Assan Séïbou, 2ème Vice-président du Madep

A. Seibou « La question de l’escorte est un cas de détournement de deniers publics »
Ancien parlementaire et 2ème Vice-président du Mouvement africain pour le développement et le progrès (Madep) Assan Séïbou est assez imprégné des questions politiques du Bénin. Pour analyser l’actualité de la semaine écoulée, il s’est volontiers prêté aux questions de votre Journal. De l’Assemblée  nationale que l’Exécutif tend à transformer en caisse de résonance, de la gestion improvisée du pays  en passant par les fonds de l’escorte qu’il qualifie de malversation, il s’est également évertué à démontrer que l’actuel président doit plier bagage en 2011. D’autres sujets tels que la Lépi et le Madep, parti dont il est membre étaient aussi au menu.
En tant qu’ancien député à l’Assemblée nationale, quel regard portez-vous sur la mandature actuelle ?
Je crois qu’on ne peut pas apprécier cette mandature autrement que dans le contexte général politique et de la bonne santé des institutions. C’est pour cela que ma première appréciation générale, est que j’ai à faire à un parlement  complètement piétiné par l’Exécutif, qui harcèle les députés sur tous les dossiers et qui doivent se mettre au pas selon la volonté du gouvernement. Sinon, c’est le conflit. Et cela appelle à beaucoup de formes de conflits puisque l’Exécutif qui contrôle aujourd’hui l’Assemblée par son président et par son bureau d’ailleurs où la tendance majoritaire est proche du pouvoir en place.  La loi du plus fort se dicte pour le moment. Tant qu’une proposition de loi vient et ne se trouve pas  en adéquation avec les vœux de l’Exécutif, c’est qu’il est en porte-à-faux avec le bureau qui doit organiser et conduire les débats. Et tant qu’on a la police des débats, on peut se permettre de faire tout ce qu’on veut. Ce qui fait parfois  que c’est carrément des affrontements et un désordre indescriptible. Il faut dire que les parlementaires ont leur façon de s’exprimer.  Nous sommes à la cinquième législature, et les Béninois ne sont pas encore habitués à voir les institutions dans leur réel fonctionnement suivant ses caractéristiques. Il y a eu bien sûr quelques échauffourées enregistrées et parfois des débats très houleux. Et dans les parlements d’obédience francophone, ce n’est pas courant. Mais, dans les parlements anglo-saxons, on balance les chaises, les coups de poing pleuvent. Pour faire face à un président qui vous  impose des cas parfois contre le règlement, vous faites recours à ce qu’on appelle des contre-règlements pour l’arrêter. Ça fait le bruit, du tintamarre, du désordre, le président sanctionne, d’autres écrivent et boycottent la rentrée parlementaire. Tout cela est de la politique. Puisque ce qui doit sortir de là engage la Nation. D’abord avant que ça ne sorte, c’est comme un accouchement et ça peut être très dur. Donc, je comprends personnellement en tant qu’ancien parlementaire tout ce qui se passe et parfois on dirait que c’est inévitable. Tant que l’Exécutif ne respecte pas la séparation des pouvoirs, il y aura des problèmes. Puisque l’Exécutif est plus fort que toutes les autres institutions. J’ai également un parlement qui ne vient que sporadiquement sur ses prérogatives. Le plaisir qu’on avait quand on était parlementaire est d’aller pour des questions orales avec débats. Je sais que ça a déserté le forum là-bas pendant un bon moment. C’était mon point d’amertume. Parce que quand il y a des débats avec questions orales, ça permet d’abord à ceux qui ont élu leurs représentants de les voir et de savoir qu’ils défendent leurs intérêts et de savoir s’il faut renouveler leurs mandats ou non.

votre point de vue sur la gestion actuelle du pouvoir
La première déception, c’est la relation entre le parlement et l’exécutif.et c’est toujours l’Exécutif qui dans ces cas-là devrait faire amende honorable. Si aujourd’hui Yayi veut, il a l’armée et il peut demander aux parlementaires de ne pas mettre pied à l’hémicycle. Mais les parlementaires ne peuvent pas lui demander le contraire parce qu’ils n’ont aucun moyen de pression et de coercition. C’est lui le plus fort. Et quand il y a crise, c’est le plus fort qui a la mention qui gouverne et qui a juré devant la Nation de respecter la Constitution. Dieu vous donne le pouvoir pour que vous n’exerciez pas son côté coercitif,  parce qu’il sait que vous ne ferez pas usage de ce côté-là. On a vu tous les présidents qui se sont succédé à la tête du Bénin. Mais ici, on est en présence d’un Exécutif qui veut faire usage du pouvoir à tout bout de champ. Et ça, c’est une mauvaise gestion politique. Sur le plan social, il y a des problèmes. On essaie de régler des problèmes par des fuites en avant pour reculer demain. Au début, le gouvernement avait eu droit à la clémence des syndicalistes pour une année et demie environ. Mais, aujourd’hui, il faut bien faire face aux problèmes. Et tant qu’on ne les règle pas alors qu’on avait accepté et qu’on a pas discuté comme il le faut,  c’est des crises qu’on prépare ainsi. On constate qu’il n’y a pas un langage de vérité entre le gouvernement et les syndicalistes. Vous voyez également que le politique déteigne toujours sur le social. Quand ça ne va pas entre les institutions, ça ne va pas dans la population. Vous voyez la Cour constitutionnelle, les députés n’y croient plus.  (…) Si aujourd’hui les hommes politiques ne font pas confiance à la Cour constitutionnelle, il y a un problème et ça va influer sur  le moral de tout le monde. Du point de vue économique, là, je suis catégorique, il y a trop de mauvaises options qu’il faut revoir. Et il faut savoir anticiper sur les options. On a comme l’impression que les projets ne sont pas  faits sur la base d’études établies. Parfois, c’est improviser.Certains projets prioritaires sont parfois abandonnés. Ce sont les conséquences de l’improvisation. Je vous donne un exemple, le petit aéroport de Tininti à Natitingou a été déjà étudié pour le tourisme. Mais une fois qu’on est venu improviser le démarrage des travaux de l’aéroport de Tourou, on a abandonné tout ça. Et les populations en sont convaincues. L’autre exemple, c’est l’aéroport de Glo-Djigbé. Cela fait des années qu’on en parle. Les études existent. On disait même que la double voie qui est en train d’être faite maintenant, devrait favoriser l’accès à cet aéroport. Mais aujourd’hui, pouvons-nous dire quand les travaux de cette infrastructure vont démarrer ?

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Il y a une crise financière voire économique  qui sévit depuis quelques mois
C’est là où je trouve le gouvernement pas du tout prévoyant, inefficace et pas du tout efficient. Nous savons qu’en économie, les crises, les évolutions économiques, ont une sorte de système de cours d’eau. Quand une crise apparaît aux Etats-Unis, il apparaît plus tard en Europe et nous, puisque nous sommes moulés dans ce système, elle viendra ici. Pour le moment, on a dit que notre système bancaire fait que nous ne ressentons pas immédiatement la crise. Mais, on sait que l’aide au développement va baisser et beaucoup d’autres apports. Puisque chaque pays, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, est en train de se tourner vers son économie nationale pour  un redressement de la situation. Quelle réflexion, quelle proposition de stratégies économiques, quelles dispositions économiques propose le gouvernement pour éviter cela ? Nous  savons  que déjà dans le pays ça ne va pas. Quand on est allé en visite chez le président Yayi, c’est lui-même qui dit que la renommée du pays a pris un coup à l’extérieur. Il est évident que si notre renommée prend un coup, notre économie aussi. A un moment donné de la crise, il avait également dit qu’il était comme une armée qui n’avait plus de cartouche, je ne l’accuse de rien quand je dis qu’il n’a désormais en main qu’un bâton pour affronter les dangers.  Il ne s’imagine pas comment s’en sortir. Le gouvernement est coincé. Il n’a plus d’arguments. C’est pour ça que tout ce qui reste c’est la campagne.

Vous parlez là d’un docteur en économie !
Docteur en économie, ça ne veut rien dire. Il y a mille branches de l’économie et tout le monde peut être docteur en quelque chose. Et je crois qu’il est docteur en macro économie. Je ne conteste aucun de ses titres. Ce dont je me rends compte, c’est qu’il  est incapable de proposer des solutions. Voici une crise plus grande qui arrive, c’est le bâton il va prendre. Si ce n’est que ça, qu’il emprunte la « mitraillette » ailleurs ou alors qu’il laisse la place à ceux qui ont une « mitrailleuse » parce qu’il y en a et ils pourront faire des propositions concrètes. Ils peuvent participer à la réflexion universelle avec efficacité.

A qui pensez-vous en parlant des gens qui ont des « mitrailleuses »
Notre pays regorge de beaucoup d’intellectuels. On a sorti Boni Yayi de quelque part et je ne crois pas qu’il était le champion toutes catégories confondues. Il y avait trop de docteurs et même ceux qui ne le sont pas peuvent valablement faire le travail. Pour moi, Kérékou est mieux que Yayi. On me dira qu’il est un général, une autre forme de docteur peut-être. On l’a chassé, on l’a ramené parce qu’il est bon. Ce n’est pas le diplôme qui gouverne une Nation. C’est le bon sens, c’est le management  dont on est capable. S’il veut faire valoir le doctorat, il faut qu’il trouve des cartouches et non un fusil vide. Pour plus de précision, je suis certain qu’un homme comme Abdoulaye Bio Tchané ferait mieux l’affaire. Je suis également certain qu’au niveau des G et F, les chefs de file sont des gens avertis en matière d’économie nationale. Chacun d’eux, qu’il s’agisse d’Adrien Houngbédji, Léhady Soglo, Lazare Sèhouéto, Antoine Kolawolé Idji, Bako Arifari,  est capable de faire l’affaire. Ils sont suffisamment imprégnés des problèmes de ce pays pour s’en sortir. C’est parce que le président Yayi ne connaît pas ce pays.  Et c’est le plus grand mal de notre pays actuellement, Yayi ne connaît pas le Bénin. Il a vécu trop d’années à l’extérieur. Il se rendra compte bientôt qu’il ne connaît pas le Bénin.

Le débat sur la gestion des fonds de l’escorte et les micro crédits aux plus pauvres défraie depuis quelque temps la chronique. Vous en pensez quoi ?
Il est très difficile de cacher le soleil sous avec la main. L’affaire de l’escorte est une malversation économique, financière et budgétaire. Pour moi, il n’y a pas le moindre doute là-dessus.  Premièrement, en finances publiques, l’argent public refuse le principe de non affectation. Si on dit que quelqu’un encaisse les fonds de l’Etat, il n’a pas le droit de prendre cet argent-là lui-même et l’affecter à une activité. Il verse cela à la caisse commune. Et c’est à partir du budget national, voté par l’Assemblée nationale qu’on exécute le volet des dépenses autorisées par les députés. Est-ce que cela a été le cas des fonds de l’escorte ? Non. Ce n’est pas nous qui le disons. C’est le président lui-même qui a fait un conseil des ministres et une sortie publique et a annoncé l’utilisation faite des fonds de l’escorte. Il a également dit le nombre de femmes qui ont bénéficié des fonds de micro crédits. Il y a bel et bien détournement de deniers publics dans tous les sens du mot. Il faut dire les choses, telles qu’elles sont. Le président de la République a détourné l’argent de l’escorte. Le second volet, c’est qu’on a pris cet argent  qu’on donne aux bonnes dames. Il y a eu des détournements encore là-bas que les ministres eux-mêmes sont venus nous révéler. Sakinath Orou Sidi l’a dit.  Réckya Madougou est venue confirmer que les fonds sont mal gérés. La mauvaise gestion de ces fonds crée d’autres niveaux de détournements et plusieurs niveaux de responsabilité du gouvernement. Mais la responsabilité principale, c’est de prendre ces fonds de l’escorte et de l’affecter directement à une activité. Il faut que le gouvernement reconnaisse cela. Ce n’est qu’une faute. Ce qui est grave, quand on fait une faute une fois, on peut pardonner, mais quand vous persistez dedans, vous narguez tout le monde. S’il y a un dossier sur lequel j’ai peur pour Yayi plus tard, c’est bien le dossier de l’escorte. C’est son scandale le plus inadmissible. Il y a une polémique qui a été soulevée après les déclarations de l’honorable Issa Salifou. Je viens d’apprendre que le ministre Topanou a dit qu’il était d’accord pour un débat contradictoire. J’en suis heureux parce que cela permet d’en tirer quelque chose de clair peut-être. On avait voté à l’Assemblée une loi de finances qui portaient sur l’acompte forfaitaire pour contraindre ceux qui convoyaient les véhicules à ne pas contourner l’Etat. C’était fixé à 50.000F mais c’était pour boucler un collectif budgétaire. Cet argent ne peut donc pas aller directement dans la caisse de l’Etat. C’est de cela que Saley parlait quand il disait que les 50.000 d’acompte forfaitaire sont ajoutés aux fonds de l’escorte. Ça, ce n’est pas de l’escorte. C’était comme un prélèvement sur le bénéfice réalisé par l’importateur ou par le vendeur de véhicule. Si aujourd’hui, il se révèle que ces 50.000 sont ajoutés aux fonds de l’escorte, il y a donc problème. Ce serait une malversation très grave. Comme Janvier Yahouédéhou, j’attends moi aussi  de savoir ce qu’il en est.

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Passons maintenant à la Lépi qui connaît déjà du retard dans sa réalisation
On voit la vérité et on ne le dit pas avant 2011, on ne peut pas faire la Lépi. Pourquoi tout le monde tourne autour du pot ? On a fait le RAVEC. Jusqu’à présent le gouvernement nous a-t-il rendu compte ? Le Ravec n’est pas fini. Des gens attendent toujours de recevoir leurs actes de naissances. On a dépensé plus de 4milliards dans cette affaire. On a organisé  les  dernières communales sans le Ravec .  Or, la Lépi est plus sophistiqué que le Ravec. Pour dire la vérité, le gouvernement même ne veut pas de la Lépi. Tout le reste c’est du folklore. Si non, on aurait pris des dispositions budgétaires pour commencer par nettoyer au moins cette affaire de Ravec.  Certains disent que sans la Lépi pas de présidentielle. Cela revient à dire que Yayi prolonge son mandat. Or, moi je suis pour que son mandat finisse en 2011.

Comment appréciez-vous la tournées entreprises par le chef de l’Etat dans les départements du Bénin ? Pour d’autres, c’est une campagne précoce.

Vous voyez la chose et vous en doutez. J’étais à Djougou il y trois mois au moins, j’ai vu une banderole sur laquelle on lançait l’appel pour la réélection du président Yayi en 2011. Pendant ce temps, des militants à moi qui ont voulu manifester pour remercier les populations qui ont porté leurs choix sur eux pendant les communales, ont été empêchés. Je profite pour vous remercier La Nouvelle Tribune et la Presse du Jour pour votre vigilance sur ces questions-là. Honnêtement, si la presse béninoise n’avait pas existé, il y aurait déjà de la flamme quelque part. Quoiqu’on dise, continuer le chemin. Le jour où vous abandonnez, nous sommes foutus. La campagne précoce a bel et bien commencé avec le chef de l’Etat en tête. Le changement veut que la vérité soit le contraire de la vérité. Le chef de l’Etat a fait enfermer Séfou Fagbohoun devant tout le monde ici, mais il dit que ce n’est pas lui. Il sort pour aller haranguer les foules, il dit qu’il n’est pas en campagne. Depuis cette affaire de la candidature de Bio Tchané, le chef de l’Etat le traque. S’il n’est pas en campagne, pourquoi il parle d’autres candidats lors de ces sorties ?

Pouvez-nous dire si Bio Tchané sera candidat ou pas ?
Je peux vous certifier que Abdoulaye Bio Tchané sera bel et bien candidat.

Peut-on en attendre quelque chose de meilleur qu’actuellement ?
C’est évident. Un président qui face à la crise mondiale qui va arriver au Bénin, n’a aucune proposition. C’est une incapacité notoire sur laquelle je trouve que Bio Tchané ferait beaucoup mieux. Parce que venu de ce sérail-là, on peut nous proposer quelque chose. Je pense que Bio Tchané est un homme qui tiendra parole. Il a servi ici quatre ans, et il sait respecter ses engagements.  Il ne sera pas un homme qui part en campagne contre des politiciens qui l’ont amené au pouvoir. Nous on a tendu la main et on a été trahi. Tout le monde a été trahi.

Le G4 pourra-t-il avoir une candidature unique ?
Le G4 est condamné à y arriver.

Dites-nous ce qui empêche le Madep d’exclure François Abiola et son compère Kint Aguiar.
Ce n’est pas un problème d’incapacité, c’est un problème de texte. Selon les textes du Madep, aucune structure n’est en mesure de prononcer l’exclusion d’un membre si ce n’est le congrès. On en discutera, notre président l’a annoncé. Et le congrès se prépare activement.q

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