Le gouvernement en voie de perdre 87 milliards de FCfa
Après bientôt trois ans d’activités, le Programme du Millénium challenge account semble encore avoir du chemin à faire dans plusieurs domaines, notamment en ce qui concerne les composantes «Accès aux marchés » et «Accès à la justice ». Tout balbutie encore à ces deux niveaux, malgré les différents engagements pris par le gouvernement qui est appelé à baliser le terrain à l’équipe technique en charge de leur exécution, au risque de perdre près de 87 milliards qui y sont destinés.
Ce mardi 30 juin, marque la date buttoir fixée par le gouvernement pour prendre certaines mesures importantes liées à l’exécution du programme du Bénin pour le Millénium challenge account, notamment dans deux de ces composantes, «Accès à la justice » et «Accès aux marchés ». S’il est vrai que dans la journée d’hier, des actions urgentes ont été menées dans les travaux de démolition des magasins au Port de Cotonou, afin d’y construire les quais prévus par Mca-Bénin, des inquiétudes persistent quant à leur exécution complète et à bonne date. En y consacrant le plus gros de ces investissements le Mca-Bénin, se trouve ainsi en difficulté vis-à-vis du partenaire américain qui n’hésiterait pas à retourner les fonds aux Usa. La menace est bien grande, selon plusieurs sources proches de la Coordination nationale de ce programme. En effet, le montant total alloué au projet « Accès aux marchés » est évalué à 80 milliards de Fcfa, représentant plus de la moitié des 170 milliards constituant le coût global du Programme Mca-Bénin sur les cinq années. Avec cette cagnotte, le Projet «Accès aux Marchés » entend améliorer la compétitivité du Port de Cotonou grâce à la modernisation de ses infrastructures et de ses systèmes de gestion et au renforcement des réformes institutionnelles. Depuis l’entame, du programme, quelques actions clés visant à baliser le terrain pour toutes les interventions du Mca-Bénin au ‘Port de Cotonou. Entre autres, le recrutement d’un Auditeur financier en mai 2007 et d’un Conseiller Portuaire. Sur le registre de l’assistance technique et de la formation, Mca-Bénin a fait former le personnel navigant du Port. 15 graisseurs de remorqueurs et mécaniciens de vedettes, 21 matelots de remorqueurs et patrons de vedettes, 07 officiers mécaniciens de remorqueurs ont été formés aux normes modernes dans leurs domaines respectifs. De même, 34 maîtres de port et amarreurs et trois pilotes ont bénéficié d’une formation entièrement financée par Mca Bénin. Reste que toutes ces réalisations ne constituent qu’une infime partie des réformes à la limite révolutionnaires que Mca-Bénin s’engage à faire réaliser au Port pour propulser ce secteur de l’économie nationale dans le cercle des ports les plus compétitifs et les plus performants de l’Afrique.
Les réformes institutionnelles toujours attendues
Si aujourd’hui les études, la formation et l’assistance technique au personnel portuaire évoluent avec plus ou moins de bonheur, il se dégage que les autres activités du Projet, notamment les réformes institutionnelles, l’amélioration de la gestion du port, la sécurité portuaire, la construction et la réhabilitation des infrastructures (sur terre et en mer) peinent à être réalisées.
Il est utile, à ce propos de rappeler que la décision du Millenium Challenge Corporate, structure faîtière du Mca-Bénin et représentant les intérêts américains dans le Programme sur les réformes à opérer au Port de Cotonou est sans équivoque: aucun décaissement pour la réalisation des infrastructures retenues pour le compte du Port Autonome de Cotonou tant que les mesures d’assainissement initiées par Mca-Bénin ne seront mises en application. En termes clairs, pour toutes concessions à l’intérieur du Port, le Port Autonome de Cotonou doit être le seul concédant et le seul bénéficiaire des revenus résultant des concessions et baux.
Mieux, le transfert des droits et obligations prévus par des contrats de concession ou de bail sur le domaine portuaire doit désormais s’effectuer uniquement entre le Port Autonome et le concessionnaire ou le preneur. Le magasin Astral, qui est actuellement exploité par une personnalité influente du pays n’est pas encore détruit contrairement aux nombreux engagements publics pris par le gouvernement. Or, c’est sur le site qui abrite ce magasin que doit s’ériger les infrastructures du MCA-Bénin. Les nombreuses recommandations des études réalisées par MCA-Bénin butent contre de gros intérêts et malgré ses ambitions clairement affichées, le port de Cotonou continue d’enregistrer des contre performances qui ne sont pas de nature à le rendre compétitif vis-à-vis des autres ports de la sous région. Le risque de perdre le financement américain du fait du non assainissement de l’environnement portuaire devient de plus en plus grand. Car plus de deux ans après la mise en œuvre du programme, il est opportun que tous les acteurs impliqués dans l’amélioration des performances du port jouent pleinement et efficacement leurs rôles et mettent réellement à profit les résultats des études réalisées par MCA-Bénin. Ce qui n’est actuellement pas le cas.
Le projet « Accès à la justice » a du plomb dans l’aile
L’autre composante du programme du Millénium challenge account, qui peine à aboutir est le projet « Accès à la justice ». Après deux ans de mise en œuvre du programme, le Projet « Accès à la Justice» peut se féliciter d’avoir logé le Centre d’Arbitrage, de Médiation et de d’Arbitrage dans des locaux plus spacieux permettant à la structure de jouer convenablement le rôle qui est le sien. Ce projet s’est également engagé pour que le Centre de Formalité des Entreprises, créé depuis 1997 pour jouer le rôle d’un guichet unique pour la création d’entreprise au Bénin porte mieux son nom. L’autre volet d’intervention du Projet « Accès à la Justice de Mca-Bénin est le système judiciaire qu’il ambitionne de rendre plus performant. A ce sujet, plus de 400 magistrats et greffiers ont déjà bénéficié des formations organisées par Mca-Bénin. Un plan de formation des Inspecteurs des Services judiciaires est élaboré et se met progressivement en marche avec déjà, trois inspecteurs envoyés en mission de perfectionnement.
Seulement voilà : les ambitions de ce projet doivent se limiter pour l’instant à ces quelques réalisations. Le reste étant conditionné par certains préalables rendus obligatoires par la partie américaine avant tout décaissement de fonds. Il revient surtout ici au gouvernement de faire adopter les textes règlementaires et autres documents légaux devant permettre de réaliser la construction de huit (08) tribunaux de première instance, d’une cour d’Appel à Abomey et d’un Centre de Documentation Juridique moderne à Cotonou. Conforment à ses propres engagements, rien ne devrait encore traîner les choses dans ce sens à la date du 30 juin 2009, c’est-à-dire au plus tard aujourd’hui à minuit. Si donc cela ne se réalisait pas, le Bénin, sans nul doute, perdra tout simplement à peu près 7 milliards de francs Cfa, soit au moins la moitié du montant total des fonds alloués au projet « Accès à la Justice ». Et il aura raté ainsi une grande opportunité de doter son peuple d’une justice équitable, accessible et efficace.
Le gouvernement joue-t-il la carte de l’efficacité devant toute cette situation ? La question ne devrait pas se poser au regard du dynamisme dont fait preuve le nouveau Président du Conseil d’administration de Mca-Bénin, Issa Soulé Badarou, membre de ce gouvernement et ministre en charge des réformes portuaires. Il se débat comme il peut pour accélérer l’exécution de ce programme, mais semble buter déjà à certains obstacles majeurs qui pourraient compromettre la bonne finition de ce programme.
Christian Tchanou.
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