Chers concitoyens, pourquoi tournez-vous toujours vos regards vers le ciel ?
Rares sont les cultures qui acceptent leurs propres lacunes, s’en culpabilisent à travers des procès d’autocritique qui prennent souvent le pas sur la critique. Donc, on impute à la tradition judéo-chrétienne cette propension des Occidentaux à rejeter continuellement la faute de tous accidents sociaux sur eux-mêmes : « C’est ma faute. Je suis impardonnable. Que j’ai été con.
Que je suis bête ! » Voilà des phrases courantes dans la bouche des Occidentaux en général, des Français en particulier, et qui ne sont pas sans rappeler le Credo chrétien : « C’est ma faute, c’est ma faute ; c’est ma très grande faute. »
Or, l’Africain accepte rarement l’idée de sa propre responsabilité. Chez nous au Bénin en l’occurrence, c’est toujours l’Autre (le sorcier en particulier, les mauvais esprits ou les vodoun) qui est toujours pris pour principal responsable de tous nos maux et sur qui nous projetons volontiers les sources de nos frustrations et de nos déboires. Pour vous en convaincre, regardez seulement ce qui se passe dans la circulation. Le zem qui trop pressé et maîtrisant difficilement son engin vous cogne par derrière lorsque vous ralentissez pour un motif quelconque, ne s’excusera jamais d’avoir embouti une partie de votre voiture presque neuve ; alors que c’est manifestement lui qui a tort. Eh bien, non ! Il ne l’entend pas de cette façon : il vous injure copieusement de l’avoir gêné par votre "caisse" en vous arrêtant sans …prévenir ! Dans la vie sociale, cela fait que les gens sont continuellement en situations d’accusations réciproques. Dans le domaine politique, cela conduit à voir le régime, n’importe quel régime, comme le seul responsable de tous nos maux. Ce que nous aurions pu améliorer par notre seule action civique, silence et bouche cousue. La conscience et la veille citoyennes ? Rien que des mots sortis de la bouche de quelques membres de la société civile et autres chroniqueurs indécrottables qui moralisent à tour de bras. Aussi les citoyens béninois ne font-ils jamais l’effort de voir dans quel état de déliquescence morale nous sommes parvenus. L’arnaque est à tous les niveaux, en ville comme dans nos campagnes. Vous ne pouvez guère confier des tonnes de ciment à un frère de village, pour vous faire des briques et commencer avant votre arrivée les travaux de construction d’une maison dans la concession commune. Vous êtes sûrs qu’il va détourner une partie de ces paquets de ciment et les vendre. Il va tout surfacturer, comme nous le faisons presque tous dans nos administrations centrales ou décentralisées.
Gavroche, le célèbre héros du roman de Victor HUGO, Les misérables, avait cette rengaine à la bouche :
« Si on est laid à Nanterre
C’est la faute à Voltaire
Et bête à Palaiseau
C’est la Faute à Rousseau.
Joie est mon caractère
C’est la faute à Voltaire
Misère est mon trousseau
C’est la faute à Rousseau »
Le constat est là, aussi irréfutable qu’incontournable. Après une naïve euphorie, tous les régimes dans l’ancien Dahomey ou le Bénin d’aujourd’hui nous deviennent insupportables au bout de deux ans. Hubert Koutoucou MAGA, le premier Président de la République du Dahomey indépendant, n’a véritablement occupé cette fonction que pendant deux ans. Le tandem PDD-Wologuèdè de Sourou MIGAN APITHY et Justin TOMETY-AHOMADEGBE n’a duré que moins de deux ans (1964-1965). Le régime militaro-technocratique (comme le désignaient les jeunes de ma génération, impertinents à souhait) du Général Christophe SOGLO n’a duré que deux ans (1965-1967). Emile Derlin ZINSOU et les Jeunes Cadres des Forces Armées Dahoméennes qui l’avaient coopté, n’avaient gardé le pouvoir que pendant deux ans (1968-1969). Le Conseil Présidentiel ? Deux ans (970-1972).
Cependant, la Révolution, en usant de cette logique totalitaire propre au bolchevisme dont ses ténors s’inspiraient, a bien sûr mis fin à cette instabilité chronique, en nous menant à la trique pendant 17 ans. Record inégalé qui ne sera jamais battu ; surtout que le Renouveau démocratique et son credo libéral se sont installés depuis la Conférence Nationale. Un net progrès cependant par rapport aux douze années qui ont précédé la Révolution. Le peuple béninois est certes toujours atteint par cette fatigue socio-politique caractéristique au bout de deux ans ; mais personne ne songe à renverser l’équipe au pouvoir par un coup d’Etat militaire. On attend tranquillement que finissent les cinq ans du premier mandant du Président de la République en exercice, pour s’organiser et le virer ! Un seul animal politique a jusqu’ici et par deux fois, pendant la Révolution et sous le Renouveau démocratique, conjuré cette fatalité : le Général Mathieu KEREKOU. Dix-sept ans pendant la Révolution et onze ans sous le Renouveau démocratique ! Que se passera-t-il en 2011 ?
Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC
http://damyeye.unblog.fr