Le droit et la politique à l’ère du changement:

/food/djankaki.jpg » hspace= »6″ alt= »C. Djankaki » title= »C. Djankaki »  » /> Le Bénin a-t-il enfin un gouvernement des juges ?
Le contrôle de l’appareil de l’Etat est le principal objet des rivalités sur la scène politique au Bénin. Ce jeu se circonscrit au niveau de l’Assemblée nationale mais également au niveau des communes, les villages et les quartiers de ville.
L’âpreté des luttes s’en trouve aujourd’hui exacerbée dans la mesure où il y a finalement peu de places pour beaucoup de prétendants. Lors des présidentielles de 2006, le candidat Adrien Houngbédji a obtenu le quart des suffrages exprimées soit 25% contre le candidat Yayi Boni soutenu par l’ensemble de la classe politique. A l’issue de la proclamation des résultats, le président élu s’est naturellement accaparé de tous les ministères et toutes les institutions de la République relevant de sa compétence pour les nominations. Le candidat Adrien Houngbédji malgré le ¼ des suffrages obtenus a tout perdu. Quoi de plus normal puisque nous avons opté pour le jeu démocratique ou la majorité absolue des suffrages dicte sa loi. Le paradoxe résulterait au cas ou le candidat Houngbédji à son tour obtiendrait la majorité absolue à l’Assemblée nationale et qu’il soit contraint à un concept de minorité-majorité pour la désignation des membres à la Haute Cour de justice. La crise qui secoue actuellement l’Assemblée nationale et la Cour Constitutionnelle ressemble fort logiquement à ce schéma puisque visiblement l’on tente de rechercher ce qu’on a perdu en politique au plan du droit. Mais quoi de plus normal comme nous sommes au Bénin émergeant. A la lecture de la décision qui ouvre la voie à une nouvelle jurisprudence, il ne serait pas exagéré de dire que le droit n’est pas parfois la justice comme c’est malheureusement le cas. La meilleure justice est incontestablement celle de Dieu, encore qu’elle fait aussi l’objet de polémique.

    Cette décision contreversée de la Haute juridiction m’inspire quelques observations. A la suite des commentaires de Marc Antoine (béninois libéré N°766 du mardi 24 février 2009) «….le Bénin est maintenant placé sous un gouvernement des juges. Pour ceux qui ne le savent pas l’expression "gouvernement des juges désigne ces juges d’une haute juridiction qui jugent en opportunité et non en droit. En conférant une valeur constitutionnelle à ce qu’elle a appelé le principe de la représentation majorité/minorité, la cour ne fait rien de moins que d’exprimer une volonté de régenter les comportements politiques sur la base d’un raisonnement juridique des plus douteux….. La cour a fait semblant de ne pas savoir que la même constitution consacre le caractère concurrentiel de la démocratie béninoise. C’est à cet effet qu’aussi bien pour le poste de président de la République, que pour les mandats de députés et de conseillers communaux, les candidats  sont invités à se plier aux choix des électeurs.

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Aussi, le sens d’une élection serait alors que le vainqueur exerce son mandat tel qu’il le pense et le vaincu ronge son frein jusqu’aux prochaines élections. A quoi servent donc les élections s’il faut demander aux vainqueurs et aux vaincus de partager les bénéfices d’une victoire acquise par les premiers ? Par ailleurs, qu’elle est la portée effective de cette notion de consensualisme ? S’arrête-t-elle seulement au mandat des Députés ? Ce qui serait fort étonnant au regard même de la teneur de ce principe telle qu’évoquée par la cour, comment donc l’étendre au mandat présidentiel ? Dans un autre registre, qu’elle conséquence tirer de ce principe au regard des actes déjà posés au parlement et qui n’en tiennent pas compte à savoir, la composition du bureau et la désignation des juges de la cour par le bureau de l’Assemblée nationale. Il va de soi que les deux cas de figure doivent entrer en conformité avec la nouvelle donne …. Que faire lorsque la majorité parlementaire change alors que les choix sont déjà faits ? Conserver le statu quo au risque d’avoir des instances illégitimes ? Ou alors tenir compte du changement et procéder à des correctifs nécessaires au risque de créer une instabilité institutionnelle ? Cette décision rend perplexe la consécration du principe de la souveraineté nationale. Au regard de cette notion les députés une fois élus représentent toute la nation entière. Ainsi, leur appartenance partisane s’efface devant leur qualité de représentant de la nation. C’est le sens de la décision de la même Cour à l’occasion de la loi anti-transhumance où elle avait interdit la perte du mandat pour le député qui changerait de bord partisan au cours de son mandat.». Par ailleurs revenant à la démocratie, il est aisé de faire observer, qu’une foule de gens se désintéressent des affaires qui ne sont pas les leurs et la démocratie est en fait une oligarchie ou une polyarchie comme l’affirme l’américain André DAHL. Dans de nombreux cas, la démocratie n’est que théorique. Celle directe est un idéal jamais atteint.

    Les démocraties antiques en restent le modèle puisque les décisions y étaient prises par l’Assemblée générale des citoyens. Quoi qu’il en soit seule la taille des unités de participation permet de mesurer le degré de démocratie. Ce n’est sans doute par hasard si celle-ci a trouvé son domaine de prédilection dans la vie locale. Que dire alors des élections communales, municipales et locales de 2008 ?

Les élections locales de 2008 échappent-t-elles au concept de majorité-minorité ?
    La participation de l’ensemble des citoyens à la gestion des affaires locales est le but recherché pour asseoir une décentralisation crédible, capable de promouvoir le développement à la base. Mais quel paradoxe lorsque ce principe cher, qui a plus son fondement dans la vie locale a été galvaudé par nos institutions. A ce jour, tous les conseils communaux n’ont pas été encore installés parce que le pouvoir en quête de majorité pour brimer la minorité n’est pas encore parvenu à obtenir toutes les décisions de la cour suprême pouvant l’amener à régner sans partage au vu et au su de toute la communauté nationale.

    Ainsi, à Sèmè-Kpodji la minorité s’est transformée en majorité par le jeu de la transhumance dans la mesure ou, à cette étape, même 13 contre 12 il est permis de tout arracher (les postes de Maire, adjoint au Maire et chefs d’arrondissement) sans la moindre concession. Les scénarios d’Abomey-Calavi et ailleurs au plan national n’ont pas dérogé à la règle. A titre illustratif, pour partager les 18 sièges de conseillers à Godomey, le G13 malgré plus de quatre mille voix obtenus contre onze mille au FCBE, c’est plutôt ce dernier qui s’en sort avec 7 sièges contre 0 au G13. Pourtant nous sommes dans un pays ou la cour estime qu’il faut tenir aujourd’hui compte de la minorité dans les partages. Nous devons méditer sur ces propos du Président Adrien Houngbédji tenus lors des assises d’Abomey-Bohicon des G et F : «A force de pourchasser le peureux, lorsqu’il fini par se retourner, plus rien ne l’arrête. C’est la sagesse populaire de chez nous qui le dit, pensez-y »

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La régression de réflexion qui avait pour conséquence la « nationalisation » des pratiques occidentales dans les domaines juridiques n’avait pas tardé à provoquer la première crise institutionnelle le 28 Octobre 1963 qui emporta le gouvernement du Président Maga.

    Après les premières élections couplées de notre pays (législatives et présidentielles)  du 19 janvier 1964 où Apithy et Ahomadégbé sont élus respectivement Président de la République et Vice-Président de la République, Chef du gouvernement, nous nous apprêtons à notre deuxième exercice de l’ère du renouveau démocratique en Mars 2011 soit 47 ans après. Mais que s’est-il réellement passé en octobre 1963 qui a ouvert la porte à l’instabilité politique de notre pays devenu par la fréquence des coups d’Etat l’enfant malade de l’Afrique ?

    Tout est parti d’un malentendu entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire comme c’est le cas aujourd’hui.

 En l’espèce, Monsieur Bohiki, Député était impliqué dans une affaire de meurtre.     L’enquête diligentée avait conduit à son inculpation pour complicité. Il fut arrêté et incarcéré. Le Gouvernement ordonna sa libération.

    Il est évident qu’aux termes de l’article 37 de la constitution "aucun député ne peut…(…)…être poursuivi ou arrêté… sauf le cas de flagrant délit". Ce qu’il convient de retenir des subtilités juridiques, c’est que l’autorisation de l’Assemblée nationale sollicitée en vue de la levée de l’immunité parlementaire était assortie de condition d’une position de prévenu libre et qu’aucune ordonnance de prise de corps ne devait être prise à son en contre. La chambre de mises en accusation, quant à elle, passa outre ces conditions et décerna un mandat d’arrêt. Suite au rejet d’une demande de mise en liberté provisoire formulée par ce dernier, la cour suprême statuant sur pourvoi en cassation se demandait si l’Assemblée nationale pouvait assortir l’autorisation de la levée d’immunité de conditions. En effet, dans son arrêt du 22 Novembre 1963, la haute juridiction "reconnaît que la condition posée par l’Assemblée nationale n’a pas été respectée… » mais décide le rejet du pourvoi au motif que…«attendu qu’il n’appartient pas à l’Assemblée nationale, lorsqu’elle accorde ou refuse la levée d’immunité parlementaire d’assortir cette décision, de conditions…que lorsque l’Assemblée estime devoir accorder la levée de l’immunité de l’un de ses membres, elle ne saurait, sans violer la règle de la séparation des pouvoirs, l’assortir de conditions qui auraient pour effet de dicter au pouvoir judiciaire une règle de conduite ou rétrécir les moyens d’investigation qui lui sont accordés par la loi ». Entre temps le parlement a voté, conformément à l’article 37 alinéa 2 de la constitution, la mise en liberté immédiate et la suspension de toutes les poursuites au motif que : « l’autorité judiciaire ayant pris unilatéralement la décision de violer la procédure arrêtée, l’assemblée considère un tel acte comme une marque de mépris et de dédain, difficilement acceptable ». Ce qui permet au gouvernement de faire libérer Monsieur Bohiki, député et la pression de la rue des populations de l’Ouémé de faire renverser le gouvernement.
    A la lumière de ces événements de 1963 et la polémique autour de la coloration partisane de la Cour Constitutionnelle, l’analogie du point de vue législatif et constitutionnel est presque parfaite. La cour Constitutionnelle a-t-elle le pouvoir de donner des injonctions au parlement quant à l’installation au plus tard le 15 Janvier 2009 de ses membres à la Haute Cour de justice ? Quel contenu donne t-on au principe de la séparation des pouvoirs ? Certes, les contreverses autour des décisions de la Haute juridiction de notre pays ne date pas de l’ère du changement. Nous avons en mémoire l’exploit de la Cour des miracles. Ce serait donc peu courtois d’affirmer l’existence d’un gouvernement des juges.

Cependant, à ces époques, les tensions étaient moins vives dans la mesure ou toutes les tendances étaient représentées au niveau des sept (7) sages. Qu’adviendrait-il lorsque la Haute juridiction chargée entre autres de la proclamation des résultats définitifs des élections présidentielles de 2011 aurait été soupçonnée de manigances au profit des FCBE ? A l’analyse des propos des G et F et peut être d’autres candidats indépendants, il est clair que ceux-ci font observer que, mars 2011 constitue un délai au cours duquel aucune méthode douteuse, tendant à s’accrocher au pouvoir ne saurait résister à leur volonté d’en découdre avec l’Etat FCBE dont l’émergence est l’apanage des seuls élus cauris. C’est donc l’occasion de faire observer que la "nationalisation" des pratiques occidentales à travers des concepts flous au contenu discutable, pourrait être un danger qui guette notre jeune démocratie. Cette règle majorité-minorité s’écarte curieusement des conseils communaux, les vrais bénéficiaires de la gestion participative des affaires locales, pour s’imposer manifestement à l’Assemblée nationale qui du reste n’a jamais profité des effets du même principe du gouvernement. La plénière de l’Assemblée nationale en procédant comme elle l’a fait sous la présidence effective de son président n’a rien de contraire à la constitution. L’élection à un mandat de député du candidat d’un parti lui confère le titre de député de toute la nation et non de sa circonscription électorale ou région. L’application de ce concept tel que formulé pose alors la problématique de la qualité du député qui devient alors visiblement le député de sa seule région et non de la nation toute entière.         

Claude C. Fréjus DJANKAKI

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