Noureini Serpos-Tidjani, directeur adjoint de l’Unesco

Fesman «L’intégration africaine ne doit pas être seulement politique et économique»
Invité au colloque sur le Festival mondial des arts nègres qui s’est déroulé à Dakar du 02 au 04 mars 2009, Noureini Serpos-Tidjani se prononce sur l’apport de l’Unesco à la réussite de cet événement intégrateur. Il parle également de l’importance de la culture dans la réalisation de l’unité africaine.
Vous êtes un grand homme de culture invité au colloque sur le Festival mondial des arts nègres. Quelles sont les résolutions auxquelles l’on doit s’attendre aux sorties de cette rencontre ?

C’est une rencontre très importante dans la mesure où le Fesman est un festival qui normalement devrait avoir lieu tous les deux ans. Mais, la première édition  s’était tenue à Dakar sous Senghor, la deuxième, le «Fespac seven seven»,  avait eu lieu avec le tout premier mandat de Olusegun Obansango à Lagos, au Nigeria. Et il y a eu un long silence avant que le président Wade ne prenne la relève et décide d’organiser la 3ème édition du 1er au 14 décembre 2009. Ce qui est important ici, c’est d’abord les thèmes et il y en a deux. Le thème de la résistance africaine. Cela veut dire qu’il faut voir et revoir l’histoire des peuples africains de fond en comble. Quand il y a eu l’esclavage, les gens ont cru que les africains sont restés passifs. Pas du tout ! Il y a eu beaucoup de résistance. En Amérique notamment au Brésil, il y avait des femmes qui préféraient provoquer des avortements, se tuer plutôt que de donner naissance à des enfants qui seront asservis à leur tour. Il y avait des mutineries dans les plantations, il y avait aussi des révoltes qui étaient marquées par la détermination des Noirs à s’affranchir. Ils n’ont jamais accepté d’avoir perdu leur liberté.

Il y a mille et une façons de dire «non», même quand on disait de parler français puisque les gens continuaient de parler leur langue. Ce sont des formes de résistance. C’est très important que le colon se penche sur ça pour dire quelles sont les formes ou possibilités qui ont été utilisées par les africains pour dire «non, nous refusons».

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D’autres formes de résistance: l’apport du monde noir au sujet des grandes invention dans le monde. On est en train de se rendre compte qu’il y a beaucoup de découvertes faites par les Africains. Mais, tout cela est inconnu des populations. Personne ne s’en rend compte. C’est donc important de donner la voix à tous ces inventeurs, à tout ce qui a été fait, pour qu’on ne dise pas que dans le monde de la science et de la technologie les Africains n’ont rien fait. Car, le drame, c’est qu’on n’a pas donné assez de visibilité à ces génies.

En somme, il ne s’agit donc pas de venir au Fesman pour tout juste chanter, danser, puis, s’exclamer: «nous sommes bons, nous sommes gentils». C’est un rendez-vous pour faire le point à compter de la dernière session à Lagos, souligner quels sont les autres pans de la culture que nous n’arrivons pas à appréhender. Le «Fespac seven seven» avait pour thème «Le monde noir et l’éducation». Maintenant, on est passé de la phase de l’éducation à la phase de la science et de la technologie, de la résistance. Donc, c’est important pour nous, en ce moment où nous parlons d’intégration régionale, de revendiquer une Afrique solide et solidaire. C’est très important.

Vous faites partie du Comité scientifique international qui a préparé ce colloque. Quelle a été votre contribution au cours des travaux préparatoires ?
Quand j’étais venu, ce que j’ai essentiellement apporté c’est la dimension de l’Unesco mon organisation, en ce sens que nous, nous sommes l’unique organisation du monde responsable des problèmes culturels. Que ce soit le problème du patrimoine, matériel ou immatériel, que ce soit le domaine des arts et de l’édition, que ce soit dans le domaine des médias, nous sommes présents. Et donc, nous, nous apportons essentiellement des idées pour avancer. Pour nous, il ne s’agit pas de se cramponner au passé. Nous devons prendre conscience de ce passé,  faire de la préservation du passé, afin d’aguerrir les générations futures par rapport à l’affirmation de soi. Ainsi, nous avons apporté des archives, beaucoup de souvenirs. Mais il y a de nouveaux défis à relever. C’est tout cela qu’il faut prendre en compte.

Si vous avez un conseil à donner aux chefs d’Etat par rapport aux Etats-Unis d’Afrique qu’ils entendent réaliser au plus tard en 2017, que diriez-vous ?
Ce serait trop prétentieux de ma part d’affirmer que je donne des conseils aux chefs d’Etats. Mais si j’ai mon point de vue à émettre par rapport à la préoccupation, je dirai que l’intégration, ce n’est pas seulement l’économie et la politique. L’intégration, c’est également l’interface, le lien qui existe entre l’économie et la culture. Vous vous souvenez que pendant la colonisation, il y avait l’Afrique occidentale française (Aof) et l’Afrique équatoriale française (Aef). Ce sont les mêmes livres que nous utilisions: «Mamadou et Binéta», «Lire et écrire couramment», etc. Les «Mamadou et Binéta» sont devenus rares en ce moment. Que ce soit au Mali, au Sénégal, c’était le même programme scolaire. Cela fait que quand vous quittez ce niveau, il y avait ce qu’on appelait les écoles fédérales. Entre autres, l’Ecole normale William Ponti, l’Ecole normale des jeunes filles.  Alors, ce que cela a fini par créer, c’est qu’il y avait un esprit Aof. Le colonisateur ne s’était même pas rendu compte que ceux-ci allaient créer des partis politiques. Exemple, le Rassemblement démocrate africain (Rda). Ce sont des gens qui se sont retrouvés à Dakar pour créer d’abord un réseau d’intellectuels, de  gens qui pensent ensemble, qui se reconnaissent. Pour nous, nous pensons qu’il est important, déjà au niveau des communautés économiques, régionales, qu’on puisse retourner à une harmonisation des programmes scolaires, que les enfants puissent passer par le même programme, de telles sortes qu’il y ait une forme de complicité entre eux. Ce qui fait que pour communiquer entre eux ce sera facile. Ils ont des valeurs partagées, donc cette harmonisation est très importante.

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L’harmonisation des programmes scolaires, de telle sorte que cela puisse créer des esprits intégrés. Donc, l’intégration ne doit pas être seulement politique et économique, mais également culturelles. Quand nous parlons de valeurs, nous parlons de culture, nous parlons de tout. A travers l’école, il y a toute sorte de valeurs. Cela peut aider énormément l’intégration.

Propos recueillis par Fortuné Sossa           

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