Droits de l’homme en Afrique

L’état des lieux
Au lendemain des indépendances, la préoccupation des dirigeants africains n’englobait pas les droits de l’homme et les libertés fondamentales qui, à vrai dire, sont actuellement au cœur de l’organisation de la société. C’est précisément après 1990, sous la pression d’événements significatifs que ces droits et libertés sont apparus sur le continent africain…
(…)et ailleurs à tel point que Georges Bush père à eu à dire : « The wind of freedom is blowing all over the world ». La plupart des réformes constitutionnelles en Afrique ont théoriquement tenu compte de ce phénomène qui, malheureusement n’a pas pris corps sur le terrain, avec les conséquences évidentes auxquelles on devrait raisonnablement s’attendre.

C’est un laxisme dont les raisons ne relèvent pas de l’affabulation. La première que je qualifie de capitale est à situer au niveau national, plus précisément dans la conception pervertie que beaucoup de chefs d’Etat africains ont du pouvoir. Celui-ci n’est presque jamais conçu comme un moyen privilégié d’œuvrer pour l’épanouissement intégral du peuple, de ce peuple qui investit les dirigeants d’une mission sacrée par la voie des urnes. Le pouvoir s’apparente banalement à un moyen d’enrichissement, à une affaire personnelle, familiale, clanique, ethnique, une propriété rigoureusement privée qu’il faut conserver mordicus, au point de reléguer à l’arrière plan le bonheur légitime du peuple. Point n’est besoin d’énumérer les méthodes mises en œuvre qui créent de toute évidence des situations intenables, faites de violations massives et itératives des droits de l’être humain. Ce que l’on appelle liberté tout court disparaît complètement et souvent avec la complicité de certains intellectuels que je me garde de qualifier de tarés, mais qui tout de même donnent l’impression, l’affreuse impression d’avoir usé inutilement le fond de leurs culottes ou de leurs pantalons sur les bancs des facultés. Dans un tel système, l’armée, la gendarmerie et la police perdent leur caractère républicain pour devenir en fait des forces de destruction massive.

Je trouve fastidieux d’aligner des noms de pays. Chacun voit et sait parfaitement ce qui se passe sur le continent africain dans le domaine des droits de l’homme. Chacun voit et sait ce qui constitue l’antinomie de la raison sur notre continent qui regorge de richesses.

La deuxième raison de ce désastre ignoble, réside dans le fait que la communauté internationale n’assume pas ses responsabilités. Il m’est loisible de dire, sans crainte d’être démenti, que l’Union Africaine ne parvient pas à résoudre les problèmes gravissimes de droits de l’homme de façon satisfaisante et que tout chef d’Etat qui se rend coupable de graves exactions fait preuve d’irresponsabilité inacceptable, alors qu’il a la responsabilité de protéger. On passe plus de temps à exhorter au dialogue, à la retenue qu’à trouver une solution adéquate. On n’ose pas agir vite et bien, par crainte d’entamer les principes de souveraineté et de compétence nationale. Je dis souvent et je dirai toujours avec force que la souveraineté de l’Etat n’est pas et ne saurait être opposable aux droits de l’homme. Par ailleurs, une solidarité malsaine surgit « pointe son nez », – que l’on me permette l’expression entre guillemets – lorsque par la force des choses le chef d’Etat violateur se trouve sur le banc des accusés au niveau international. S’agissant du Zimbabwé, là je sors de ma retenue. Je trouve anormal qu’un pays membre non permanent du Conseil de Sécurité, se soit évertué tout récemment à faire barrage à une simple déclaration de condamnation de la politique délibérée de misère, de mépris de la dignité humaine pratiquée par le parti au pouvoir. Ce pays à mon sens, ne rend aucun service au peuple zimbabwéen qui croupit dans le paupérisme, qui manque de liberté depuis bien longtemps. Il y a bien d’autres cas de soutien aberrant, alors que pendant que ces chefs d’Etat piétinent les droits de l’homme, on ne fait presque rien pour les ramener sur le droit chemin.

Pour que les droits de l’homme soient respectés sur tout le continent africain, pour qu’ils aient un avenir, il importe que s’opère un changement radical à travers l’éducation, mais aussi et surtout en faisant de la lutte contre l’impunité une préoccupation de taille. J’affirme sans hésitation que tout chef d’Etat, coupable de violations ignobles des droits de l’homme doit être poursuivi au pénal, parce qu’il aura fait preuve d’irresponsabilité patente, en dépit de sa responsabilité de protéger. Ne pas punir, c’est entretenir un engouement certain pour le mépris de la dignité humaine. Il faut reconnaître que l’Union Africaine devra changer de politique à l’égard de ses membres pour ce qui est du respect des droits de l’homme, et que des pays comme le Bénin, le Mali, le Sénégal, le Ghana pour ne citer qu’eux ne posent pas de problèmes en la matière. Il est grand temps qu’à l’instar de l’Union Européenne, elle amène les Etats du continent à se persuader que les droits de l’homme constituent un domaine sacré à l’abri du chantage et du marchandage.

Le soixantième anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme vient d’être célébré. Malgré quelques avancées, de gros efforts sont requis pour protéger avec beaucoup plus d’efficacité et d’efficience la dignité humaine  sur le Continent Africain.
Réflexion de Jean-Baptiste Gnonhoué
Président de la Coalition Béninoise pour la Cour Pénale Internationale

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