Abdoulaye BIO TCHANE, le joker de l’opposition
L’Histoire ne se répète jamais, dit la sagesse populaire. Karl MARX nuance cette assertion en disant que la première fois un fait historique se déroule souvent dans la tragédie ; en tentant de se répéter, il sombre dans le vaudeville et la bouffonnerie.
En 1996, toute la classe politique opposée à la « gestion clanique et familiale » du pouvoir sous le Président SOGLO, s’étant regroupée derrière le « candidat des candidats », le Général Mathieu KEREKOU. On pensait que cette « solution mathématiquement imparable », à en croire son génial inventeur le Professeur Albert TEVOEDJRE, suffisait à battre à plate couture le premier Président de la République de l’ère du Renouveau démocratique. Voire.
Sans les ralliements spectaculaires de MM. Adrien HOUNGBEDJI, arrivé troisième et Bruno AMOUSSOU, arrivé quatrième, à la Coalition des Forces de l’Alternance démocratique, Nicéphore SOGLO aurait rempilé et point n’aura été besoin d’exciper de toutes ces affirmations fallacieuses pour expliquer cet échec, certes étonnant.
Je retiens particulièrement celle de Madame Réckya MADOUGOU, jeune dame dont je salue pourtant toujours la clairvoyance : « Pourtant, une explication simple et intelligente s’imposait à tous : le peuple béninois avait atteint une telle maturité qu’il ne se laisserait plus diriger par des élus mégalomanes, enclins au népotisme, adeptes du narcissisme et du nombrilisme effarants et sourds à la souffrance du citoyen…C’étaient autant de tares que l’on voyait le régime du Président SOGLO engranger maladroitement en dépit des immenses chantiers engagés par ce dernier. » Inexact.
La maturité du peuple, parlons-en ! Comme en 2001 avec le Général Mathieu KEREKOU devenu subitement une icône de la paix, et peut-être Boni YAYI en 2011, si Nicéphore Dieudonné SOGLO avait été réélu en 1996, il aurait été « blanc comme Nègre ».
La tentation est forte de comparer les présidents Nicéphore SOGLO et Boni YAYI et de chercher à savoir qui des deux aurait le plus commis des erreurs rédhibitoires de stratégie politique. TBY n’est aucunement le clone de NDS, comme je l’avais cru à un moment donné. Toujours est-il qu’il est lui aussi victime de cette même « fatigue socio-politique » qui frappe le peuple béninois après deux ans de commerce avec le même régime ; jusqu’à ce que ce régime montre sa force lors donc que son chef réussisse malgré tout à se faire réélire.
Aussi sommes-nous presque exactement à la même situation qu’en 1993 où en dehors des griots de la mouvance au pouvoir qui en profitaient seuls des avantages, tout le monde était contre le régime SOGLO. A part donc les FCBE, toute la classe politique endossant la lassitude du peuple et des élites, s’est donc regroupée pour soi-disant bouter dehors Boni YAYI en 2011. Bien sûr, on guigne vers la solution TEVOEJDRE en tâchant de se regrouper derrière un seul candidat !
Or, sans les faiseurs de roi du genre Adrien HOUNGBEDJI et Bruno AMOUSSOU en 1996, et qui acceptèrent de se joindre à la "conjuration", le Président Boni YAYI n’aura aucune difficulté à se faire réélire en 2011. Seul Abdoulaye BIO TCHANE, à supposer qu’il soit candidat, est à même de jouer ce rôle. Osera-t-il alors voter pour le candidat du "Sud" qui arrivera au second tour ? Le peuple et les cadres du Septentrion toléreront-ils qu’il trahisse ainsi son frère de région ?
C’est pour le moins sûr. Que se passera-t-il s’il se retrouve au second tour avec Boni YAYI ? S’il ne se représente pas, nous manquerions alors de joker ; comme en 1996 avec Maître Adrien HOUNGBEDJI. Cela veut dire que l’électorat sera éparpillé entre les deux camps, la mouvance et l’opposition, avec des chances plus grandes pour l’équipe qui détient les rênes du pouvoir d’Etat. On comprend donc que la bête noire de la mouvance présidentielle actuelle soit donc l’actuel Directeur Général de la BOAD.
On veut le contraindre par tous les moyens à ne pas être candidat, au besoin en lui coupant l’herbe sous les pieds, en enrôlant de force dans la mouvance tous ses partisans potentiels. La position de Abdoulaye BIO TCHANE quelle qu’elle soit fera date. Le Septentrion demeura-il toujours aussi soudé malgré ses deux " Nord", pour se regrouper derrière un candidat unique, à savoir Boni YAYI, ou pour la première fois de son évolution politique, présentera-t-il le visage d’un électorat éclaté entre deux leaders presque de même poids politique ?
Dans cette expectative, il manque à notre démocratie cet important instrument de prise de décision politique que sont les sondages d’opinion dont on semble abuser dans les grandes démocraties occidentales et qui sont comme les consultations du Fâ chez nous.
Par Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC