Jean-Baptiste Gnonhoué sur le mandat d’arret à l’encontre du président Soudanais

{mosimage} « C’est une bonne décision »
Les juges de la chambre préliminaire de la Cour Pénale Internationale ont émis un mandat d’arrêt international à l’encontre du Président Omar El Béchir pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Cet événement a suscité des réactions contrastées à travers le monde. Votre journal s’est rapproché de Monsieur Jean-Baptiste Gnonhoué, président de la Coalition béninoise pour la Cpi pour recueillir ses sentiments.
Comment percevez-vous la décision de la Cour Pénale Internationale ?
Elle est bonne, je dirais même excellente. Les juges ont estimé qu’ils avaient de bonnes raisons d’émettre un mandat d’arrêt international à l’encontre du Chef de l’Etat soudanais, puisque des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre qui sont des crimes internationaux ont été retenus contre lui. Le génocide a été exclu pour l’instant, parce que les éléments fournis par le procureur n’étaient pas suffisants. S’il parvenait à fournir des preuves supplémentaires vraiment consistantes, une requalification pourrait intervenir. Ecoutez, les juristes tâtonnent encore, puisque le meurtre de masse est révélateur d’une volonté de nuire dont on n’arrive pas toujours à saisir avec précision les contours. C’est là le nœud gardien du génocide.

Que pensez-vous du sursis demandé par l’Union africaine ?
Cette organisation parle sans cesse de privilégier un processus de paix. Personne ne voit rien venir en terme de paix, puisque des exactions continuent. Il y en a eu récemment. On demande au Conseil de sécurité un sursis conformément à l’article 16 du statut de Rome – Mais sur quelle base ? Dites-moi. Croyez-vous que le refus de Omar El Béchir de livrer à la CPI deux ressortissants soudanais précédemment visés par un mandat d’arrêt international et l’expulsion actuelle des organisations humanitaires arrangeront les choses ? L’Union africaine aurait dû œuvrer pour l’arrestation et la remise de ces deux personnalités à la Cpi.

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Elle n’a pu rien faire de concret. Vous voyez, on ne sait vraiment pas quand ces personnalités et le Chef de l’Etat lui-même vont répondre de leurs actes. A mon avis, le Conseil de sécurité doit opérer un choix. Ou bien il protège les personnes auxquelles on reproche des crimes internationaux. Ou bien il abandonne les populations du Darfour à leur triste sort, et l’histoire jugera avec la plus grande sévérité. Le Conseil de sécurité doit se prendre au sérieux en agissant avec détermination, en évitant de se laisser intimider par les mesures que prend actuellement le président Omar El Béchir en guise de contre attaque. Il doit affirmer son autorité en ayant à l’esprit que sa raison d’être est essentiellement la sécurité des peuples. Dans le cadre de ses attributions, il est rigoureusement tenu de prendre des mesures tendant à obliger le président soudanais à faire revenir les humanitaires au Darfour pour le bien-être des populations.

Que pensez-vous des allégations suivantes d’une partie de l’opinion publique, selon lesquelles, la Cpi est pour les Africains, sa décision est inopportune et le Soudan n’a pas ratifié le statut de Rome de la CPI, Omar El Béchir est un Chef d’Etat en exercice ?
Dire que la Cpi est pour les Africains est un argument spécieux. Cette juridiction s’occupe déjà d’autres situations hors du continent africain et sa décision pour chaque cas sera rendue publique le moment venu. Alors, où est le problème ? De plus, la situation au Darfour a été déférée à la Cpi par le Conseil de sécurité, agissant dans le cadre du chapitre VII de la charte de l’Onu. La saisine exceptionnelle de la Cpi par l’organe politique des Nations Unies est prévue par le statut de Rome, que le pays concerné ait ratifié ou non ce statut. L’émission du mandat ne me paraît pas du tout inopportune. Par ailleurs, je dois vous dire que tout individu, fût-il Chef d’Etat, ne bénéficie d’aucune immunité, s’il commet des crimes internationaux. Juridiquement, on appelle cela, défaut de pertinence de la qualité officielle.

Quelle conséquence cette décision implique pour le conseil de sécurité ?
L’émission de ce mandat d’arrêt à l’encontre du président soudanais place la communauté internationale devant ses responsabilités. Il lui appartient de les assumer correctement. Car, la protection de la dignité humaine est une norme impérative, sous la forme d’une obligation erga omnès. Je crois que ce que j’ai dit d’un bout à l’autre est clair. C’est le reflet de la logique. C’est le triomphe de la raison sur la passion.

Propos recueillis par Alain Assogba

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