Le député Eric Houndété

E. Houndete « La Cour constitutionnelle est une source permanente d’inquiétude pour les Béninois »
Pour analyser les grands faits de l’actualité de la semaine écoulée, l’honorable Eric Houndété s’est prêté volontiers à nos questions. Il estime que l’ajournement de l’étude de la loi organique modificative sur la Haac viole l’article 35 du règlement intérieur du parlement, la Cour constitutionnelle inquiète au vu de ses décisions et que la Lépi doit se faire le plus rapidement possible. La Haute cour de la justice et le découpage territorial complètent la liste les sujets abordés avec le député Houndété. 

N.B. Cette interview a été réalisée le samedi 24 janvier dernier avant le passage de l’intéressé sur une chaîne de télévision le lendemain. Nous le publions ce jour pour des raisons inhérente à l’édition.

Lnt: Les députés viennent d’ajourner l’étude de la loi organique  modificative de la Haac. Dites- nous  honorable ce que cache réellement  cet ajournement.
Eric Houndété : Je ne suis pas  capable de vous dire ce que cet ajournement  cache. Ce que je peux  vous dire, c’est ce  que nous, nous    voulions  que la Haac  assure un certain  équilibre afin que les prescriptions  constitutionnelles qui sont les siennes  soient assurées .Assurer l’accès  de tous les citoyens,de toutes les institutions ,des  partis politiques,des associations et des divers  groupes qui s’organisent dans le cadre  de l’ action politique,que toutes ces personnes-là aient un accès équitable aux médias d’ Etat et que le fonctionnement des médias privés soit régulé de manière à ce que l’harmonie nationale ,le cohésion nationale soient maintenues. C’est  ce  que  la constitution a voulu en instituant la Haac .Il faut une  loi organique qui définisse  la composition de la Haac. L’ancienne loi prévoit  que  le Chef de l’Etat désigne 3 personnes, le bureau du parlement  désigne 3 personnes et les professionnels  des  médias désignent 3 personnes. Chacun de vous sait que quand on parle du Chef de l’Etat, ce n’est pas une entité apolitique. C’est une entité politique qui a ses appendices  au parlement. Donc  si nous voulons  un équilibre, c’est faire en sorte que le Chef de l’Etat et ses appendices au parlement  constituent une entité  pendant que ceux qui ne sont pas d’ accord avec lui sur la manière  dont il gouverne constituent aussi une entité. Si vous vous retrouvez dans les conditions comme celles de la  Cour constitutionnelle, nous avons aujourd’hui  une cour qui est désignée par une même sensibilité politique, 100% Fcbe : Comment voulez-vous  qu’on accepte que la Haac soit aussi Fcbe. Même si on va au-delà de Fcbe, lorsque ce sera d’autres, même si  c’était nous, il n’est pas  normal qu’une entité gouverne et caporalise le contrôle total de l’institution. L’idée de l’équilibre que le constituant a recherché ne peut  pas être préservée. C’est ça le sens de notre combat. Puisque  nous avons  affaire à un régime qui  veut avoir, tout et tout  pour lui seul, quand il  aura fini  de prendre les 3 que le président aurait désigné,il s’arrange, comme le bureau du parlement  est contrôlé  par lui, pour  prendre les 3 de l’ Assemblée,et puis il achètera les 3  professionnels puisque vous vous laissez vendre souvent. La Haac sera donc à 100% Fcbe. Il y a à souhaiter que ça se passe autrement. Cette loi a été déposée depuis plus de  six mois. On a refusé d’agir là –dessus. La cour constitutionnelle a dit que ce n’est pas possible. Et ce n’est que maintenant qu’une autre loi a été introduite. Puisqu’on ne veut pas qu’il  y ait changement, on a cherché un alibi pour demander un ajournement en espérant peut-être qu’elle  ne sera plus  jamais examinée. J’espère que le président de l’Assemblée nationale ainsi que les forces politiques ne laisseront  pas impunie ou non corrigée cette situation.

Vos alliés  ont pourtant joué un rôle important dans cet ajournement.
Comment voulez-vous que je comprenne ce qu’ils ont fait. C’est à eux qu’il faut poser la question. Maintenant, si je  regarde  par rapport à ça, ils ont peut-être des raisons que je ne connais pas. Je ne peux même pas me l’expliquer. Surtout que celui qui a demandé l’ajournement, l’a fait d’une façon dangereusement gauche, maladroite, dans un débat  qui était serein où chacun  exprimait sa position. Il  estime que le débat était un dialogue de sourd. Peut-être que certains ont perdu l’usage de leur sens.  

L’ajournement  ne donne –t-il pas l’occasion au pouvoir en place de refaire dans la désignation des membres de la Haac le même coup que dans  le cas avec la Cour constitutionnelle ?

Oui c’est possible. Ce n’est pas nous qui avons ajourné. Nous avons voté plutôt contre.  Car, ce n’était pas opportun parce qu’il n’y avait aucun problème qui le justifiait. C’est donc une violation de l’article 35 et j’espère que la Cour constitutionnelle qui cite souvent ledit article quand il s’agit des gens qui ne sont pas Fcbe, verra cette fois-ci que les députés de ce camp l’ont violé,  et pouvoir sanctionner.

 Vous vous attendez donc  à ce que la copie soit retournée à l’Assemblée.
Nous n’allons pas attendre mais nous nous battrons pour que la copie revienne.

Au cas où la Cour agirait autrement, comment pensez-vous pouvoir réintroduire cette loi ?
C’est là encore une violation de l’article 45 de notre règlement intérieur. Lorsque vous demandez l’ajournement, vous devez préciser le délai ou un ajournement sine die. Dans ce cas-ci, il n’y a aucune précision et on est dans un flou total. Lorsque certains députés ont voulu exprimer cela, le président de l’Assemblée n’a pas voulu leur donner la parole. Voilà comment nous sommes gérés  à l’Assemblée.

Après le vote du budget, on a vu la Rb aux côtés des Fcbe dans l’ajournement des débats sur la loi modificative sur la Haac. Suite à la polémique engendrée par cette situation, la présidence de la Rb a sorti un communiqué qui est aux antipodes des actes du parti. Quelle interprétation en faites-vous  ?

C’est à eux-mêmes qu’il faut poser la question. C’est eux qui ont fait et c’est eux-mêmes qui ont également affirmé leur fidélité aux accords de Bohicon. Je crois que ce qui est important, ce sont les considérations principales. C’est-à-dire changer le changement, corriger les choses pas orthodoxes qui se passent dans l’exécution du budget actuellement. Si la Rb  est avec nous dans ce combat de rectifier le changement et  d’opérer de véritables changements au plan institutionnel, social, politique, éthique et moral dans le pays, on ne peut que s’en réjouir.

Pourquoi n’a-t-elle donc pas opté de souscrire à la réforme institutionnelle que vous avez décidé de faire au niveau de la Haac ?
Ils n’ont pas encore voté contre la loi. Même s’il y a eu quelques comportements pas très sympathiques, on ne peut pas tirer dès ce moment des conclusions.

Que vous inspirent les décisions de la Cour suprême  qui ont conduit à la reprise des élections communales par endroits la semaine dernière ?

Quand des représentants de la Cour suprême étaient à l’Assemblée pour leur budget, nous leur avons demandé combien ils avaient besoin pour attribuer tous les postes de conseillers aux Fcbe. Jusque-là j’avais confiance à la Cour parce qu’elle est composée de magistrats compétents. Mais depuis quelques temps, j’ai des difficultés à accepter leurs décisions. Dans ma commune, pour deux cas identiques, deux décisions différentes. Pour trois cas identiques, deux décisions identiques et une troisième différente selon qu’elle arrange les Fcbe.

Votre avis sur le découpage territorial
c’est de l’irresponsabilité. Nous voici avec douze départements, nous sommes incapables de les gérer et nous allons à 21.La gestion politique de ces 21 départements est un autre problème. Les populations ont déjà commencé par se soulever  par endroits. J’observe que lorsqu’il y a eu les premières protestations, les forces de sécurité n’ont pas maté. Mais maintenant, elles matent. Je ne veux rien en tirer comme conclusion. Deuxième niveau, par rapport à ce découpage, c’est au plan technique. Je n’arrive pas encore à m’expliquer pourquoi on doit faire 21départements lorsque nous avons des maires qui sont des plénipotentiaires. Le rôle de la préfecture, c’est l’appui conseil et le contrôle administratif. Si avant, les sous-préfets devraient recevoir leurs instructions des préfets avant d’agir, aujourd’hui les mairies sont des entités autonomes qui se gèrent presque totalement sauf sur quelques petits aspects. Les préfets qui sont là, sont capables de le faire. Même les douze départements deviennent non pertinents. On me dira que pour les questions d’état civil, les populations sont amenées à faire de longues distances pour l’établir.  Si le système judiciaire, les cours d’appel sont rapprochés des citoyens, ils n’auront pas besoin de venir à Cotonou, d’aller à Parakou ou à Abomey avant de chercher leurs pièces  administratives. Mieux, si nos mairies sont organisées, les demandeurs de pièces administratives s’adressent à leur municipalité et le maire se charge de les acheminer au niveau de la préfecture. Il y a des audiences foraines qu’on peut faire. La préfecture peut se déplacer  dans les communes pour régler le problème. On ne peut pas continuer par prendre des décisions sans en mesurer les coûts. Comment veut-on faire fonctionner 21 départements alors qu’on est incapable de s’occuper de 12. Au plan technique et des ressources, il y a  un problème. Nous devrions faire comme ceux qui ont déjà expérimenté la chose. Dans les autres pays où les gens ont fait l’expérience de la décentralisation ou de la déconcentration, ils en sont revenus à créer des régions qui fonctionnent comme nos préfectures parce qu’ils ont vu la pertinence de fédérer les départements et sous-départements. On n’a pas besoin d’aller chercher des solutions qui sont des sources de problèmes. Le gouvernement devrait éviter de s’enliser dans cette affaire.

Le processus pour la réalisation de la Lépi bat déjà de l’aile sans avoir véritablement commencé. Qu’en  pensez-vous ?
Il faut que la lépi se réalise. La Lépi ce n’est pas la fin de la tricherie mais la réduction des tricheries en aval. En amont, ce n’est pas réglé. C’est pour ça que nous devons aller revisiter nos lois électorales pour faire en sorte que les fraudes électorales soient réduites. En ce qui concerne les difficultés, j’avoue que je ne suis pas très bien le dossier, mais il semble qu’il y a quelques petits problèmes avec le Sap/Cena qui fait quelques observations. Je pense que ces petites difficultés sont surmontables. Il faut démarrer et faire vite. Le gouvernement doit savoir qu’il a une grande responsabilité dans ce dossier. Car, souvenez-vous, nous avons déjà exigé en 2006 que le processus de la Lépi soit engagé avant les élections de 2007. En réponse, on nous avait parlé de Ravec, Rea et bien d’autres choses qu’on sait pertinemment qu’on ne peut pas réaliser. A ce jour, le Ravec n’est pas achevé. Je ne sais pas le type de Lépi que nous voulons faire.  Je souhaite que la Lépi soit une source de solutions plutôt qu’une source de problèmes.

Le rapport serait enfin dans vos casiers selon certaines sources.
le rapport est arrivé au parlement, le président ne l’a pas encore distribué aux députés. Il a estimé qu’il devait réunir son bureau et la conférence des présidents pour l’étudier. Là déjà c’est une erreur. Il s’agit d’abord de donner le rapport aux députés. Car, pour convoquer la conférence des présidents, il faut que les députés membres des différents groupes parlementaires examinent le rapport et qu’ils échangent avec leur président de groupe avant que ce dernier aille en parler. J’avoue que je ne sais pas très bien la finalité qu’il recherche.

Un mot sur le ralliement de l’Honorable Isidore Gnonlonfoun ?
Je ne me préoccupe pas de ces petites choses-là. Cela ne m’intéresse pas.

Faisons un détour par la Cour Constitutionnelle pour parler de sa décision sur la désignation des représentants de l’Assemblée nationale à la Haute Cour de justice.
 Je pense que la Cour constitutionnelle que nous avons est une source permanente d’inquiétude pour les Béninois. C’est l’expression même d’une volonté de caporaliser, de confisquer le pouvoir. C’est cela la Cour que nous avons aujourd’hui. Cette cour qui a été désignée dans les conditions que nous savons ne rate aucune occasion  pour prouver aux Béninois qu’elle est une Cour Fcbe. Chaque fois que les Fcbe ont des doléances, le rôle de la Cour constitutionnelle est de satisfaire à cela. Souvenez-vous, les Fcbe qui hier ont estimé que la notion de majorité/ minorité n’existait  pas à l’Assemblée nationale, ce sont les mêmes qui invitent  la Cour à en tenir compte.

Et naturellement, leur Cour leur donne raison après que la Cour suprême a donné tort hier à ceux qui soulevaient la question. Eux ils ont eu tort parce qu’ils ne sont pas Fcbe. La Cour constitutionnelle a manqué une nouvelle fois l’occasion  de se crédibiliser. Si vous lisez la décision de la Cour, vous ne voyez aucune référence à une loi de la République. On a évoqué un principe qui ne saurait avoir cours chez nous, puisque non indiqué dans les lois et nous ne sommes pas dans un régime parlementaire. 

Réalisation : Benoît Mètonou & Jules Mahoussi

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