En finir avec la « fatigue socio-politique »

La nostalgie n’est plus ce qu’elle était ! Enfant de Gbégamey, un quartier populaire de Cotonou, j’ai particulièrement eu l’opportunité de suivre de 1956 à 1960 (quatre années seulement, mais qui me paraissent maintenant quatre siècles), la vie politique agitée et les luttes féroces entre le PRD et l’UDD pour la conquête du pouvoir d’Etat.

Pourquoi une telle effervescence pendant ces derniers moments de la colonisation ? Pourquoi cette forte dynamique socio-politique, cette vie politique animée pour ne pas dire agitée, alors que le Renouveau démocratique avec son multipartisme intégral, nous offre au contraire le spectacle d’une vie politique terne avec des partis et mouvements mort-nés, que ce soit du côté de la mouvance ou de ce qu’il est convenu d’appeler l’opposition non déclarée ?  Aussi FCBE, UMPP, G4, Force Clé, G13, même combat : les mêmes eaux jaunâtres coulent toujours entre les mêmes rives plates, effrayantes de monotonie ! Et puis entre nous. N’est opposant au régime en place que ces types d’hommes politiques :
1) celui qui n’attend rien de ce régime, étant d’office relégué dans l’opposition ; comme Maître Adrien HOUGBEDJI qui a affronté au second tour de la  présidentielle de mars 2006 le Président de la République élu, le Docteur Thomas Boni YAYI ; 
2) celui qui n’attend rien du même régime, car ledit régime ne lui offrira pas une opportunité plus grande et plus "juteuse" que celle qu’il a actuellement ;
 3) celui qui derechef n’attend rien de ce régime, ayant déjà eu la possibilité de se faire élire député à l’Assemblée nationale. C’est le cas de la plupart des députés "opposants" du G4, Force  Clé et G13. Quand ces honorables guignent du côté du pouvoir parce que dans l’attente « d’une suite favorable » à leurs ambitions ministérielles, hop ! Plus d’opposition.
4) les déçus du régime, ceux qui, ouvriers de la première heure ou de la vingt-cinquième heure, ont apporté leur soutien à Boni YAYI qui n’a pas daigné les récompenser.
Les oppositions de principes ou basées sur des divergences politico-idéologiques, du genre de celles qui opposaient UDD-Convention devenue PPD-PFA, BPA devenu UDD, PRD, RDD, qu’il m’a été donné de connaître entre 1956 et 1960, sont carrément inexistantes sous le Renouveau démocratique. A quoi est due cette régression politico-idéologique ? J’ai particulièrement réfléchi sur la question dans mes travaux consacrés à l’Etat post-colonial. La seule explication valable est celle d’un affaiblissement de la classe politique par suite de sa dispersion entre plusieurs centaines de formations politiques qui de ce fait éparpillent leurs ressources matérielles et humaines. Elles ne peuvent plus alors peser sur la dynamique socio-politique, n’en ayant plus les moyens. Cette situation est gravissime, car elle favorise la corruption. En effet, face à la léthargie des rassemblements politiques qui manquent cruellement de moyens pour animer la vie politique, ceux qui ont la possibilité de gérer nos finances publiques (directeurs généraux, ministres) deviennent ipso facto les animateurs de la vie politique. Beaucoup d’acteurs politiques déplorent cette inflation des partis politiques, car elle est nuisible à la démocratie. De même, aucun regroupement politique n’a survécu au Président de la République qui en fut l’instigateur. Coalition Démocratique des Forces du Changement, l’Union pour le Bénin du Futur sous le Général Mathieu KEREKOU, maintenant FCBE et UMPP sous le Président Boni YAYI, même résultat !  Quel est donc le secret de la vitalité politique de ces quatre dernières années qui ont précédé notre accession à l’indépendance ? La réponse est simple : c’est le mode de scrutin, en l’occurrence le scrutin majoritaire de liste à un tour sur la base de 5 circonscriptions électorales (Nord-Ouest, Nord-Est, Centre, Sud-Ouest, Sud-Est). 

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Un grand travail a été déjà fait par la Commission ADJAHO dans le sens de nous baliser le nombre idéal de circonscriptions électorales que nous pourrions dès l’abord adopter : 30 circonscriptions électorales si on divise le département de la Donga en deux. Avec le mode de scrutin majoritaire de liste à un tour sur la base de 30 circonscriptions électorales, nous allons automatiquement impulser une vraie dynamique socio-politique, par suite d’un nécessaire regroupement politique en vue de ramasser la mise dans chaque circonscription électorale. Il n’est pas exclu qu’au finish, nous aboutissions à moins de 30 partis politiques qui ne seront plus ces clubs électoraux tels que nous les avons actuellement et qui se réveillent à la veille des élections législatives, mais de vraies machines de guerre huilées pour s’imposer dans une ou plusieurs circonscriptions électorales.     

Par   Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC

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