problème dans notre pays était essentiellement celui du partage du gâteau entre les mêmes , par les mêmes et pour les mêmes .
Vincent FOLY
Laisser un commentaire