Opinion: Gestion des fonds de l’escorte au Bénin (B. Illassa)

Un audit international s'impose
C'est la grosse affaire du moment au Bénin. Tous les quotidiens de la place se sont emparés de cette affaire et on font les choux gras de leur « UNE ». Du « MATINAL » en passant par « FRATERNITE », « LA NOUVELLE TRIBUNE », « LE GRAND JOURNAL », et j'en passe !

Les politiques ne sont pas en reste. A commencer par le G13 qui est sur la plus haute marche à cause du passé de certains Députés enrôlés dans cette structure politiquement hostile au régime du « CHANGEMENT ».

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Dans ce concert, il manque les intellectuels béninois. Les enseignants -chercheurs des universités béninoises manquent à l'appel. Chose curieuse, alors même qu'ils devraient être à la pointe de l'information scientifique pour éclairer tous les acteurs de ce schisme à la béninoise. Aussi, est-on en droit de se demander qui est le leader, aujourd'hui, au Bénin, dans les disciplines suivantes:

• Droit;
• Économie;
• Sciences Politiques;
• Histoire politique, etc…

En effet, tout se passe comme si, au Bénin, nous sommes dans l'éternel recommencement; le règne de l'arbitraire en politique; la banalité des pratiques de détournement, de pillage érigés en « vertus civiques »; l'indistinction entre sphère publique et privée, etc… Elle revèle en outre la centralité des trois repères étroitement mêlés: celui du ventre, celui de l'invisible et celui des références religieuses.

Les béninois ont pu mesurer l'étendue de l'escroquerie d'État lorsque le scandale de la faillite des banques éclata sur la place publique en septembre 1988, révélé par un journal de la nouvelle presse privée, Tam-Tam Express (TTE).

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Au fil des pages, les journalistes de TTE dévoilèrent les mécanismes du pillage de la BCB. Prouvant que des cadres de l'administration, des personnalités politiques et des opérateurs économiques avaient bénéficié de crédits sans qu'aucune garantie n'ait été assurée, le journal indépendant dessinait en pointillé la topographie des réseaux clientélistes du régime d'alors. Le journal concluait en ces termes:
« Tous ceux qui ont sucé effrontément le sang de cette institution bancaire et la laissent aujourd'hui dans l'agonie doivent payer » (1).

Vingt ans plus tard, ce crime économique reste impuni !

Aujourd'hui, les fonds de l'escorte rapportent de l'argent. C'était une erreur du gouvernement Kérékou d'avoir confié, hier, la gestion de cet important pôle économique du pays à des privés, dont ses propres enfants. Yayi Boni n'innove pas en s'accaparant de ce fleuron de l'économie béninoise à des fins purement politiciennes.

On se souvient , par exemple, sous le PRPB, du Ministre Hospice Antonio, nommé Ministre de l'économie et des Finances en 1985 par l'entremise du marabout de Kérékou, qui ordonna au Directeur de la BCB, Francis Padonou, de verser des sommes colossales sur les comptes étrangers de Cissé. Ou encore de Barnabé Bidouzo, son successeur, qui, en mars 1986, avait adressé au conseiller occulte une « déclaration sur l'honneur », en prévision de sa nomination au poste de ministre des Finances. Dans ce document, il s'engageait:

• « à tout mettre en ?uvre pour que les projets économiques et financiers de la République Populaire du Bénin génèrent un profit cumulé de 4 milliards de francs CFA, dont 3,5 milliards seront remis au fur et à mesure de leur production à Mohammed Ahmadou Cissé, en espèces ou par virement bancaire sur des comptes que celui-ci indiquera; »
• 
• « à exécuter diligemment toutes les instructions verbales ou écrites de Cissé, en reconnaissance du fait que c'est ce dernier qui l'a fait nommer ministre par le Président »(2) !

Plus tard, lors du procès du marabout Cissé, l'ex-ministre des Finances fera la déposition suivante:

• « J'ai préféré collaborer avec Cissé, parce qu'il était le plus fort. J'avoue devant la Cour que tous les ministres du PRPB étaient des plantons de M. Cissé. Je lui ramenais de Paris des valise remplies d'argent… Dans nos régimes autocratiques, nos chefs d'État sont de petits rois que nous vénérons. Cissé était le deuxième personnage après Dieu. Il lui arrivait de rentrer en plein Conseil des ministres, pistolet au poing. Parfois, il nous fouillait, avant d'entrer en salle du conseil. ».
• 
• Au regard de ce qui se passait sous le PRPB, je suis innocent. Je ne me reproche rien car nous avons collectivement fossoyé l'économie nationale. Tout le monde a bouffé. Quant à moi, j'ai servi loyalement mon pays et si j'avais perçu les 10% de commissions, je serais riche et n'aurais pas besoin de travailler. On ne peut pas juger l'illégalité dans la légalité, ni l'irrationalité dans le rationnel. Nous avons vécu dans une période où la médiocrité a pris le pas sur la technicité. Nous buvions et mangions à la santé des larges masses populaires… » !

Aujourd'hui, il suffit de remplacer le PRPB par FCBE et l'ancien ministre des finances par l'actuel et le tour est joué.
 
Nous ne tirons aucun enseignements des tares passées de nos gouvernants. Pour remédier à cet éternel recommencement, nous pensons qu'il faille recourir à un audit international.

Il suffit au Parlement béninois de voter un texte de loi en deux articles:

• Article 1er: Les Députés béninois demandent un audit international pour contrôler la gestion des fonds de l'escorte;
• 
• Article second: Les résultats de cet audit s'imposeront à toutes les autorités béninoises.

En effet, l'or bleu des véhicules d'occasion va bientôt se raréfier. Les occidentaux renouvellent de moins en moins leurs véhicules. Toutes les usines de fabrication de voitures sont en crise. Par conséquent, la poule aux yeux d'or des véhicules d'occasion sera bientôt du passé. En attendant, il est urgent que la transparence devienne la norme dans ce secteur d'activités qui est encore entouré de beaucoup d'intrigues.

Benoît ILLASSA

1. M. Chabi, Banqueroute, mode d'emploi: un marabout dans les griffes de la mafia béninoise, Porto-Novo, Gazette Livres, 1993.
2. Francis Kpatindé, « Le procès Cissé à Cotonou: l'argent des autres », Jeune Afrique N° 1649, 13-26 août 1992.

http://illassa-benoit.over-blog.com
"Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir" Frantz FANON.

Par Benoît ILLASSA
04 février 2009

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