Interdiction de la marche pacifique des centrales syndicales

Des militaires lourdement armés à l’assaut des marcheurs

(La Bourse du travail quadrillée pendant des heures)
Impossible de faire  le moindre pas en avant. Du point du départ et sur tout le long de l’itinéraire, il y avait des forces de l’ordre, partout, armées jusqu’aux dents. Coincés à l’intérieur de la Bourse du travail, aussi encerclée par un redoutable contingent d’hommes armés, les centrales syndicales ont dû se contenter d’une assemblée générale en lieu et place de la marche annoncée. Mais ils menacent déjà de revenir à l’assaut dès la semaine prochaine.
La mesure d’interdiction de la marche annoncée pour hier mardi par les six centrales syndicales, a été effectivement mise en exécution. Une  démonstration de force jamais connue sous le régime du changement. On se croirait  en temps de guerre. Il y avait des militaires, policiers et soldats partout sur l’itinéraire des marcheurs. Au point du départ, Place de l’Etoile Rouge, ils  y ont débarqué très tôt le matin. Nombreux, baraqués et bien armés, positionnés à plusieurs endroits et visiblement prêts à tirer à la moindre récidive dans le camp des marcheurs. Les premiers militants syndicaux qui se sont porté  sur les lieux déjà vers  8h30, ont dû se rendre compte. L’heure n’était pas à la blague.

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 9 heures.  Paul Issè Eko, secrétaire général adjoint de la Cstb, vient à son tour. Et  lance aussitôt un  appel de regroupement aux autres marcheurs présents, tentant ainsi de braver, la résistance d’en face. Un militaire s’approche et lui intimide l’ordre de disparaître. Paul Issè Iko s’oppose avec la même virulence  « Jamais !! »,  rétorque-t-il puis  poursuit son discours avec plus de vivacité. Le militaire devient menaçant, monte sur lui et arrache de force le « porte-voix » qu’il avait en main. Issè Iko tente de riposter et hurle sur son vis-à-vis. Un autre responsable syndical intervient rapidement, retire son collègue du groupe et le persuade de ne pas réagir. Les deux échangent quelques mots rapides. Un message est venu de la Bourse du Travail à l’instant même, demandant  à tous les militants  présents   de se replier vers ce lieu. Ainsi, ils quittent tous la Place de l’Etoile  Rouge, le cœur amer, injuriant au passage les militaires en position. De ce point de départ  à la destination, d’autres hommes armés trônent également  sur les différents carrefours, les yeux hagards, les doigts rivés  sur les gâchettes. Prêts  à dégainer à tout instant.

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Une militarisation inédite A la Bourse du travail,  la présence des hommes armés est  encore plus remarquable.   Alignés  en peloton d’une dizaine d’éléments  sur  presque toutes  les voies d’accès à cette  maison des travailleurs, on pouvait y noter tous les corps: militaires, policiers, gendarmes. L’armement est  également de taille. Certains ont même porté des gilets  contre –balles. Quelques commandants de troupe et des hauts gradés de la police nationale sont  aussi de la partie et parcourent  de temps à autre, chaque peloton.   « Que va-t-il se passer ?»  s’interroge, béat  un  passant qui s’éloigne à la hâte. D’autres curieux mêlés à des vendeurs de nourritures, aussi s’inquiètent et  vident les lieux. Avec  leur clic et  leur clac.  La situation est grave.  La psychose gagne tout le monde.

 En face de  l’entrée principale de la Bourse du travail, d’autres éléments armés veillent au grain, armes aux poings. Il n’empêche. Des  militants syndicaux invités à la marche, continuent à venir à flot  dans la maison. L’entrée ne leur est pas interdite. Mais il fallait être un peu courageux pour  la franchir.  A l’intérieur, tout  bouillonne déjà.  A défaut d’animer la rue, les centrales  syndicales ont fait remplir la  cour de leur maison, par des militants venus  de toutes parts, même des régions éloignées de Cotonou, à bord des bus et des  camions. Au devant  de la scène, les secrétaires généraux des six centrales syndicales, sont debout côte à côte. Gaston Azoua de la Cstb,  Pascal Todjinou de la Cgtb, Dieu-Donné Lokossou de la Csa-Bénin, Kakai Glèlè de la Cosi-Bénin, Emmanuel Zounon de l’Unstb et autres… cachent à peine leur amertume. Mais  maîtrisent visiblement leur émotion,  exhortant  la foule à la retenue. « La démocratie de notre pays a été violée par le Chef de l’Etat » lâche Dieu Donné Lokossou,  qui ajoute qu’une décision sera prise d’ici à là pour indiquer la conduite à tenir dans les prochains jours face à cette interdiction. Dehors,  la centaine de forces de l’ordre déployées est toujours en place. Le meeting se poursuit avec beaucoup plus d’intensité de l’autre côté.  Des marcheurs  hurlent dans la foule et  scandent à n’en pas finir des slogans hostiles au gouvernement en particulier à son Chef. « Yayi, démission !!!, Yayi, démission !!! » râlent plusieurs personnes.

Grève de 48 heures  mardi et une nouvelle marche

Si le Préfet de l’Atlantique et du Littoral a purement et simplement interdit la marche, la mairie de Cotonou l’aurait accordée, tout  en demandant aux syndicats, de ne pas émettre le moindre mot sur le dossier Cen-Sad, étant donné qu’une commission statue actuellement sur le sujet et a besoin de travailler en toute sérénité. Mais  les secrétaires généraux des centrales rétorquent qu’il n’y avait pas que ce sujet à dénoncer. Beaucoup d’autres sont dans leur ligne de mire : la privatisation des entreprises d’Etat comme la Sobemap, la Sbee, le Port autonome de Cotonou, la hausse des prix des produits pétroliers, de l’électricité, de l’eau, les Nouveaux programmes d’enseignement qui « abêtissent les enfants et assombrissent l’avenir du pays »….  Un seul mot pour dénoncer cette mesure d’interdiction, violation des libertés syndicales et démocratique. « Le droit à la libre expression ne peut être sélectif, surtout que dans affaire de la Cen-Sad, les hauts dirigeants de ce pays ont volé des milliards et leur crime s’étale au grand jour » décrie Gaston Azoua qui dit  ne pas être intimidé par  ce déploiement militaire sur les lieux «Ce n’est pas grave. Nous reviendrons à l’assaut. Il ne reste que quatre jours à la commission Adjaho  pour déposer  son rapport.

 

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On les laisse travailler donc. Mais au lendemain de ces quatre jours, le Chef de l’Etat va nous entendre de nouveau. Et je vous rassure que ça va chauffer » annonce le N°1 de la Cstb. Déjà dès mardi prochain, toutes les six centrales syndicales ont décidé d’observer une grève de 48 heures qui pourrait se durcir par la suite, si  le gouvernement ne tend pas une oreille attentive à leurs différentes revendications. Le jeudi 30 juillet, également, sera organisée une nouvelle marche de protestation, aux dires des centrales syndicales. « Nous sommes en face d’un pouvoir en désarroi»  pense, pour sa part Laurent Métognon, du syndicat des finances,  qui ajoute  que le gouvernement « intoxique le peuple sur le dossier Cen-Sad».

« Retrait de toute allusion à l’affaire Cen-Sad » (Condition sine qua none selon la mairie de Cotonou)

Dans un communiqué publié hier par la Cstb, la centrale a fait cas de  la condition posée par la mairie de Cotonou qui consiste à retirer toute allusion à l’affaire Cen-sad lors de la marche d’hier. Ce que les centrales auraient fait, non sans savoir que cela ne suffirait pas au gouvernement pour leur admettre cette action. Lire ci-après un extrait de ce communiqué qui donne des précisions à ce sujet.

« ….Comme de coutume laDirection de la marche a fait une déclaration de la manifestation à la Mairie mais contre toute attente, la Mairie de Cotonou exige le retrait de toute allusion à l’affaire CEN-SAD avant de recevoir notre déclaration. Ce qui a été fait. Mais nous protestons énergiquement contre cette violation des libertés syndicales et démocratiques; le droit à la libre expression ne peut être sélectif; surtout que dans cette affaire, les hauts dirigeants de ce pays ont volé des milliards et leur crime s’étale au grand jour. Ils ont volé l’argent du pays et l’on veut que les travailleurs n’en parlent pas. Le peuple veut que les pilleurs, tous les pilleurs, paient; et un préfet veut bâillonner le peuple. C’est une prime aux crimes économiques. C’est de la complicité avec les pi/leurs. C’est une couverture des pilleurs afin que ne s’étale pas encore plus au grand jour la réalité du vol dont le peuple est victime. En tout état de cause, la marche aura bien lieu ce jour pour que les pilleurs ne continuent point de : privatiser nos entreprises ; nous appauvrir en augmentant les prix; hypothéquer l’avenir de notre pays en abêtissant nos enfants… »

Christian Tchanou et Brice Dossou-Goin

 

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