La basilique centenaire d’une vieille ville

J. CarlosUn siècle de présence dans le paysage de la ville: la basilique de Ouidah a cent ans demain 9 mai 2009. Ce lieu du culte, d’une architecture de très haute valeur historique, marquera cet anniversaire, affecté du chiffre mythique 100, de trois signes : présence, témoignage, engagement.
La présence est dans le temps. Ouidah, la porte océane d’entrée de la Bonne Nouvelle au Bénin, voire dans la sous-région, s’est préoccupée, il y a cent ans, d’offrir à Dieu une demeure. Pas n’importe laquelle. Car, pour l’époque, ce lieu du culte exprimait bien, dans la pierre ou par tous autres matériaux, ce qu’il y avait de meilleur à offrir à Dieu. Dans un environnement dominé par le culte traditionnel Vodun, c’est déjà une manière d’affirmer fortement la présence de la nouvelle religion et surtout de prendre date.
Et depuis un siècle, l’édifice a trôné comme une tour par-dessus trois générations de gens attachés à Ouidah autant par le cœur que par l’esprit. Des contemporains qui ont eu à humer l’air de Ouidah en même temps que la basilique, il ne doit plus en rester beaucoup. Etre centenaire, sous nos cieux, est une bénédiction. La basilique a dû recevoir la dépouille mortelle de milliers de Ouidaniers à l’heure des adieux, avant l’ultime et grand voyage. De même que des milliers de Ouidaniers, à l’appel des vents du large, ont laissé Ouidah et la basilique derrière eux pour de lointaines contrées. Ainsi, on part provisoirement ou définitivement, on revient ou on ne revient plus, mais la basilique reste. Belle illustration d’une présence sereine et imperturbable face au temps qui passe, face aux hommes qui trépassent, face aux modes qui repassent !
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Le témoignage est dans la coexistence pacifique de plusieurs confessions religieuses dans la vielle ville historique de Ouidah, signe palpable et tangible d’une belle symphonie spirituelle à la gloire du Très Saint et du Très Haut. Il faut y voir une leçon de tolérance, par ces temps dominés par la l’extrémisme des fondamentalistes, le radicalisme des pôles de puissance et de pouvoir. Que dire de l’autisme de certaines chapelles, religieuses ou politiques ? Ces chapelles débitent et déclinent leur catéchisme en des vérités absolues, éternelles, immuables, à l’exclusion de toutes autres vérités.
Témoignage également, mais à forte teneur symbolique : la basilique dresse sa haute silhouette vers le ciel et s’abîme dans un face-à-face muet, mais combien parlant, avec le temple des Pythons. Les deux édifices se font face. Les deux édifices se regardent dans le blanc des yeux, dans la sérénité d’un dialogue qui dure. Un pont, édifié sur le roc solide de la tolérance et de l’acceptation de l’autre, réunit des entités qui, pour différentes qu’elles soient, ne se donnent pas moins la main. Elles peuvent alors conjuguer la fraternité des fils et des filles du seul et unique Dieu à tous les temps et par tous les temps. A l’image de nos prières, ferventes et sincères, tout ce qui monte, comme l’a dit Teilhard de Chardin, converge.
L’engagement, c’est par rapport au passé, au présent et à l’avenir, trois catégories du temps de l’homme et par rapport auxquelles Ouidah, à travers tous ceux qui se sentent de coeur et d’esprit avec la cité Kpassè, doit se déterminer ici et maintenant.
Par rapport au passé et sous le regard de la basilique centenaire, la ville a commencé à dissiper les frayeurs d’hier, à congédier les angoisses d’avant-hier, à gommer les stigmates de toujours. La traite négrière qui a si douloureusement marqué au fer rouge le destin de Ouidah est un épisode de son histoire. Si elle doit courageusement l’assumer pour ne pas se renier, elle n’est nullement obligée d’en traîner le souvenir comme un boulet de forçat. C’est dans cet esprit qu’il faut se féliciter de l’esprit nouveau à l’œuvre dans la ville. Cela a déjà permis de substituer à « Zo mahi » « Zo machi » et d’opposer à la Porte du non Retour, la Porte du Retour.
Par rapport au présent et compte tenu du fait que les plaies sont encore vives, à la suite des récents événements qui ont endeuillé la ville, nous appelons la paix sur Ouidah : calme paisible dans les esprits encore gorgés de colère ; remembrement des familles encore déchirées ; réconciliation des enfants d’une même famille qui continuent de mâcher la colère amère des ressentiments.
Par rapport à l’avenir qui n’est à personne mais à Dieu, comme le dit Victor Hugo, nous avons toutes les raisons de retourner à la basilique, à la maison de Dieu. Pour une mémorable célébration qui doit confondre les fils et les filles de Ouidah dans une égale ferveur. Ainsi cent ans se sont écoulés. De nombreuses années sont à venir. Les promesses de demain trahiront-elles les souvenirs d’hier et d’aujourd’hui ? Ouidah a été est et sera sous bonne protection.
Jérôme Carlos
La chronique du jour du 8 mai 2009

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