Quand on commence à compter ses généraux, c’est qu’il y en a qui ont déserté le camp.

/food/zotti.jpg » hspace= »6″ alt= »F. Couao-zotti » title= »F. Couao-zotti »  » />Quand, il y a deux semaines, les Béninois ont vu à la télévision Célestine Adjonohoun, députée FCBE, serrer la louche au Président de la République, rire comme une petite fille des blagues que lui servait son interlocuteur prestigieux, beaucoup se sont dit que, décidément, l’Emergence a ses raisons que nos modestes intelligences ont du mal à cerner.
Et ce n’est pas qu’on soit malheureux de la complicité retrouvée entre Boni Yayi et sa députée – au contraire, on ne peut que craquer devant un tel bonheur. Mais de voir cette connivence subite arrosée par des gestes aussi touchants qu’attachants, il y a fort à parier qu’il y a anguille sous les bétons de la Présidence.

On se souvient que, un an et demi plus tôt, la native de Ouidah avait été accablée des douze plaies d’Israël par son mentor. On l’avait traitée comme la pestiférée de la classe qui ne mériterait que mépris ou détestation. D’ailleurs, le chef de l’Etat avait demandé à l’Assemblée Nationale de lui ôter en urgence sa camisole immunitaire, histoire de la rendre aussi justiciable que le bana-bana de Zongo. Demande piégée ? Ou simple manœuvre politique destinée à apaiser les teigneux du FONAC alors chatouilleux sur les questions de la corruption ?

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Car, madame avait été rattrapée par les déballages en bonne règle que la bande à Jean-Baptiste Elias avait faits sur sa gestion à la tête de la Société Béninoise d’Energie Electrique. Marchés passés de gré à gré, surfacturations à tour de bras, marchandises commandées qui ne méritaient pas de l’être, bref des petits meurtres en management auraient été commis par la bienheureuse qui, pour échapper au courroux de son chef, avait alors préféré le « bomba » en béton du parlement. D’ailleurs, elle n’a pas été la seule à avoir choisi cette solution : son successeur à la tête de la même société, Jacques da Mata Santana, se serait lui aussi autorisé des fantaisies dans les caisses de l’établissement (le veinard aimait les millésime et le champagne) avant de se bunkeriser au parlement. Résultat de la saignée : la SBEE, déjà unijambiste et manchote avant leurs passages, était devenue, paraît-il, domlingodo (un monstre nu, sans membre, ni tête).

Mais la colère de Yayi qui venait de découvrir des serpents dans ses manches, était telle que les chancelleries étrangères en ont été contaminées. Le Consulat des Etats-Unis par exemple, a décidé de ne plus accorder aux mis en cause des visas pour des missions sur leur territoire (chez les Américains, la corruption, c’est comme le choléra : elle est contagieuse)

Mais aujourd’hui, près de deux ans après les événements, la tendance s’est inversée. Daa Célè, comme l’appellent ses supporters, a retrouvé auprès de son mentor la chaleur qu’elle avait perdue. Jacques da Mata Santana est aussi redevenu fréquentable.

Car, tous ceux qui pensaient que la colère du président allait incendier ces députés se sont mis le doigt dans l’œil. Les temps ont changé. Les principes aussi. Surtout que, confronté de tous côtés par des opposants grincheux et tenaces, Yayi bat sans relâche le rappel de la troupe et, bien sûr, compte ses généraux. Il y a de quoi : la guerre de 2011 s’annonce déjà meurtrière.

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D’ailleurs, Sévérin Adjovi, maire de la ville de Ouidah, que l’on croyait diplomate et très expérimenté dans les exercices de style, a récemment ouvert un nouveau front anti-Yayi. Le premier citoyen de la cité des Kpassè s’est permis, au cours d’une émission télévisée, une critique en règle du pouvoir actuel. La dose de piment qu’il y a mis autorise bien une évidence : Yayi s’est coltiné le énième adversaire de son régime.

On comprend alors pourquoi, des Ouidahniers FCBE ont été invités à la salle du peuple de la présidence de la République pour louer les vertus du Maître de céans. On comprend pourquoi les ministres ressortissants de la ville, de même que la Première Dame y ont été conviés pour faire tapisserie. On comprend pourquoi Célestine, députée de la localité, ait été associée à l’affaire. Après tout, quand on veut éteindre un incendie, se préoccupe-t-on de la qualité de l’eau qu’on va utiliser ?

C’est à cette occasion qu’on a su que Ouidah aime le chef de l’Etat d’un amour si inaltérable qu’il mérite qu’on lui en donne la clé. Une clé factice qui n’ouvrira aucune porte puisque tous savent – mis à part le chef lui-même – que cette mise en scène a été montée pour donner le change à Adjovi. On dit que ce dernier, en regardant les images, s’est fendu d’un rire de chameau.

Par Florent Couao-Zotti

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